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La Parde Haut-Bailly, quinquagénaire en pleine forme

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

03.02.2017

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Le célèbre château Haut-Bailly, étoile incontestée de Pessac-Léognan, fête cette année le 50ème anniversaire de son second vin, la Parde Haut-Bailly, un modèle du genre.

Haut-Bailly est l’un de ces crus exceptionnels dont on parle moins que certaines stars du Bordelais mais qui trace, millésime après millésime, un sillon profond dans le vignoble des Graves. Avec un mot d’ordre a priori contradictoire : la continuité dans le mouvement. Cela commence par la taille de la propriété, 33 hectares définis au XVIIIème siècle et restés en l’état depuis. Évidemment, l’on n’est pas surpris de savoir que 15% du vignoble est composé de très vieilles vignes, plus que centenaires. Une parcelle de 4 hectares complantée à la fin du XIXème siècle de 6 cépages différents, dont un peu de carménère et de malbec. Un joyau génétique jalousement préservé, au même titre qu’un très ancien cépage, la pardotte, celui-là même qui a donné son nom au second vin du château. En voie de disparition il y a quelques années (seuls 7 pieds étaient recensés !), le château a décidé d’en replanter un rang entier dans un souci de conservation. Et bien que de nature gustative moyennement intéressante, il est tout de même intégré au second vin de la propriété.

Celui-ci a d’ailleurs une histoire unique. C’est certainement l’un des premiers seconds vins créés à Bordeaux. Une parcelle de jeunes vignes du domaine, « le domaine de la Parde », n’avait pas atteint le niveau suffisant si bien que l’arrière-grand-père de la directrice actuelle des lieux, Véronique Sanders, décida de la déclasser. Le second vin était né, bien avant la vague de seconds vins créés dans les années 1980 et 1990 par la quasi-totalité des propriétés bordelaises. Ce « domaine de la Parde » deviendra en 1979 « la Parde de Haut-Bailly ». L’aristocratie n’étant pas ici une histoire de nom mais de travail au quotidien, ce dernier perdra sa particule en 2011 pour se nommer désormais « la Parde Haut-Bailly ».

Un niveau de qualité impressionnant

La progression qualitative de la Parde est tout simplement impressionnante. Les derniers millésimes produits sont d’une élégance vibrante, dans la droite lignée du grand vin. Le rachat de la propriété par Robert Wilmers en 1998 n’y est pas étranger car les moyens qui ont été alloués par ce banquier américain féru de vins de Bordeaux ont été à la hauteur des ambitions. Étude précise des sols, nouveau cuvier, sélection drastique lors des assemblages, autant d’éléments fondamentaux qui ont fait suite à la création avant-gardiste en 1987 d’un 3ème vin, un Pessac-Léognan générique issu principalement des jeunes vignes du domaine. Cette recherche permanente de qualité a évidemment profité en premier lieu au grand vin qui a indéniablement retrouvé sa place parmi l’élite bordelaise. Le second vin a également gagné en velouté et en élégance, marqueurs identitaires du château, mais aussi en densité.

Les derniers millésimes de « la Parde Haut-Bailly » sont tout simplement de petites merveilles, avec notamment un 2012 qui associe une trame tannique précise à une acidité ciselée le tout porté par un fruité à la gourmandise sans faille. Une bouteille qui charmera encore de nombreuses années, dans un style différent de deux de ses glorieuses aînées : 2005 et 2010. La première est un roc, sombre, ténébreuse. Sa densité en bouche semble encore difficilement explorable mais le toucher de bouche suave qui l’accompagne et ses notes subtilement épicées (cumin, poivre) laissent imaginer de futurs grands moments de dégustation, dans 10 ou 15 ans… 2010, de son côté, semble bénie des Dieux avec sa matière présente sans aucune aspérité, veloutée à souhait et délicatement lardée. Des vins encore accessibles (compter une trentaine d’euros) au regard de leur rang. Mais comme tout bon secret, il est de plus en plus partagé. A bon entendeur.