Accueil Actualités Comment les dessinateurs d’Hara-Kiri et Charlie Hebdo illustrèrent des bouteilles de vin…

Comment les dessinateurs d’Hara-Kiri et Charlie Hebdo illustrèrent des bouteilles de vin…

portrait de gérard descrambe dans ses vignes et étiquette de vin par wolinski

Gérard Descrambe ©JPS et étiquette de Wolinski

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

16.07.2025

Partager

La presse satirique (aussi) aime le vin, surtout lorsqu’il sort des sentiers battus comme celui de Gérard Descrambe, figure emblématique du bio à Saint-Émilion. Bien inspirés par leurs libations, les dessinateurs d’Hara Kiri, puis de Charlie Hebdo, ont créé des étiquettes qu’il est possible de (re)découvrir à Bordeaux, le temps d’une exposition estivale.

L’exposition « Hara-Kiri et Charlie dessinent le vin » sera présente au musée du Vin et du Négoce de Bordeaux tout l’été. C’est au 41 de la rue Borie et c’est la collection de Gérard Descrambe, vigneron de Saint-Emilion et ami des dessinateurs. Il nous explique le pourquoi (pas) du comment (va). 

Vous dîtes que ces rencontres commencent autour d'une bouteille de vin mais comment plus précisément cette bouteille de vin vous a réunis ?

Nous sommes en 1974, il y a le feu au lac, nos amis américains nous ont fabriqué (déjà) une superbe crise en achetant les millésimes 1970 et 1971, les surenchérissant… Et le 1972 : nib ! Il faut donc vendre le vin en bouteilles. Communicant de luxe, je prends ma plus belle plume pour écrire une longue missive au professeur Choron, grand patron de presse (Hara-Kiri, Charlie Hebdo, Charlie Mensuel, etc.) que je conclus par : « Si tu me fais une commande, je l’encadre, et la mets dans mes chiottes ! » … Elle y est encore, et les premières bouteilles ont atterri rue des Trois-Portes, au siège d’Hara-Kiri, préfigurant un défilé de plusieurs décennies.

Comment ensuite les créations d'étiquettes se sont-elles déroulées ?

Un beau jour, je glande en pleine rédaction, autour de deux tables insaisissables par huissier grâce à une ruse du professeur Choron et de son menuisier préféré, le compagnon Mansart. Et Jean-Marc Reiser m’interpelle : « Descrambe, veux-tu que je te fasse une étiquette ? ». À la suite d’une réflexion d’au moins un milliardième de seconde, je balance un puissant « oui ». D’emblée, Wolinski, jaloux, me sollicite à son tour, puis Gébé, Cavanna, Willem, toute la clique quoi ! On m’en demande encore…

Que contient votre collection, d'un point de vue sociétal et culturel, et que va découvrir le visiteur au musée du Vin et du Négoce ?

Dans un second degré affiché, avéré, constant, dans l’intégralité des dessins exposés au musée du Vin et du Négoce, le visiteur découvre un enthousiasme certain pour la liberté sans limite (zéro censure), l’humour (peut-on rire de tout ?), la justice et l’écologie dans un bouillonnement d’idées limite anars… mais pas trop…

Vous êtes un vigneron pionnier du bio à Saint-Emilion, pourquoi cet avant-gardisme et ce côté pionnier a-t-il facilité cette amitié avec les dessinateurs ?

Mon père a commencé à militer dans le sens de l’agriculture biologique au début des années 50… Je suis tombé dans la marmite le cul en premier. Donc, dans les années 70, je me suis naturellement tourné vers la presse qui s’intéressait à l’époque au sujet de l’écologie : Hara-Kiri, Charlie Hebdo, La Gueule Ouverte, la rencontre était fatale ! Et l’histoire d’amour qui a suivi inéluctable…

Nous sommes forcés d'évoquer la tragédie de Charlie Hebdo, comment en avez-vous eu connaissance et que signifie-t-elle pour vous ? 

Je me souviens parfaitement du moment où j’ai appris les événements du 7 janvier 2015. Rentrant d’une séance de kiné en voiture, mon fils m’appelle au téléphone. Je m’arrête. « Papa, il se passe quelque chose au siège de Charlie, rue Nicolas-Appert ». Je me dis : « Ouh là là ça ne sent pas bon ». Immédiatement j’envisage le pire, mais pas à ce point, les infos s’enchainent au cours de la journée, le pire… du pire ! Que dire de cette ignominie ? Une détestation sincère et totale de toutes formes d’extrémismes religieux qui hélas ne cessent de s’agiter et de se multiplier depuis.

Quel est votre dessin fétiche et pourquoi ? 

Difficile de choisir au milieu de tous ces labels et affiches, tous plus géniaux les uns que les autres. Je dirais que mon étiquette préférée pourrait être celle de Cavanna où la photo de famille de sublimes pithécanthropes est censée représenter la tribu Descrambe. Celle de Philippe Vuillemin représentant la révélation de la foi n’est pas mal non plus… Quant à l’affiche de Vuillemin, « Le vin biologique de Gérard Descrambe rend intelligent », ça ne s’invente pas…


bannière abonnement 109 110