Mercredi 9 Octobre 2024
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27.11.2014
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C’est peu connu, et pourtant, les grands champagnes vieillissent admirablement. Voici pourquoi, et voici la preuve par trois : AR. Lenoble , Mailly Grand Cru, Lanson.
Il est temps de bousculer les idées reçues. Le champagne est un grand vin de garde, une aptitude qu’il partage par exemple avec les vins liquoreux ou les rouges taniques. Dans le cas du champagne, c’est l’acidité – non l’alcool, le sucre ou les tanins – qui conserve les grands nectars. L’acidité, et les conditions particulières de l’élevage sur lies.
Si cette aptitude est peu connue, c’est bien parce que le champagne vieillit AVANT d’être mis en marché : 15 mois pour un brut sans année, 3 ans pour un millésimé. Sachant qu’il s’agit là de durées légales minimum, de nombreuses maisons n’hésitant pas à doubler ces temps d’affinage, ou plus.
Pourquoi ? Parce que qu’au cours du temps, l’acidité va se patiner, les lies vont apporter du gras et du volume en bouche, la gamme aromatique va évoluer vers des fruits confits, du miel, du thé, des épices. Certes, le champagne quitte là les bulles classiques apéritives, pour endosser l’habit d’un vin. L’essai mérite d’être tenté au moins une fois et les fêtes qui approchent procurent le cadre idéal à cette expérience épicurienne.
Trois grands producteurs champenois nous ont ouvert leur oenothèque. Suivez le guide.
AR. Lenoble, blanc de blancs 1964, 50 ans de pleine forme !
Cette famille installée en Champagne depuis 1915 possède de très belles vignes de pinot noir premier cru à Buxeuil, et des vignes encore plus belles de chardonnay grand cru à Chouilly. Anne et Antoine Malassagne, frère et sœur représentant la quatrième génération à la tête d’AR. Lenoble, ont conduit cette maison au sommet.
Pour prouver l’insolente capacité de ces grands blancs de blancs à traverser le temps, ils mettent en marché sur cette fin d’année des magnums oenothèque 1964. Pourquoi 1964 ? Parce que, selon Anne Malassagne, il est arrivé à un point de plénitude. Le demi-siècle !
Voici un champagne à la robe or cuivré, à la l’effervescence fine mais encore assez disserte. C’est rond, mûr, avec une allonge pleine de finesse. L’aromatique évoque les bois précieux, les épices, la truffe blanche. C’est envoûtant et à la fois plein de peps, une curieuse sensation. A servir sur un rizotto ou sur un plateau de certains fromages (abondance, livarot).
Proposé en coffret luxueux à 620 € (magnum), ce qui, tout bien compté, revient à 12, 40 € par an ! A comparer à un magnum grand cru bourguignon de la même année : corton, échezeaux, chambertin…
Mailly Grand Cru, les quatre derniers millésimes du siècle
Direction à présent sur Mailly Grand Cru, une coopérative-bijou sur un grand terroir de pinot noir. Elle se définit même comme « Domaine Mailly Grand Cru » tant elle maîtrise précisément son parcellaire entièrement classé grand cru. Une connaissance intime du terroir, de belles installations et une politique pointue de vins de réserve lui permettent d’élaborer des champagnes «cousus main ». La démonstration est éclatante dans cette collection exceptionnelle de quatre millésimes consécutifs : 1996, 1997, 1997, 1998.
1996 étonne par sa tonicité qui lui donne une grande énergie en bouche, de beaux amers en finale et une aromatique marquée par le grillé, des arômes tertiaires, du champignon séché, des épices, une pointe fumée.
1997 est plus fluide, plus rond, plus mûr, avec de la pomme de reinette, du fruit confit, du caramel au beurre salé et de fines touches briochées. C’est délicat, tout en finesse.
1998 est riche, crémeux, pâtissier, rappelant les fruits mûrs comme la mirabelle, l’ananas rôti et de nombreux autres arômes gourmands. Voici un champagne qui a de la structure, rond, puissant, large.
1999 est un coup de cœur rare (les Champenois pensaient alors plutôt à l’an à 2000). Il est marqué par une salinité en fin de bouche. Un côté pointu, citronné extrêmement précis, qui fait suite à une bouche mariant le berlingot, l’amante douce, la marmelade d’orange ainsi qu’un côté grillé-noisette complexe.
Cette magnifique collection Millésimes est proposée en magnums dans un coffret bois d’Argonne réalisé sur mesure (195 € quel que soit le millésime).
La Vintage Collection sans égal de Lanson
Cap pour finir vers Lanson. Cette grande maison traditionnelle produit des champagnes aptes à un très long élevage et en a fait une caractéristique distinctive. Jean-Paul Gandon, son chef de caves, a constitué au fil des années une oenothèque exceptionnelle, la « Lanson Vintage collection » qui permet aujourd’hui de répondre aux amateurs exigeants sur des millésimes précis.
Ces magnums sont conservés sur pointe, dans des conditions idéales, et ne sont dégorgés et habillés que sur demande et à la main dans un esprit d’artisanat sur mesure.
Que vaut 1976, 1979, 1983 ou 1985 ? Mieux vaut passer la parole à Jean-Paul Gandon, mémoire incontestée et respectée de la Champagne, pour décrire, en vidéo, ces millésimes ! Les magnums sont livrés dans un coffret luxueux (300 à 900 € le magnum suivant le millésime). Ils sont accompagnés d’un livret qui rappelle les grands faits ayant marqué cette année là.
Car ces bulles millésimées qui cristallisent – aussi – une page d’Histoire !
Joëlle W. Boisson
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