Accueil [VINISUD] Wine Mosaic, objectif « vinodiversité »

[VINISUD] Wine Mosaic, objectif « vinodiversité »

De gauche à droite : Arnaud Daphy, Fanny Basteau et Jean-Luc Etievent (photo P. Martinez)

Auteur

Laure
Goy

Date

15.02.2016

Partager

Présent pendant toute la durée de Vinisud 2016 dans l’espace Expression Méditerranée (Hall A4), la bannière collective de Wine Mosaic regroupe vingt-neuf vignerons venus de six pays différents.

« Avec la centaine d’échantillons à déguster, c’est la découverte d’une cinquantaine de cépages souvent peu ou pas connus », explique Arnaud Daphy, l’un des trois fondateurs de Wine Mosaic. L’occasion de (re)découvrir des cépages oubliés ou presque disparus, qui font la richesse du patrimoine viticole et végétal, pour l’occasion ciblée autour du berceau du vin, la Méditerranée.

Wine Mosaic n’est pas exactement ce qu’on peut appeler une nouvelle marque. Créée depuis juin 2013, sous la forme d’association 1901, cette structure de promotion de la diversité des cépages n’est que le début d’une longue aventure pour les trois fondateurs de Wine Mosaic, Jean-Luc Etievent, Arnaud Daphy et Fanny Basteau. Leur cheval de bataille, ils l’ont nommé « vinodiversité ».

Accompagner les vignerons dans leur recherche de cépages

« Nous ne sommes pas dans une guerre de chapelles, et nous ne sommes pas chercheurs, explique Jean-Luc Etievent, il s’agit plutôt de mettre en relation tous les vignerons ou domaines, quelle que soit leur taille, plus globalement tous les acteurs qui ont envie de se ré-approprier les cépages de leur région. Ainsi que de les accompagner ensuite dans un projet de réintroduction de cépages anciens s’ils en ont l’envie. Par exemple au domaine du Joncier (Lirac), la vigneronne souhaite réintroduire des cépages anciens, elle ne savait pas à qui s’adresser, elle m’a appelé pour que je puisse l’aider. On essaie de raccourcir les temps de mise en relation entre les uns et les autres, grâce à des interlocuteurs qu’on connaît maintenant, comme les pépiniéristes par exemple, ou les bons contacts dans les chambres d’agriculture, ou autres… Travailler avec des vieux cépages n’est pas forcément une démarche facile, on essaie de faciliter la mise en relation et ensuite d’aider à mettre en lumière le vin une fois qu’il est fait, lors d’évènements comme Vinisud par exemple » complète-t-il. Qu’importe la taille de la structure ou l’approche philosophique, seule la démarche de protection de la richesse du patrimoine végétal importe pour l’équipe de Wine Mosaic.

Soutenir et encourager la recherche

Par accompagnement de projet, Wine Mosaic entend également soutenir les projets de recherche. Comme l’étude financée par SupAgro Montpellier, parue en 2015 sur l’identification et le recensement de tous les cépages de cinq régions administratives, de Barcelone à Gênes (Catalogne, Languedoc-Roussillon, Provence, Corse, Liguri). « Cette étude nous a notamment permis d’identifier 74 nouveaux cépages autochtones. Et de constater la différence de dynamisme des régions sur ce sujet. La Corse par exemple, est assez pionnière en reconnaissance de cépages autochtones, et leur comportement selon les terroirs de l’île. », analyse Jean-Luc Etievent. Une étude qui a su générer des réactions positives dans les autres vignobles : « à Gaillac, Plageoles m’a appelé pour me rappeler à quel point Gaillac avait fait pour la reconnaissance des vieux cépages. ça permet d’élargir le champ de recherches pour d’autres études à venir », ajoute-t-il.

Château Saint-Thomas et Château de la Vieille Chapelle, cépages divins

Deux exemples très différents illustrent la diversité des histoires racontées par Wine Mosaic.
Le premier se trouve de l’autre côte de la Méditerranée, au Liban, dans la vallée de la Bekaa, à 1000 mètres d’altitude. Joe-Assaad S. Touma (photo ci-dessus), du Château Saint-Thomas avait fait un constat depuis longtemps: le vignoble libanais, dont les écrits évoquent l’élaboration de grands vins depuis le 17ème siècle, et par son histoire reliée à la France pendant la période coloniale, ne produit depuis les années 1920 que des cépages « internationaux ». Entendez par là les grands cépages bordelais ou languedociens tels que le grenache, le merlot ou encore le cabernet sauvignon. La rencontre avec Wine Mosaic permet d’identifier 22 cépages d’origine libanaise, conservés… au centre ampélographie du domaine de Vassal au sud de Montpellier ! Parmi ces cépages, l’obeidy, un cépage blanc « assez difficile à récolter, il faut aller très vite pendant les vendanges, et réfléchir sur des vinifications particulières », explique le vigneron libanais. Qu’à cela ne tienne, grâce à une coopération avec la France, Joe Assaad envoie des sarments en France pour les analyser, l’ADN prouve deux choses : l’obeidy n’est pas, comme tout le monde le disait, un cousin du chardonnay, et c’est bel et bien un cépage autochtone libanais. Alors, il replante, et en crée une cuvée monocépage. Puis l’ajoute dans un assemblage de viognier et de sauvignon, lui donnant un caractère unique. « Nous faisons de petites quantités, mais nous espérons pouvoir en planter plus. Les châteaux connus du Liban (comme le Château Kefraya qui produit 1, 5 millions de bouteilles par an, NDLR) commencent à s’y intéresser désormais, c’est intéressant de remettre ce cépage au centre de l’attention ». Avant d’ajouter : « Il ne s’agit pas d’éliminer les cépages internationaux, c’est impossible, mais surtout de ne pas voir disparaître les cépages locaux historiques de nos terroirs ».

Le deuxième exemple est à l’autre bout, à… Bordeaux. Installé à Lugon et l’île du Carney, en bordure de Fronsac et de la Dordogne, Frédéric Mallier (photo ci-dessous), du château de la Vieille Chapelle présente sur la table des vignerons de Wine Mosaic un vin rouge très particulier : un assemblage de vignes centenaires préphylloxériques (non greffées) de merlots et de bouchalès. « C’est un cépage historiquement très répandu en Gironde, mais qui a quasiment disparu aujourd’hui », explique la contre-étiquette. En 2009, Frédéric Mallier veut en avoir le cœur net : il analyse génétiquement sa parcelle, le résultat est sans appel, il s’agit bien de bouchalès et de merlots préphylloxériques. « C’est important de pouvoir les vinifier à part », explique le vigneron, certifié bio depuis 2013 et en cours de certification Demeter pour la biodynamie. Pour découvrir les vignes et les vins, quoi de mieux que de se rendre au domaine ? Cinq chambres d’hôtes y sont même aménagées à proximité de la vieille chapelle du 11ème siècle…

Autant d’histoires que de vins et de vignerons à la table de Wine Mosaic. www.winemosaic.org.