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De la Chapelle à la Lagune, au Clair de La Plume

Auteur

La
rédaction

Date

07.07.2014

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Hôtel de charme à Grignan les Adhémar, Le Clair de la Plume accueille le visiteur dans un luxe nimbé de douceur. Aux prémices de juillet, le restaurant accueillait un dîner dédié aux vins de la famille Frey, de la maison Paul Jaboulet Aîné au Château la Lagune à Bordeaux.

Jean-Luc Valadeau a construit son paradis sur terre : « c’est une maison qui est arrivée dans ma vie comme une évidence. Je suis persuadé que les lieux vous choisissent et non l’inverse. » Alors qu’il cherchait partout sauf à Grignan, il est arrivé en 1999 dans cette maison à vendre, après qu’un ambassadeur canadien s’y fut installé quelques années et que son épouse, du pays pourtant, ait voulu regagner le chemin de la ville.

Volubile, enthousiaste, Jean-Luc Valadeau se pose le temps d’un sourire et résume : « ici on est près de la civilisation, mais loin du bruit du monde ».

Cela commence avec le jardin, celui de la maison. Dans le village, Jean-Luc Valadeau a aménagé un jardin pédagogique avec d’autres essences encore. Puis on entre dans la maison, par la verrière installée en 2012 et dans les chambres au mobilier et accessoires vintage, « chinés ou donnés par des amis ». Sur les étagères, des livres attendent le visiteur. La table du petit déjeuner est ornée de compotes, riz au lait et salades de fruits dans leur verrine scellée, faits maison. Elle donne un tout petit aperçu de la passion du chef, Julien Allano, pour le cousu main en cuisine. On la savoure au déjeuner et surtout lors de ce dîner organisé avec la maison Paul Jaboulet Aîné et le Château la Lagune, sous l’égide de la famille Frey (et la complicité des champagnes Billecart-Salmon dont Jean-François Frey est actionnaire à 45 %).

Le Chevalier Blanc à la Chapelle

La richesse des produits locaux se lit sur la carte et le chef insiste : « Quand je vois des tomates en mai et des asperges en janvier, qu’on a fait pousser dans de la terre chauffée, qu’on ne me parle pas de saisonnalité ! Sur mon menu, les tomates viennent seulement d’arriver ! » et des tomates anciennes, en compression sous un sorbet au basilic. Elles partent à la rencontre d’un Hermitage Blanc Chevalier de Sterimberg 2011 pour un accord au sommet entre ce vin tendu, salin et la gourmandise craquante du plat.

Particulièrement réussi, cet accord met-vin démontre le talent en blanc de l’Hermitage. L’œnologue Denis Dubourdieu, éminent spécialiste des vins blancs, préside à la vinification de cette cuvée aux côtés de Caroline Frey, qui fut son élève à la faculté d’œnologie de Bordeaux. L’assemblage 65 % Marsanne 35 % Roussanne est élevé pour 20 % en bois neuf, dans les fameuses cuves ovoïdes qui permettent des remises en suspension des lies sans bâtonnage, par convection naturelle.

« Gardez votre verre jusqu’à la fin du repas, vous verrez comme ce Chevalier sait tenir tête aux rouges ! » conseille Jean-Luc Chapel, sommelier et ambassadeur de la maison Jaboulet qui présidait la dégustation. Et on confirme !

Foie gras, cire d’abeille et fruit de la passion

Après ce génie de finesse et de tension, on prit le chemin de Crozes-Hermitage pour un 2005 (toujours en blanc) issu du domaine de Roure, racheté en 1996 par la maison Paul Jaboulet Aîné. Trois bouteilles débouchées, trois expressions différentes, avec une patine plus ou moins prononcée, une oxydation plus ou moins marquée vers des arômes de cire d’abeille. La rencontre avec le plat (un foie gras poêlé et laqué au caramel d’épices garni de fraises) était réussie et aménagée d’une expérience inédite d’aroma-vapologie avec une vapeur de fruit de la passion dégustée sur le narguilé aux formes contemporaines, sans tabac, dessiné par AirDiem.

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Glorieuse Chapelle

La colline de l’Hermitage est classée au patrimoine national depuis 2013, elle est surmontée d’une chapelle bâtie par le même Chevalier de Sterimberg qui a donné son nom à la cuvée Hermitage Blanc. La chapelle Saint-Christophe surplombe un vignoble dont la maison Jaboulet détient le monopole depuis 1919. L’Hermitage La Chapelle est une référence mondiale, un mètre-étalon de la complexité de la Syrah. Son 1961 figure au panthéon des bouteilles de légende, aux côtés des premiers crus du Médoc de la même année. Au nez, les arômes de fruits noirs et de poivre concassés, chantent la Syrah ; en bouche, la finesse de la trame tannique et l’équilibre entre une matière dense et une acidité fraîche se prolongent longtemps, signature de l’assemblage des quatre terroirs de la Chapelle (les Bessards, les Greffieux, le Méal et les Rocoules).
Sur le millésime 2004 (« décrié, sous-estimé, qui révèle ici sa finesse », précise Jean-Luc Chapel), le vin avaient pris un tour caramélisé très gourmand qui faisait merveille avec le plat bâti, sur la truffe d’été. « Avec la Chapelle on est face à des vins qui défient le temps sur des courbes de vie inattendues. En ce moment, le 1994 revient, le 1988 arrive enfin… », explique Jean-Luc Chapel.

Du Rhône à la Gironde

Sur la viande, départ pour Bordeaux où la famille Frey est propriétaire du Château la Lagune, dont le 2010 présente un équilibre remarquable et assume sa particularité : ce vignoble du Haut-Médoc est particulièrement propice à la maturation du Petit-Verdot, cépage minoritaire à Bordeaux où il peine d’ordinaire à mûrir. Sur 2010, ses 10 % dans l’assemblage se lisent dans la couleur, le grain de tannins à poigne et les notes épicées poivrées.
Après ces deux références rhodanienne et bordelaise, Jean-Luc Chapel présentait sur les fromages l’Evidence de Caroline Frey, de Tain à Bordeaux un assemblage à égalité de Syrah et de Cabernet Sauvignon . Sur le millésime 2010, cette ode à la gourmandise déclinait un fruit très noir et une texture douce, un trame tannique onctueuse « C’est la deuxième fois que je le goûte », précise Jean-Luc Chapel, « c’est notre grande nouveauté ! ».

Douceur de vivre

Pour les desserts, retour dans le Rhône avec le Muscat Beaume de Venise qui accompagnait une conversation gourmande entre l’abricot et le chocolat Jivara mise en scène par le chef pâtissier Philippe Riquier. On est loin des muscats lourds qui ont fait le drame de ces vins doux naturels, le repas s’achève sur une douceur jamais pâteuse, avec une fraîcheur d’essence de garrigue (thym, lavande) au fond du verre… à moins qu’elle ne flotte dans l’air depuis que l’on a ouvert les fenêtres qui donnent sur le jardin. Tandis que les convives prennent congé, Jean-Luc Valadeau, Julien Allano et Jean-Luc Chapel se souviennent des débats qui ont entouré la naissance du menu, « des mets créés selon les vins ». « C’était super parce qu’on n’était pas d’accord », résume Jean-Luc Valadeau, « et c’est la vie, rien de plus, rien de moins. Ce n’est pas demain que l’on craint, c’est maintenant et ça se vit sans en attendre quelque chose. La vie rêvée est toujours frustrée. La vie vécue, elle, est colorée. »

Difficile de donner en quelques photos un aperçu complet de tous les charmes du Clair de la Plume. Un vidéo est disponible sur le site web de cette belle maison !

Le Clair de la Plume
2 place du Mail à Grignan
Tel: +33 (0)4 75 91 81 30

www.clairplume.com

Julien ALLANO - Le Clair de la Plume - Jan14 - © Alain MAIGRE

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