Mardi 1er Juillet 2025
Lionel et Florent Roques-Boizel, D.R.
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Date
01.07.2025
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La Maison Boizel présente deux nouvelles cuvées monocrus qui changeront chaque année, complétant ainsi la gamme Terroir, où figuraient déjà le Blanc de Noirs « La Montagne », et le Blanc de Blancs « La Côte ». Pour cette première édition, il s’agit d’un Blanc de Blancs de Villers-Marmery et d’un Blanc de Noirs de Tours-sur-Marne. Une façon de déconstruire les assemblages des grandes cuvées de la marque auprès de ses amateurs pour mieux en comprendre la subtilité.
La « déconstruction » est un terme à la mode. Certains y voient la fin de la civilisation, une forme de nihilisme. Les cuvées parcellaires ou monocrus seraient ainsi une forme d’iconoclasme champenois, une approche foucaldienne de l’œnologie, tendant à prouver que l’assemblage n’est qu’une construction arbitraire, un choix purement culturel, sans fondement technique, et que l’on pourrait largement remettre en cause. Mais déconstruire n’est pas détruire, c’est démonter la mécanique, en examiner toutes les pièces, pour mieux en comprendre le fonctionnement, sans nécessairement à la fin le remettre en cause. C’est dans cette perspective que la Maison Boizel lance deux nouvelles cuvées monocrus.
L’objectif ? Chaque année proposer aux amateurs de la marque la découverte de terroirs originaux et souvent historiques qui participent à la colonne vertébrale des assemblages des grandes cuvées de la maison. Florent Roques-Boizel explique : « Notre conviction, c’est que le savoir-faire principal du champagne demeure l’assemblage. Nous continuons à considérer que le summum de notre gamme est la cuvée Joyau, qui tout en étant millésimée n’en repose pas moins sur l’assemblage de différents terroirs. Paradoxalement, l’idée de ces monocrus est de servir cette vision, puisqu’il s’agit de partager avec les amateurs les crus emblématiques qui composent les assemblages de la maison. En effet, depuis des années, nous sommes plus transparents dans le discours lorsque nous présentons nos cuvées et nous détaillons tous les terroirs assemblés. Proposer ces cuvées monocrus est une façon d’aller plus loin dans cette pédagogie. Chaque année, en fonction de la typicité du millésime, les monocrus proposés changeront. » Ainsi, si ces deux monocrus sont les premiers à sortir, d’autres sont déjà en réserve pour les années futures. « Depuis 2019, nous en produisons entre deux et trois par vendange, en tout cela représente déjà une dizaine de crus différents, en sachant que certains reviennent parfois. » Il s’agit toujours de volumes très confidentiels, le tirage pour chaque cuvée se limitant à 2000 ou 3000 bouteilles. Il faut en effet que la rotation soit rapide, pour permettre, l’année suivante, de passer à de nouvelles découvertes.
Les deux premières cuvées offrent sur le millésime 2019 deux facettes radicalement différentes de la Champagne. Lionel, le frère de Florent, raconte : « Nous avons voulu commencer par des choses assez atypiques. Le blanc de blancs vient de Villers-Marmery (75€), un premier cru du tournant de la Montagne. Ce terroir où la craie affleure est exposé au Nord-Est. Il donne des chardonnays très frais, très purs, très minéraux, avec beaucoup de tension, mais aussi de légèreté si on les compare à ceux de la Côte des blancs. »
Le deuxième est un pinot noir issu d’un Grand Cru, Tours-sur-Marne. « On est complètement à l’opposé de Villers en termes de style. Nous sommes sur le versant sud de la Montagne, proche de la Vallée de la Marne. Le village est dans la plaine, on ne l’associe pas forcément aux vignes, mais une partie est en coteaux dans le prolongement de Bouzy qui est beaucoup plus connu. C’est un sol argilo-calcaire ce qui produit des vins avec plus de volume et de richesse. C’est vraiment une rareté, il y a très peu de cuvées monocrus de Tours-sur-Marne, parce que le vignoble ne fait que 52 hectares et est surtout la propriété de grandes maisons. Or celles-ci ont davantage tendance par rapport aux vignerons à élaborer des cuvées d’assemblage. » Tours-sur-Marne est ainsi une sorte de pendant en pinot noir d’un autre grand cru très rare en chardonnay, le village de Oiry, lui aussi dans la plaine et presqu’introuvable en monocu parce qu’il ne compte que 60 hectares.
Dans la mesure où il s’agit vraiment de faire comprendre l’originalité et la typicité de chaque terroir, le parti pris œnologique a été de vinifier uniquement en inox et de limiter au maximum le dosage qui se situe pour les deux cuvées à 3,5 grammes. Côté habillage, la maison a choisi d’envelopper les bouteilles dans du papier de soie sur lequel elle a imprimé la carte du vignoble de l’Atlas Larmat publié en 1944 et où figurent évidemment les deux crus. « C’est pour moi la plus belle carte de la Champagne qui ait jamais été faite et comme elle est ancienne elle a l’avantage d’être libre de droits. »
Autre nouveauté de l’année, le lancement d’un ratafia. « Comme beaucoup de maisons, jusque dans les années 1980, la Maison Boizel produisait du ratafia, un apéritif classique bien connu des Champenois. Notre père avait arrêté parce qu’il jugeait que ce n’était plus pertinent. Nous avons voulu en élaborer à nouveau, mais avec une approche plus moderne qui nous ressemble. Dans nos essais, ce qui nous plaît, c’est le côté fruité et frais du ratafia. Pour le préserver, nous avons choisi pour le mutage d’utiliser un alcool plus fort que la moyenne, de la fine à 94 degrés, ce qui permet d’en mettre beaucoup moins en volume et donc d’avoir une proportion supérieure de moût. Grâce à cette astuce, on préserve encore plus l’aspect fruité. Pour le reste, nous sommes partis du millésime 2020, avec un assemblage de 2/3 de rebêche de meunier, et un tiers de rebêche de chardonnay, le tout passé en fût pendant deux ans et en bouteille pendant un an. À l’avenir, pour amener de la profondeur aux assemblages, nous ajouterons à chaque fois une proportion des ratafias des années précédentes. »
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