Accueil N°1, N°6 : Mumm bouscule les bulles

Auteur

La
rédaction

Date

12.05.2015

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Trois nouveaux champagnes intègrent à quelques mois d’intervalle la gamme Mumm. Ils portent des numéros, et se positionnent dans des segments de consommation très innovants. Décryptage avec Didier Mariotti, chef de caves.

« Mumm N°1 Dark ou Pink », « Mumm N°6 » : cela ressemble à des noms de codes, et ce furent pendant plusieurs années des dossiers gardés top secret par les services marketing et œnologie de Mumm. Car avec ces nouveaux champagnes, la maison innove non seulement par le packaging, mais aussi par son approche des bulles champenoises. Didier Mariotti, nous explique le pourquoi et le comment.

Mumm N°1, séduire les nouveaux palais

« En voyageant aux USA, en Afrique, en Asie, j’ai pris conscience que le goût, autour de la planète, est souvent plus sucré que les standards auxquels nous sommes habitués en France et en Europe en général, constate Didier Mariotti. Il fallait répondre à la demande de cette clientèle mais, plutôt que de produire uniquement un champagne plus sucré, j’ai voulu travailler la gourmandise dans son ensemble. Comme lorsque vous croquez un fruit : il y a le sucre, mais aussi la chair du fruit, son côté juteux, la structure plus ou moins ferme des tissus, qui accompagne sa maturité. C’est beaucoup plus complexe. » Et l’homme de l’art de poursuivre la métaphore : « Pour produire ce champagne, je me suis inspiré de la cuisine. Lorsque vous faites une tarte aux pommes, le fruit et le sucre ajouté évoluent à la cuisson ; ils se caramélisent, se fondent, il y a une véritable transformation gourmande. »

Premier travail dans l’élaboration de ce nouveau champagne : calibrer au plus juste le dosage en procédant gramme par gramme. L’optimum a été atteint à 16 g/l, ni plus, ni moins. « Ma préoccupation était qu’il n’y ait pas rupture entre d’un côté le vin et de l’autre le sucre, mais bien d’intégrer le tout dans un même ensemble homogène et harmonieux en bouche. »

Deuxième travail : jouer sur chaque étape de l’équilibre en bouche. Sur l’attaque, privilégier les acidités dans l’assemblage pour équilibrer le sucre. En milieu de bouche, faire entrer en scène les vins de réserve (vins élevés sur lies pendant des années) qui, sans être sucrés, amènent de la rondeur. En fin de bouche, Didier Mariotti a son joker comme les chefs ont leurs épices : les grands pinots noirs de la Montagne de Reims et leur fine amertume car « les amers nobles apportent une longueur en finale et contrebalancent le sucré. » Voilà la pincée de cannelle ! Le tout attend patiemment de longs mois en caves pour intégrer le sucre et patiner l’ensemble avant d’être commercialisé. C’est la fameuse « transformation gourmande ».

L’assemblage final de Mumm N°1, complexe, a intégré toute cette construction. Mumm N°1 se décline en champagne blanc (Dark One) et en version rosé (Rosé One). Le tout, dans un habillage sortant carrément des sentiers battus.
En France, Mumm N° 1 sera réservé au monde de la nuit (bars, cafés, etc.), tandis qu’il est destiné à une large diffusion à l’export.

Mumm N°6, expliquer l’élevage

Autant Mumm N°1 vise une consommation décomplexée et néophyte ; autant Mumm N°6 cible des clients amateurs de champagnes plus complexes. « Il y a un trop grand écart entre le brut et les millésimés, constate Didier Mariotti. Notre brut Cordon Rouge, étendard du style maison, se veut toujours constant. A l’inverse, nos millésimés sont la transcription d’une année avec toute sa singularité. Les clients achètent du millésimé car ils savent que c’est meilleur, mais ils ne savent pas forcément ce qu’ils vont boire. Or 2002 et 2004, par exemple, n’ont rien à voir, et ils sont parfois surpris… »

C’est pourquoi, Mumm a décidé de « twister » l’approche, et évoquer un élevage plutôt qu’un millésime, notion ésotérique pour beaucoup. Une démarche classique chez les spiritueux comme le whisky ou le cognac. L’idée marketing est si simple… qu’il fallait y penser !

« Nous préférons garantir un élevage, avec tout ce qu’il amène en termes de d’évolution et de complexité. Cette notion de vieillissement est très bien comprise par les gens », reprend Didier Mariotti. Ainsi est née « Mumm N°6 », une édition (pour l’instant) limitée qui se veut, selon son communiqué de lancement, « une réinterprétation moderne du temps de vieillissement en Champagne […]. C’est au terme d’une période de maturation en caves de 72 mois [NDLR : soit 6 ans contre 30 mois en général pour le Cordon Rouge brut classique] que le champagne atteint la palette aromatique souhaitée, délivrant dès lors un vin d’une étonnante justesse. »

Mumm N°6 est construit autour d’un assemblage spécifique faisant la part belle au pinot noir (73 %) car « une durée de 6 ans permet à ce cépage de bien s’exprimer ». C’est un champagne qui a trouvé un beau point d’équilibre entre fraîcheur et rondeur, avec une aromatique de fruits jaunes confiturés (abricot, mirabelle), des touches de brioche et de crème pâtissière, le tout complété de quelques notes vanillées-grillées, résultat d’une liqueur de dosage élevée pour sa part pendant 8 mois en fûts… toujours les histoires d’épices !

Joëlle W. Boisson