Samedi 13 Décembre 2025
© Michaël Boudot, statue de Winston Churchill installée au coeur de la Maison Pol Roger
Auteur
Date
13.12.2025
Partager
Personne n’a jamais vu Winston Churchill faire son jogging. Il ne s’y serait jamais abaissé. Cigare au bec, coupe de champagne à la main, le ministre qui a tenu tête à Hitler, n’en est pas moins décédé à 90 ans, dans un dernier pied de nez à l’hygiénisme ambiant. Tout au plus concédait-il devoir faire un peu d’exercice pour « aller marcher aux enterrements de ses amis sportifs ». Le secret de sa longévité ? Son tempérament tenace, un secret que partage la Cuvée « Sir Winston Churchill », elle aussi dominée par un pinot noir de caractère qui lui apporte une tenue dans le temps hors norme. Le nouveau millésime 2018 est sans doute l’un des plus prometteurs.
Pol Roger était le champagne favori de Winston Churchill et un ami personnel de la famille. Pour la petite histoire, c’est au cours d’un déjeuner organisé par l’ambassadeur britannique en France le 12 novembre 1945 que le premier ministre fit la rencontre d’Odette Pol Roger et tomba sous le charme de sa beauté et de son esprit. Pour ne rien gâcher, le vintage 1928 qui fut alors servi est considéré encore aujourd’hui par les Champenois comme le millésime du siècle.
Il y a tout juste 50 ans, à l’occasion des dix ans de sa mort, la Maison a créé un champagne pour lui rendre hommage, la cuvée « Sir Winston Churchill », débutée sur le millésime 1975. Cette cuvée devait répondre à l’exigence qu’on lui connaissait. Le « vieux lion », toujours un peu cabot, n’aimait-il pas dire « mes goûts sont simples, je me contente aisément de ce qu’il y a de meilleur » ? L’objectif était aussi de refléter son caractère, avec cette force et cette persévérance qu’on lui connaissait, d’où le choix d’une dominante de pinot noir de la Montagne (Verzy, Verzenay, Bouzy…), assortie d’un trait de chardonnay (Chouilly, Mesnil, Oger…) pour ramener de la tension. De fait, cette cuvée figure parmi les plus grands champagnes de garde de l’appellation.
Toute la difficulté de son élaboration réside dans le fait que pour obtenir cette capacité extraordinaire à tenir dans le temps, il faut au départ des vins très serrés, très austères, très peu expressifs. « Souvent, lorsque je fais déguster l’assemblage des vins clairs à des non-initiés, ils me disent : "cela ne sent rien, vous êtes sûr ?" » confie Damien Cambres, le chef de caves. "Et comme ces vins sont initialement très fermés, il est très compliqué de savoir quelle direction ils vont prendre dix ans plus tard." Les vinifications 100 % en inox ne facilitent pas non plus la tâche, car cela resserre encore les vins, là où le bois participe au contraire à leur ouverture et permet aux œnologues qui créent des champagnes de garde d’avoir davantage de lisibilité au départ. Dans ces conditions, on comprend toute l’anxiété de Damien Cambres, pour lequel le millésime 2018 était le tout premier assemblage de Sir Winston Churchill, et son soulagement devant la très belle qualité du résultat.
Winston respecte sinon les mêmes principes qui président à l’élaboration des autres vins de la gamme et en particulier celui du débourbage à froid, une méthode importée de la Maison Billecart-Salmon par James Coffinet qui y officia comme chef de caves avant de rejoindre Pol Roger. « Cela permet d’éclaircir le vin tout en respectant la matière première et la puissance aromatique du vin. Chez nous l’enzymage est en effet exclu. »
La sortie de Winston est toujours un événement rare. En 50 ans, 2018 n’est que le 22èmeopus. Il est vrai que les conditions remarquables du millésime appelaient à sa réalisation, avec un hiver humide qui avait permis de bien recharger les nappes, suivi d’un été très ensoleillé où les réserves d’eau avaient évité le stress hydrique. Pour Damien Cambres, dans un contexte de réchauffement climatique, 2018 est la première vendange d’août offrant un vrai profil qualitatif. 2018 avait aussi le mérite d’être abondant. Or, après la récolte de très mauvaise qualité, il était indispensable de renouveler le stock des vins de réserve et d’assurer ainsi la pérennité du brut. C’est l’autre paramètre qui conditionne la création d’une cuvée Winston : il faut non seulement un millésime de qualité, mais qu’il reste assez de vin après l’élaboration du brut sans année sur lequel on ne s’autorise aucun compromis. Sur Winston, il n’y a par ailleurs pas de plan de tirage, « c’est l’assemblage qui fait le volume ». Et le challenge, c’est que comme on est limité à 10 ou 15 vins différents pour l’assemblage, là où sur le Brut on en a plusieurs dizaines, lorsqu’une cuve n’est pas à la hauteur, le maintien du style est très difficile. « Lorsque l’on sait que dans un assemblage de Brut sans année, 1% d’un vin en plus ou en moins peut tout changer, vous imaginez l’impact lorsque l'on travaille à partir d'une petite quinzaine de vins et que l'un d'entre eux n'est pas au rendez-vous. »
Comme à chaque nouvelle sortie, la première bouteille est envoyée à la famille Churchill pour dégustation et ce n’est qu’après son approbation qu’elle est mise sur le marché, elle est alors retournée à la maison avec la dédicace de l’un des descendants. C'est chose faite depuis mars dernier.
A la dégustation, on est sur une esthétique très champenoise, avec cette ligne d’agrumes qui étire la bouche avant de conclure sur des amers zestés et une salinité marquée. Quelques notes de genêt et de pierre chauffée par le soleil et une pointe de fruit exotique, notamment d’ananas, viennent égayer l’ensemble.
À noter qu’aujourd’hui, à l’occasion des habits de lumière à Epernay, la Maison vous propose :

Articles liés