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Aux Carmes Haut-Brion, l’art et la technique

Auteur

Thomas
Galichon

Date

11.08.2022

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Du grec ancien ὄασις/oasis : espace de végétation isolé dans un désert, aménagé par l’Homme pour l'agriculture et tirant profit d'une source d'eau. De Siwa en Egypte à San Pedro de Atacama au Chili, les oasis sont un refuge à l’aridité du monde.

Le Château Les Carmes Haut-Brion, archipel de vignes cerné d’asphalte et de béton, cultive une insularité oasienne. Un “îlot de fraîcheur”, dirait-on en employant le jargon initié de l’urbaniste chevronné. Les ceps de la propriété déploient leurs racines entre Bordeaux et Pessac, fait unique et quasi-anachronique tant la ville tend à prendre le pas sur la vigne.

La singularité du vignoble s’exprime également à travers son encépagement, dominé par le cabernet franc, signature locale et gage d’élégance pour les vins. Ce dernier trait de caractère a d’ailleurs valeur de précepte pour l’ensemble du domaine. Ne cédant rien à l’ostentatoire mais transcendant l’utilitaire, tout semble reposer ici à sa juste place. Le chai en est le parfait exemple. Imaginée par Philippe Starck et Luc Arsène-Henry, cette lame de métal permet une élégance brute sans compromettre la technique de pointe qu’exige l’aura de la propriété.

Ce raffinement connaît un renouveau majeur en 2010, engendré par l’arrivée de Patrice Pichet aux Carmes Haut-Brion. “Je souhaitais le meilleur outil pour le meilleur vin possible”, se souvient le chef d’entreprise. Pour ce faire, il fait appel aux services de Guillaume Pouthier, jusqu’alors responsable technique des vins de propriété de la Maison Chapoutier. Cette transition s’effectue notamment par différentes évolutions, à la vigne comme au chai. Depuis 2012, les fermentations en grappes entières permettent une meilleure finesse des tanins, rendus plus équilibrés. Par ailleurs, les vinifications par infusion limitent drastiquement la manipulation des moûts, favorisant une extraction toujours plus délicate. L’élégance, toujours.

Cette démarche générale mêlant précision et esthétisme a donc, peu à peu, colonisé les chais. Si dans l’intimité du bois, de l’inox ou du béton se joue le prochain millésime, c’est à l'extérieur des cuves qu'il se raconte. Ainsi chaque année depuis 2017, un artiste habille celles-ci d’une fresque mêlant encore art et technique. Après Ara Starck, Sergio Mora ou Beniloys, c’était au tour de l'aquarelliste Christelle Téa de décorer et sublimer la cuve n°16 pour ce millésime 2020. La dessinatrice, l’une des plus en vue de la scène hexagonale, livre une interprétation originale de l’écosystème des Carmes, entre faune et flore préservées, mêlant les méandres du Peugue aux raisins des terroirs d’ici.

« J’ai l’habitude des performances dessinées sur de grandes toiles in situ. Et pourtant, en voyant les travaux des précédents lauréats, je me suis dit que je n’avais jamais peint de fresque aussi grande, qui plus est avec de la peinture alimentaire. L’idée était de m’inspirer du lieu, de la faune, de la flore, des éléments présents sur le site. Faire de cette cuvée une fête, dans l’esprit de ce lieu arborisé….cette nature florissante et source d’inspiration. » raconte Christelle Téa

En cœur de métropole, les Carmes Haut-Brion font figure d’oasis viticole, royaume d’une sobriété heureuse qui semble guider la propriété vers les plus hauts sommets bordelais.