Mercredi 9 Juillet 2025
Photo: CIVB P. Cronenberger
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Date
09.07.2025
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Réuni en assemblée générale ce lundi 7 juillet, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a élu Bernard Farges à sa présidence, succédant à Allan Sichel. Dans un contexte de crise structurelle, cette passation marque l’entrée dans un nouveau mandat construit autour d’une gouvernance renouvelée et d’un plan d’action commun au négoce et à la production. Arrachage, prix rémunérateurs, suivi économique, promotion : les chantiers sont nombreux, et les attentes à la mesure des difficultés rencontrées par les acteurs du vignoble girondin.
Bernard Farges a été élu président du CIVB par 43 voix sur 46. Seul candidat, soutenu par la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), ce viticulteur coopérateur de l’Entre-deux-Mers connaît bien la maison : il a déjà occupé cette fonction entre 2013 et 2016, puis de 2019 à 2022. Il est aussi président du Comité national des interprofessions viticoles (CNIV). Il succède à Allan Sichel, négociant bordelais, conformément à la règle d’alternance entre production et négoce.
À l’issue d’un mandat jugé « dense, parfois rude », Sichel a salué dans son discours « l’esprit de responsabilité » des membres de l’interprofession, appelant à poursuivre les efforts engagés en matière de régulation, d’innovation et de lisibilité.
L’un des premiers chantiers portera sur la réforme des statuts du CIVB pour instaurer, dès ce mandat, une coprésidence entre production et négoce. « Certains appelleront cela un gadget, d’autres trouveront cela moderne et décoiffant », a commenté Bernard Farges. « C’est surtout le fruit d’une volonté forte du négoce, dans un contexte de crise, et cela découle d’une feuille de route co-construite par les deux familles », a-t-il ajouté. Cette évolution vise à renforcer la cohésion entre les composantes de la filière, pour faire face à des enjeux économiques communs.
La question de la valorisation est au cœur du mandat. Farges a rappelé la ligne directrice du plan présenté : « Nous bannissons les pratiques commerciales qui ne respectent pas la rentabilité des acteurs de la filière. » Pointant les ventes à prix cassés dans la grande distribution, il appelle à une adaptation des textes législatifs : « Nous participons activement aux évolutions des textes européens comme français dans le cadre de la loi Egalim. Si la loi n’encadre pas cela, il y aura toujours parmi nous des acheteurs et des vendeurs pour tuer chaque jour un peu plus nos entreprises. »
La construction d’outils économiques partagés constitue un autre axe structurant du programme présenté. Une collecte des prix de vente « sortie filière » sera prochainement mise en place : « D’autres régions l’ont fait depuis longtemps. Nous sommes enfin alignés entre nous pour créer cet outil », a précisé Farges. Il s’agit d’une avancée importante, tant le pilotage s’est jusqu’ici appuyé presque exclusivement sur les cours du vrac. « Nous voulons connaître notre marché avec les deux yeux ouverts, et pas un seul œil regardant exclusivement le prix du vrac. »
L’effort de réduction des surfaces, engagé depuis 2023, se poursuit. Au début du mois de juin, 15 740 hectares avaient été arrachés. À l’automne 2025, les prévisions portent ce chiffre à 18 000 hectares, soit 17 % des surfaces AOCgirondines disparues en deux ans. Plus de la moitié des arrachages concernent l’appellation Bordeaux et le cépage merlot, en forte surproduction. Ces surfaces devraient ramener le vignoble à environ 85 000 hectares en production, contre plus de 103 000 en 2023.
Enfin, l’interprofession entend redéfinir ses priorités en matière de promotion. Au-delà des budgets existants, l’objectif est d’accroître le recours aux fonds européens, notamment ceux de la Politique agricole commune (PAC). « Nous voulons que les aides ne servent pas uniquement à planter ou à moderniser, mais aussi à promouvoir nos vins », a plaidé Bernard Farges. Il a également encouragé un travail commun avec les autres interprofessions françaises pour porter une image collective à l’export, soulignant le décalage avec les stratégies italiennes ou espagnoles.
« Le ciel ne s’éclaircit pas encore, nous le savons tous », a conclu Bernard Farges. Mais les fondations d’un nouveau cap sont posées. En toile de fond, l’enjeu est double : maintenir la cohésion d’une filière qui traverse une phase difficile, et construire les outils qui permettront à Bordeaux de retrouver une position économique plus stable, plus lisible et mieux défendue. La suite dépendra, autant que des textes, de la capacité collective à tenir la ligne.
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