Accueil Agrandissement du logo « femme enceinte » : la filière bordelaise vent debout

Agrandissement du logo « femme enceinte » : la filière bordelaise vent debout

1000px-Zero_alcool_pendant_la_grossesse.svg_

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

21.01.2017

Partager

Le monde viticole s’insurge contre une inflation des mentions obligatoires « sans efficacité avérée » et propose de jouer la carte de la prévention.

Vous l’avez forcément déjà vu sur une étiquette de vin ou autre boisson alcoolisée. Ce pictogramme représentant une femme enceinte un verre à la main, dans un cercle barré. Figurant depuis 2006 au titre des mentions obligatoires, le message sanitaire préconisant la non-consommation d’alcool par les femmes enceintes doit impérativement figurer sur l’étiquette de façon lisible, mais sans taille minimale imposée. Une donne qui pourrait bien être bouleversée par une mesure annoncée lors du comité interministériel du handicap du 2 décembre dernier, prévoyant l’agrandissement du logo.

Selon la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), le ministère de la santé projette d’imposer cet accroissement de la taille du pictogramme par un arrêté ministériel en préparation, « de façon unilatérale, sans aucun dialogue ni concertation » avec la filière. Cette mesure ferait ainsi passer le pictogramme « d’environ 0, 5 cm le plus souvent actuellement, à 1 cm au moins ».
Pourtant, loin de porter un message efficace, ce grossissement ne ferait au contraire que « brouiller d’avantage la lisibilité des étiquettes » d’après la FGVB. « La filière dit stop à l’empilement des mentions. Nos étiquettes n’ont pas vocation à véhiculer des avertissements médicaux, elles doivent rester des supports d’information » rappelle Hervé Grandeau, le président de la fédération. Il met en garde contre cette « inflation normative » qui « constitue une charge croissante » pour les exploitations, au risque d’entamer leur compétitivité.

Cap sur la prévention

Avec l’adoption de cette mesure, le ministère de la santé entend « améliorer la lisibilité et la visibilité du pictogramme de prévention relatif à la consommation d’alcool pour prévenir le syndrome d’alcoolisation fœtal afin qu’il ne soit pas noyé dans le packaging des unités de conditionnement. » Tout en reconnaissant l’absolue nécessité de lutter contre l’alcoolisme fœtal, la filière critique cette approche « moralisatrice » et « hygiéniste ».
« Qui peut croire qu’un simple logo aura, quelle que soit sa taille, une action préventive efficace sur la consommation ? Les femmes enceintes ne perdent pas leur capacité cognitive durant leur grossesse ! » s’insurge Bernard Farges, président de la confédération nationale des AOC et des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur. Comme dans le débat qui a mené à la clarification de la loi Evin au printemps dernier, la filière vin préconise de jouer la carte de la prévention, qu’elle renvoie aux professionnels de santé. « Ce sont eux qui ont les compétences pour faire de l’éducation et de la prévention afin d’éviter la consommation d’alcool au mauvais moment » rappelle Bernard Farges.

« Pas d’efficacité avérée »

Au-delà du respect de la réglementation en vigueur, « on n’a aucune mesure des conséquences objectives de ce logo depuis dix ans » remarque Jean-François Quenin, président de l’union des syndicats de Saint-Emilion-Pomerol-Fronsac. L’agrandir va-t-il changer quelque chose? Si on cautionne cet agrandissement, où va-t-on s’arrêter ? Ce sera peut-être ensuite deux, trois, quatre centimètres! »
Plutôt que de régler des « questions lourdes » par des « réponses légères » à coup de « mesurettes cosmétiques probablement inspirées par un esprit de revanche suite à la clarification de la loi Evin », la filière appelle le gouvernement à surseoir sur la mise en œuvre de cette mesure unilatérale. Et réclame une « vraie évaluation de l’efficacité de la mesure et à un véritable débat parlementaire sur le sujet. »
La balle est désormais dans le camps des pouvoirs publics.