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L’Avenue de Champagne fait pétiller son centenaire

vue avenue de champagne moet et chandon

©F.Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

21.07.2025

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L’actuelle Avenue de Champagne, artère prestigieuse d’Épernay, n’a pas toujours porté ce nom évocateur. Elle fête cette année son centenaire et partage son histoire au fil de nombreux événements.

Autrefois, elle était connue sous l’appellation de « chemin de l’Hôpital », en référence à l’établissement où l’on soignait les indigents et les malades étrangers dès le XIIe siècle. À partir du XVIe siècle, cette voie prend le nom de faubourg de la Folie, faisant référence à une petite construction de campagne située à proximité. Au XVIIIe siècle, et jusqu’à la Révolution, elle devient une voie royale, intégrée à la grande route reliant Paris à Strasbourg, confirmant ainsi son importance stratégique et commerciale. Rapidement pavée, elle est alors bordée de marchands de vins qui y ont construit leurs magasins bordés de grands jardins avec celliers et pressoirs. Mais ces négociants ne logent pas là ; ils résident plutôt dans des hôtels particuliers du centre-ville. Jean-Rémy Moët est sans doute le premier en 1793 à habiter dans ce faubourg. Il faut attendre le cadastre napoléonien de 1831 pour qu'il soit renommé rue du Commerce, un nom qui reflète déjà l’intensité de l’activité économique qui l’anime depuis le XVIIe siècle, époque à laquelle une grande foire marchande y attire de nombreux commerçants. Ce dynamisme précoce s’accentue avec l’installation en 1793 de la première grande Maison de champagne, Moët & Chandon, sur cette voie qui n’est pas encore l’avenue de renommée internationale qu’elle deviendra.

L'âge d'Or de la rue du commerce

Au fil du XIXe siècle, d’autres Maisons s’implantent et font construire leurs sites de production ainsi que de majestueuses demeures. L’avenue, qui s’étire sur plus d’un kilomètre, s’urbanise sous l’influence croissante des négociants en vins de Champagne. L’expansion est renforcée par la proximité de la Marne, l’ouverture du canal, et surtout l’arrivée décisive du chemin de fer en septembre 1849, inauguré par le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. Mercier fut d'ailleurs le premier à exploiter directement les possibilités du chemin de fer, faisant creuser ses caves dans les pentes crayeuses du Mont-Bernon au même niveau que la voie ferrée pour disposer de quais de chargement avec un embranchement direct vers ses galeries. L'union Champenoise (futur champagne Castellane en 1909) prend la même option. Dès lors, l’avenue, que l’on surnommera bientôt les « Champs-Élysées du champagne », entre dans son âge d’or. Elle accompagne l’essor sans précédent du vin de Champagne, dont la notoriété s’internationalise. Le commerce du champagne sur l'ensemble du vignoble exporte 3 millions de bouteilles en 1830, 30 millions à l'aube du XXe. Entre 1804 et 1851, la population sparnassienne est passée de 4500 habitants à 7546, puis à quelque 30 000 habitants en 1911 grâce à l'essor de ces maisons de champagne et particulièrement celle de Jean-Rémy Moët, déjà négociant emblématique de la Champagne longtemps maire de la ville à qui l'on doit l'embellissement et la modernisation de la cité sparnacienne.

Sous les pavés, les caves

Sous les pavés s’étend un vaste réseau de caves souterraines, longues de plus de 110 kilomètres aujourd’hui, où dorment quelque 200 millions de bouteilles. Les plus grandes galeries sont celles des Maisons Moët & Chandon, avec 28 kilomètres, et Mercier, avec 18 kilomètres. Les parois de ces caves gardent encore la mémoire des temps anciens, marquées de graffiti qui témoignent de l’histoire humaine enfouie sous la terre. L’avenue devient également un théâtre de passage pour les grandes figures du pouvoir. Jean-Rémy Moët avait reçu à plusieurs reprises l’empereur Napoléon Bonaparte, contribuant à asseoir la réputation du lieu comme point de convergence du pouvoir, du prestige et du négoce champenois.

carte postale de la rue du commerce 1910 avant qu'elle devienne l'avenue de champagne à épernay
Carte postale de la rue du commerce en 1910

En 1891, le président de la République Sadi Carnot visite en calèche les caves d’Eugène Mercier. En 1920, Raymond Poincaré assiste à l’inauguration de l’hôtel de ville. En 1950, Vincent Auriol vient dévoiler le monument aux Martyrs de la Résistance, place de la République. En 1963, le général de Gaulle y fait étape sur la route de Châlons-sur-Marne et de la Moselle. Mais la prospérité de l’avenue n’épargne pas les destructions : la Première Guerre mondiale provoque des ravages considérables, et plus de la moitié des maisons sont détruites sous les bombes. Peu à peu, l’avenue retrouve son activité.

Une avenue de Champagne plus utilitaire

Le 27 février 1925, le Conseil municipal adopte une délibération qui entérine officiellement le changement de nom de la rue du Commerce, désormais baptisée Avenue de Champagne.

Au fil du XXe siècle, notamment à partir des années 1950, l’avenue change de visage. Les cérémonies officielles s’en éloignent et l’artère devient plus utilitaire, accueillant même un garage et une station-service. Il faudra attendre le XXIe siècle pour qu’elle retrouve sa superbe. En 2009, d’importants travaux de rénovation sont entrepris redonnant à l’avenue son éclat d’antan. Les larges trottoirs sont réaménagés, les grilles en fer forgé mises en valeur, les alignements d’arbres replantés, les espaces verts soignés. Les grandes maisons contribuent à cet embellissement, restaurent les façades et redonnent leur lustre aux demeures de styles variés, de style Louis XIII, Renaissance, Classique, Italien, Art Nouveau... La plus ancienne est la maison Lochet-Duchainet, l'un des principaux négociants en 1791, appartenant à Perrier-Jouët, et l'hôtel Camiat construit en 1794 et racheté en 1920 par Moët & Chandon qui abrite aujourd'hui les salons de réception de la maison. Certaines d’entre elles sont inscrites aux Monuments historiques : l’hôtel Auban-Moët vendu à la ville en 1919 et classé avec son « jardin remarquable »; la tour De Castellane avec ses plaques de céramique illustrant les destinations historiques du champagne et sa bibliothèque d’étiquettes anciennes; le château Perrier, le plus haut bâtiment de la ville, reconverti en 2021 en Musée du Vin de Champagne et d’Archéologie régionale. En flânant sur l'avenue, on découvre également l’hôtel de Venoge, les hôtels Trianon et Chandon entourés de jardins à la française, la statue de Dom Pérignon dans la cour de la maison Moët & Chandon, la maison Perrier-Jouët abritant depuis 1990 une exceptionnelle collection d’Art nouveau, l’hôtel de Pékin, ancienne propriété d’Eugène Mercier aujourd’hui rebaptisé château Comtesse Lafond, la Maison Mercier où trône toujours le tonneau monumental sculpté de 1600 hl qui regagna l'Exposition universelle de 1889 à Paris tiré par 12 paires de bœufs. Toutes les familles de la filière y ont désormais pignon sur rue : À côté des grandes maisons comme Pol Roger, Boizel, G.H. Martel, Esterlin, Leclerc Briant... on trouve la Maison des Champagnes de Vignerons qui y a ouvert boutique en 2021, et plusieurs vignerons indépendants (Paul-Etienne Saint Germain, Patrick Boivin, Michel Gonet, A. Bergère, Collard-Picard, Élodie D., Janisson Baradon).

Avenue de Champagne avec le Ballon Captif
caves tables de remuage champagne
Caves Boizel ©F.Hermine
défilé vieilles voitures Épernay
défilé vieilles voitures Habits de Lumière©DR
Hotel Perrier Musée du vin de champagne ©F.Hermine
mapping hôtel de ville-Habits de Lumière ©F.Hermine
Enjoy Epernay - automne 2021 ©Ville d'Épernay
salon hotel particulier dorures
Salon Hôtel Perrier ©F.Hermine
soirée blanche épernay
Soirée blanche 2025 ©Ville d'Epernay

Un lieu d'animations et de festivités

L’avenue est aussi un lieu vivant, rythmé par de nombreuses manifestations : tous les deux ans en janvier, le défilé de l’Archiconfrérie Saint-Vincent y rassemble des dizaines de confréries viticoles ; en avril, le Printemps des Champagnes y bat son plein ; en juillet, le Défil’Mania réunit plus de 2 000 motos dans une ambiance festive ; elle a même accueilli, à plusieurs reprises, des étapes du Tour de France. L’été, le festival Voi(x)là l’été ! anime les parcs et jardins.

En 2025, l’Avenue de Champagne célèbre le centenaire de son appellation officielle. À cette occasion, un programme riche d’événements est prévu tout au long de l’année. Jusqu’en septembre, une exposition à ciel ouvert la met en valeur à travers de grands panneaux illustrés et des kakemonos couleur brique, tandis qu’un muselet géant accueille les visiteurs à l’entrée. Au programme également, des visites guidées, à pied ou en petit train, à travers les galeries ou dans les vignes, des dégustations dans les salons ou en cave, des ateliers pour apprendre à élaborer ou à sabrer le champagne, des balades en véhicules vintage, soirées blanches et feux d’artifice. Cette année marque aussi les dix ans de l’inscription des « Coteaux, Maisons et Caves de Champagne » au patrimoine mondial de l’UNESCO, célébrés en grande pompe le premier week-end de juillet et les vingt-cinq ans des Habits de Lumière qui illuminent l’avenue le deuxième week-end de décembre. Tous ces événements témoignent de la vitalité et de la renommée de cette artère unique, où l’histoire du Champagne s’écrit dans la pierre avec quelques bulles pour faire pétiller la vie sparnacienne.