Accueil Chantegrive et Cos Labory : Graves et Saint-Estèphe parlent d’une même voix

Chantegrive et Cos Labory : Graves et Saint-Estèphe parlent d’une même voix

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

25.03.2017

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Ces deux propriétés bordelaises dépassent les idées reçues et ont décidé de communiquer ensemble dans différents événements à destination des particuliers ou des professionnels.

La semaine passée, Marie-Hélène Lévêque et Bernard Audoy, propriétaires respectifs des châteaux Chantegrive dans les Graves et Cos Labory en Saint-Estèphe, avaient convié quelques professionnels du monde du vin pour une dégustation de leurs cuvées sur plusieurs millésimes. Un fait suffisamment rare pour être souligné car il n’est pas habituel qu’un domaine du sud de Bordeaux décide de proposer une dégustation commune avec un lointain confrère du nord du Médoc. Habituellement, les différentes appellations se regardent à distance, se jaugent, chacun défendant sa typicité. Un environnement dans lequel on ne se mélange guère. Cette initiative commune n’est cependant pas une première, loin de là. « Depuis près de 20 ans, nous voyageons ensemble pour des événements professionnels, participons de manière commune à de nombreux événements » se plaît à expliquer Marie-Hélène. Une façon originale de confronter des vins à la typicité bien différente mais tous produits dans le cadre de domaines familiaux avec le souci permanent d’amélioration de la qualité. Si l’histoire moderne de Cos Labory, voisin de Cos d’Estournel, remonte à 1922 quand le grand-père de Bernard Audoy a racheté la propriété, elle est 40 ans plus jeune pour Chantegrive. Mais son histoire n’en est pas moins originale puisque les Lévêque ont alors vendu leur collection de timbres (qu’on imagine précieuse) pour financer, au moins en partie, l’achat de 2 hectares de vignes en 1966.

Des rouges, mais pas seulement

Chacune des deux propriétés produit évidemment des vins rouges, bien typés du coté de Cos Labory avec une réelle densité, un fruité relativement mûr et une belle capacité de vieillissement. A ce titre, le 2014 s’avère bien équilibré, le 2012 offre pour sa part une très belle chair dotée d’une acidité présente. En remontant un peu dans le temps, le 2005 est toujours de belle tenue, marquée par la chaleur du millésime et de belles notes épicées qui sont parties pour s’exprimer encore quelques années. Des vins rouges qui ont un style reconnu. De toute évidence, Chantegrive souhaitait mieux définir le style des siens. L’arrivée d’Hubert de Boüard, propriétaire du château Angélus à Saint-Emilion, comme œnologue-conseil en est l’une des conséquences. Depuis maintenant 10 ans, tout est mis en œuvre pour renforcer la qualité des vins. Ceux-ci ont ainsi gagné en précision au cours des dernières années et offrent désormais un très bon rapport qualité-prix. Une réalité qu’ils partagent avec les vins blancs du domaine qui ont fait sa réputation. Peu de changement les concernant ont été initiés par Hubert de Boüard. « Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne bien ? » rappelle Marie-Hélène Lévêque. Pour une dizaine d’euros, le château de Chantegrive blanc est admirable de rectitude, avec un fruité typique de son origine double, moitié sauvignon, moitié sémillon. Le 2015 évoque les agrumes, les fleurs blanches et même le shiso, cette plante aromatique rappelant le cumin. La vivacité s’exprime généralement nettement sur les vins jeunes comme sur le 2014 qui impose sa tension avec beaucoup d’élégance. Des vins qui peuvent vieillir admirablement, surtout quand ils sont passés en fûts de chêne (cuvée Caroline). Le 2009, pourtant né sur une année chaude moins bénéfique à la garde des blancs, est doté d’une matière veloutée, enveloppante qui caresse la palais et charme avec son côté zeste de pamplemousse. Une pépite à moins de 15 euros ! Chantegrive et Cos Labory : deux propriétés unies pour une rencontre originale qui démontre que Bordeaux sait dépasser les préjugés pour offrir en permanence de nouvelles expériences.