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Sir Winston Churchill 2012 : l’art de durer

Auteur

Yves
Tesson

Date

19.05.2021

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Sir Winston Churchill, tout amateur de bonne chère et de bons vins qu’il était, a eu une longévité exceptionnelle. Rien de surprenant donc à ce que le nouveau millésime 2012 de la cuvée de Pol Roger qui porte son nom, malgré ses dix ans de cave, soit encore en pleine jeunesse. Hubert de Billy a eu la courtoisie de nous le présenter.

Lorsque l’on rencontre Hubert de Billy, on comprend tout de suite ce qui a pu relier sa famille à Sir Winston Churchill : l’humour, l’élégance, l’art de faire les choses sérieusement sans jamais se prendre au sérieux et ce côté bon vivant, terriblement contagieux… On connaît le train de vie du premier ministre anglais, qu’on ose à peine évoquer de peur de mourir foudroyé par la loi Evin. Il ne lésinait ni sur les cigares, ni sur l’alcool : whisky, cognac et, pendant le repas, du champagne Pol Roger, toujours millésimé… « Quand il est mort en 1965, nous avons mis un liseré noir sur l’étiquette du Brut White Foil en signe de deuil. En 1984, mon père et Christian Pol Roger qui voulaient continuer à lui rendre hommage, ont lancé le premier millésime (1975) de la cuvée Sir Winston Churchill. On a respecté cette philosophie, sans pour autant chercher à reproduire exactement le vin qu’il buvait. C’est davantage ce qu’on pense qu’il aimerait aujourd’hui, en sachant que comme nous, son palais aurait évolué ».

Ce qui frappe dans ce nouveau millésime 2012 (il succède à 2009), c’est sa jeunesse. « En 2050, je pense qu’on en sortira encore… Il y a des gens qui s’estiment jeunes à vingt ans et d’autres à cinquante : comme par hasard, ce sont toujours les mêmes ! Ce n’est qu’une question d’état d’esprit, et c’est un peu la même chose dans les vins. La grande particularité de Pol Roger, c’est d’être un peu plus sur la réduction que sur l’oxydation, parce que de toute façon l’oxydation, on l’aura avec le temps. Alors que la réduction, il faut essayer de l’avoir le plus longtemps possible pour après basculer sur l’oxydation, ce qui fait que le client qui aime un grand vin encore sur la jeunesse malgré ses dix ans de bouteille, va trouver chaussure à son pied, et le client qui aime davantage de complexité, d’oxydation, attendra un peu plus, mais cela arrivera ! »

C’est l’un des objectifs majeurs de cette cuvée : durer, un peu comme le vieux lion, qui à l’âge de 77 ans rempilait pour un nouveau mandat. Il faut savoir reconnaître les années qui s’y prêtent. « Je m’étais opposé à faire un 2003. Mon chef de cave, Dominique Petit, qui y croyait, en avait réalisé une micro cuvée. Il me l’a fait goûter à l’aveugle en 2013. Je l’ai trouvée excellente. Mais nous l’avons redégustée il y a un an, le résultat était décevant. »

Un équilibre subtil entre le pinot noir et le chardonnay

La Maison assemble une forte majorité de pinots noirs, tous issus de grands crus de la Montagne, Verzenay, Verzy, Mailly, Bouzy et Ambonnay avec du chardonnay de la Côte des blancs : Oiry, Chouilly, le Mesnil… « Quand le pinot noir est davantage dans la finesse, on réduit un peu la portion de chardonnay, pour qu’il puisse s’exprimer. Au contraire, lorsque le pinot est puissant, on augmente un peu la quantité de chardonnay pour garder cette vivacité qui demeure encore après plusieurs années, même si le pinot de toute façon prendra à terme le dessus, ce qui est dans l’ordre des choses. » Pour 2012, en l’occurrence, on a affaire à un pinot noir plutôt puissant : « On sent en bouche qu’il est bien là, qu’il commence à être vineux… ».

Le nez allie les notes de miel et de vanille. « On arrive à une complexité aromatique qui peut effectivement faire penser à un léger goût boisé. Je le dis toujours : les lies sont constituées de champignons morts, et qu’est-ce qu’un champignon mort sinon du sous-bois ? Quant au miel, je vous promets que mes ruches n’y sont pour rien ! » On trouve aussi la brioche grillée : « c’est ce que les Anglais appellent le crispy taste, dans les années 1990, les journalistes en trouvaient partout, et quand on n’en trouvait pas, il fallait en trouver ! » En bouche on retrouve le coing, la pâte de fruits d’abricot, mais aussi un côté citronné : « cela n’a rien d’un péché, cela montre la jeunesse encore de ce vin, cela prouve qu’il est encore au début de sa carrière et qu’il peut aussi être un bon vin d’apéritif ».

Ce nouveau millésime est en fin de compte le reflet de cette maison, qui malgré ses 172 ans et la violente crise qui secoue le champagne, n’a rien perdu de la fougue de ses débuts. « Notre stratégie qui consiste à être très axé sur l’export et le fait qu’un pays ne doive jamais représenter plus de 20 % de notre chiffre a contribué parfois à atomiser notre budget marketing. Mais avec la Covid qui a touché de manière inégale les marchés, c’est un facteur d’équilibre. 2020 a même été une bonne année, conforme à nos premières prévisions ! »

Prix recommandé : 210 €
www.polroger.com