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Les 60 ans de Saint-Mont : à la recherche des cépages perdus

(crédits photos : Plaimont Producteurs et F. Hermine)

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

06.03.2017

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L’appellation fête ses 60 ans en amplifiant la recherche sur les cépages perdus de son vignoble et en intégrant bientôt le tardif dans son cahier des charges.

Avant le phylloxera, le Gers était le premier département viticole de France avec 133 000 ha qui ne produisent en 1886 que 734 000 hl, soit un rendement record de 5,5 hl/ha. Pourtant, ici le phylloxera s’est propagé plus lentement, les terres des sables fauves s’écroulant sur les galeries des méchants parasites et ralentissant ainsi sa progression vers les racines des ceps. A l’époque, le vignoble de Saint Mont se classe en deux familles de cépages : ceux dit bordelais (barraque, Groleau, courbu, mérille, tannat et le fer servadou – alias pinenc dans le Gers, braucol à Gaillac, mansois en Aveyron) qui se sont diffusés en suivant les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Avec ces cépages très productifs, on produisait des vins ordinaires, surtout bus localement, raconte Olivier Bourdet-Pees, directeur de Plaimont Producteurs. La deuxième famille des mansois (petit et gros manseng, manseng noir) servaient à élaborer des vins plus qualitatifs ». Les vignes sont alors plantées en hautain à pied double, typique du Piémont pyrénéen, et encarré avec parfois des arbres fruitiers au milieu, pêchers, figuiers, cerisiers… Les derniers pieds de vigne ont été retrouvés à Sarragachies chez les Pedebernade qui les avaient conservés au fil des générations. La plus vieille parcelle de France, classée monument historique depuis 2012, date de plus de 200 ans. On y soigne à titre expérimental 13 cépages : arrat, cauzette, morenoa, faca… ou qui portent le nom des propriétaires des vignes retrouvées (Pedebernade, Dubosc).

Le retour des cépages locaux

Au début du XXe siècle la vigne avait été replantée à moindre ambition tant en volumes que qualitativement. En juin 1948 naissait l’appellation Saint Mont et en 1951 les caves d’Aignan et Plaisance se regroupaient. « Le vignoble était alors orienté vers l’armagnac et la distillation qui faisaient vivre la région, précise Olivier Bourdet-Pees. Les coopératives avec peu de moyens ne servaient qu’à réduire les coûts de production, les vignerons vinifiant encore les raisins chez eux. En 1953, 53% de la production provenait d’une vingtaine de cépages locaux ; aujourd’hui, c’est plus de 90% tannat et pinenc en tête pour les rouges, gros et petit manseng, arrufiac, petit courbu pour les blancs ». L’appellation accède à la dénomination VDQS (Vin Délimité de Qualité Supérieure) en 1981, à l’AOC seulement en 2011 et réintroduit peu à peu les cépages pyrénéens.

Inventaire et conservatoire

A l’initiative d’André Dubosc, l’ancien directeur de l’union de coopératives, avec le technicien Jean-Paul Houbart, Plaimont Producteurs créé un conservatoire ampélographique à Saint Mont, premier conservatoire privé de France en 2002, et entreprend de répertorier quelques parcelles centenaires comme la vigne de Sarragachies de 1810 mais aussi une autre vigne préphylloxérique de 1871 à Saint Mont, celle de Limaris de 1910, la Madeleine de 1880. « Certains cépages ont d’abord fait l’objet de micrio-vinifications à partir de 2008 pour savoir si ils avaient un réel intérêt, commente le jeune président de l’appellation Eric Fitan. C’est comme ça que nous avons décidé de faire une cuvée à base de manseng noir en 2015 (le Moonseng noir) et que nous produisons à titre expérimental quelques litres de tardif ». « Ce cépage nous semble très intéressant, notamment dans le cadre du réchauffement climatique, avec ses petites grappes récoltées en octobre et moins sensibles à la pourriture, précise Nadine Raymond, responsable Recherche & Développement de Plaimont. De surcroît, il est très riche en rotundone génératrice d’arômes épicés et poivrés comme la syrah. Nous avons donc demandé à l’Inao de l’inclure dans le cahier des charges de l’appellation. On attend la validation peut-être d’ici la fin de l’année… »

A partir de 2007, l’identification des cépages s’est faite visuellement, un travail de titan facilité ensuite par l’analyse génétique en collaboration avec l’Inra qui retrouve ainsi les liens de parenté des cépages inconnus. Une trentaine de cépages ont encore été retrouvés lors du dernier inventaire de 2016, notamment sur des parcelles censées être plantées uniquement en tannât. Certains clones de pinenc après analyse se sont révélés plus résistants aux intempéries. L’avenir du vignoble a donc à gagner à la recherche des ceps perdus…