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En Sicile, des vendanges entre mer et volcan

Auteur

La
rédaction

Date

12.09.2012

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Elu « meilleur domaine italien de l’année 2012 », l’Azienda Gulfi déploie ses 70 hectares de vignes des pentes volcaniques de l’Etna au sud de Syracuse, sur la côte ionienne. C’est sous la chaleur torride de Sicile que le propriétaire Vito Catania vient de donner le coup d’envoi des vendanges.

Les premiers coups de sécateur ont été donnés la semaine du 20 août, sous une chaleur caniculaire, tutoyant les 45°C à l’ombre. Mais d’ombre, dans ces vignes de la pointe sud-est de la Sicile, entre Syracuse et Raguse, il n’y a guère : voilà des millénaires que les hommes, les pierres comme les raisins sont habitués à la morsure du soleil dans cette région baignée de lumière, de parfums et de saveurs. Pour Vito Catania en revanche, l’acclimatation est plus difficile : « bien que mes origines soient siciliennes, je passe une grande partie de mon temps à Milan, alors quand je suis ici pour les vendanges, croyez-moi, la chaleur, je la ressens ! »

Le propriétaire de l’Azienda Gulfi a fait fortune dans l’industrie, comme on l’a compris, dans le nord de l’Italie. Mais il n’a jamais cessé de garder un pied dans le sud, où sont ses racines : c’est en 1995 qu’il a repris les rênes du domaine familial, où son père et son grand-père produisaient un vin « de consommation courante, un peu comme le faisaient les Romains », plaisante Vito Catania. Parti de 7 hectares, l’inlassable businessman a réussi à étendre Gulfi sur plus de 125 hectares, dont 70 de vignes (le reste incluant des oliviers plusieurs fois centenaires et un potager bio pour le restaurant de la winery) : « nous avons investi de façon colossale, pour acquérir des terroirs sur lesquels la vigne pousse depuis des centaines d’années ». Les vignes de Gulfi se déploient bien sûr autour du village de Chiaramonte Gulfi, centre névralgique de l’exploitation, mais également à l’est, sur la côte ionienne, entre Syracuse et Pachino. Elles se dressent aussi, enfin, sur les contreforts de l’Etna, de 500 à 800 mètres d’altitude. C’est ici que Vito Catania cultive le cépage Nerello Mascalese, forcément plus tardif, qui à l’instar du pinot noir peut se vinifier en blanc, et exprime « une minéralité exceptionnelle, de la fraicheur et de la tension ».

Le Nero d’Avola en vedette

Mais c’est le Nero d’Avola, ce grand prince de Sicile, qui est au cœur de toutes les attentions à l’Azienda Gulfi. Ce cépage historique de l’île s’exprime particulièrement bien sur les terroirs de l’extrême sud-est, autour de Noto, Avola, Pachino. C’est ici que sont produites les grandes cuvées de la propriété : NeroBufaleffj, NeroMaccarj, NeroSanlorè, NeroBaronj. Vito Catania a tenu à privilégier les plants autochtones, soumis à sélection massale – ils affichent la meilleure résistance et la meilleure expression face aux conditions climatiques souvent extrêmes de la Sicile. « Sur ce millésime 2012, après avoir eu un hiver pluvieux, nous n’avons pas eu une goutte d’eau depuis mai, à peine 25% d’humidité, souligne Vito Catania. Les journées d’été sont très chaudes et les nuits plus fraiches grâce à l’influence maritime, ce qui permet d’obtenir des raisins de très belle qualité, bien que les grappes soient plus petites cette année. Cela nous rappelle un peu 2003 ».

Contrôle strict des rendements, en particulier sur les parcelles abritant les plus vieilles vignes (30 à 40 hl/ha), vignes taillées « en gobelet » (alberello), refus d’avoir recours à l’irrigation, recherche constante de la parfaite acidité des baies, vendanges 100% manuelles, vinification en cuves inox, élevage en barrique (jusqu’à 24 mois), conduite du vignoble certifiée en bio, ajout minimal de sulfites à la mise : Vito Catania se pose en « figure de proue » d’une viticulture sicilienne privilégiant la qualité à la quantité. « Pendant longtemps en Sicile, et encore beaucoup par endroit, la surproduction a été privilégiée. En reprenant les rênes du vignoble familial en 1995, je me suis demandé ce que je pouvais apporter de nouveau, de différent. Etant un amoureux de cette terre qui produit du vin depuis des millénaires, et étant moi-même très scrupuleux sur ce que je mange et bois, je me suis naturellement dirigé vers une viticulture plus respectueuse de la nature, de sa santé, de ses rythmes. C’est pour cela notamment que nous sommes en bio, et que nous refusons d’irriguer : la nature donne ce qu’elle a à donner ».

Meilleur domaine de 2012

Depuis son premier millésime en 1997, avec l’aide de l’œnologue Salvo Foti, Vito Catania n’a cessé d’aller vers plus de précision, dans la conduite de la vigne comme dans la vinification : « ma culture industrielle m’a permis de propulser le développement de Gulfi, nous sommes allés très loin dans la connaissance des terroirs, la sélection des cépages, mais aussi dans les techniques de vinification. La chaleur ici est un bienfait pour la qualité des raisins, mais elle peut rendre la vinification hasardeuse. La génération de mon père et de mon grand-père de maîtrisaient pas le monitorage du froid, c’est ce genre de progrès que nous avons apporté, pour plus de précision, mais toujours en restant au plus près du terroir, pour produire des vins qui ont une identité forte. »

Cette exigence a valu à l’Azienda Gulfi d’être élue « meilleur domaine italien de l’année 2012 » par le guide Italy’s Best Wines de Ian Domenico D’Agata et Massimo Claudio Comparini – entre autres récompenses. Les vins de Gulfi sont des bombes aromatiques à l’épreuve du temps, d’une séduction immédiate mais dont les subtilités se révèlent au fil des années – comme ce Nerobaronj 2007 aux notes intenses de fruits noirs et d’épices, soutenu par des notes de cuir et de poivre évoquant un grand mourvèdre. Mais cette reconnaissance n’est qu’un des volets de l’aventure Gulfi : ces dernières années, Vito Catania a développé le réceptif au domaine – oenotourisme, hôtel, restaurant, ateliers cuisine – mais aussi la production d’huile d’olive. Son « navire amiral » de Chiaramonte Gulfi s’apprête enfin à accueillir, les 19 et 20 octobre, le premier symposium sur le Nero d’Avola : journalistes, universitaires, œnologues, vignerons viendront échanger autour de ce cépage emblématique, dont Vito Catania se sent un peu l’ambassadeur : « le Nero d’Avola et les terroirs siciliens ne sont pas toujours traités à leur juste valeur, il fallait leur rendre leur dignité, leur particularité, qui remonte aux Grecs, aux Romains, aux Normands… C’est ce que Gulfi s’efforce d’accomplir ». Quitte à braver toutes les canicules.

Mathieu Doumenge

www.gulfi.it

Les vins de l’Azienda Gulfi peuvent être trouvés à Paris au restaurant Mori Venice Bar (2, rue du 4 Septembre, 75002) ou chez le caviste « Bacchus et Ariane » (4, rue Lobineau 75006), à Bordeaux chez Maison Gabin (37, Cours Portal). Le réseau de distribution est assuré par GIRAUD Distribution (Champagne Henri Giraud).

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