Accueil [VINISUD] Jean-Pierre Bouillac, le Bordelais aux « Mains Sales »

[VINISUD] Jean-Pierre Bouillac, le Bordelais aux « Mains Sales »

Auteur

Laure
Goy

Date

17.02.2016

Partager

Invité de cette douzième édition de Vinisud, le vignoble de Bordeaux est venu élargir le prisme habituel des vins méditerranéens. Parmi ses représentants : Jean-Pierre Bouillac, mis à l’honneur dans le prochain « Terre de Vins » (début mars dans vos kiosques), et sa vision de vinification de cépages « oubliés » ou peu plantés à Bordeaux, le malbec et le petit verdot, qui connaissent un regain d’intérêt auprès des propriétaires viticoles. Une expertise sur ces deux cépages que Jean-Pierre Bouillac a développé grâce à sa double activité en terres de Blaye : pépiniériste et vigneron.

Réuni pour l’occasion avec des vignerons du monde entier, sous la bannière collective Wine Mosaic, Jean-Pierre Bouillac, vigneron et pépiniériste sur la rive droite bordelaise, présente deux cuvées caractéristiques, dont le nom est accrocheur : les « Mains Sales » 2010 en deux versions, un 100% malbec et un 100% petit verdot. Une référence à la pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre ? Oui « pour la sueur du travail sur ces cuvées » sourit le vigneron, mais pas que.

Les « Mains Sales », expressions pures de petit verdot et de malbec

« Ce nom de cuvées est aussi une allusion à mes choix de vinification. Tout en douceur, dans des petits bacs où je pige à la main. Après le pigeage, les mains sont toutes noires, toutes antocyanées… C’est pour ça : les Mains Sales ». Le pépiniériste-vigneron (pépigneron ?) a longtemps observé ses sols, 90 hectares dans le Blayais, ça laisse de la place pour l’expérimentation. Et est arrivé à un constat : « Je voyais bien que le « tout merlot » compliquait la vie des vignerons, et que de l’autre côté, le cabernet sauvignon n’est pas toujours simple à cultiver, les maturités sont difficiles à atteindre, etc. Je voulais travailler sur d’autres cépages. Le carmenere (ancien cépage bordelais aujourd’hui presque disparu, NDLR) par exemple, est intéressant mais il subit trop de coulure, et peut avoir un côté très végétal. Quant au cabernet franc, il est super dans le Libournais, mais plus compliqué à obtenir chez nous. »
Il fait le choix de planter des petits verdots d’un côté, et des malbecs de l’autre, au début des années 2000. Les premiers, issus de « sélections massales du Château Meyney », et les malbecs, eux, au départ en greffons, destinés à la pépinière. « Le mieux, pour les comprendre, c’était de les vinifier séparément. Et tout doucement, pour ne pas exagérer leurs tanins hyper-puissants, parfois même un peu durs. Ce sont des cépages qu’il faut dompter ! »

Des cépages qui nécessitent une vinification tout en douceur

En 2005, il fait son premier essai : après la vendange, il place les raisins dans des petits contenants de 5 hectolitres, en chambre froide « pour fragiliser les pellicules et favoriser l’extraction naturelle du fruit ». Une fois la fermentation alcoolique faite, c’est en bois, « avec des choix de barriques bourguignonnes, à la chauffe assez faible », explique le pépigneron, que les vins s’élèvent pendant un an, un an et demi.
Cette recherche de douceur de structure, on la retrouve immédiatement dans le verre.
Les Mains Sales 2010, version malbec (15 € environ), révèle un nez épicé et griotté, et une bouche douce, ronde, soyeuse, sur des arômes de fruits à noyaux légèrement cacaotés. Tandis que les Mains Sales 2010 version Petit Verdot (environ 15 €) dégage immédiatement fraîcheur et minéralité au nez. La bouche, structurée, se concentre sans se serrer. Peau de prune, raisin fais, fraise écrasée, cerises noires, à boire maintenant ou à garder quelques années en cave.
« Le petit verdot se replante pas mal dans le Bordelais, mais attention, il ne faut pas le mettre n’importe où… » Un cépage terroir, « à dompter », selon Jean-Pierre Bouillac : « il produit beaucoup à la vigne, il faut pouvoir le maîtriser, si on le conduit mal, c’est une catastrophe…. » Petit Verdot, un cépage bordelais à suivre de très près…

A découvrir également dans le prochain numéro : la cuvée Clos du Loup de Jean-Pierre Bouillac, en Blaye Côtes de Bordeaux, élu coup de cœur de la dégustation, à l’unanimité.