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Besserat de Bellefon ou l’art de la crémosité

Auteur

Yves
Tesson

Date

20.06.2022

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Le champagne Besserat de Bellefon, c’est la petite pépite qui monte, qui monte… En témoigne cette nouvelle « Réserve Collection », qui rassemble quatre millésimes découverts par Nathalie Doucet et son chef de caves au moment de l’inventaire qui a précédé la filialisation de la Maison, désormais pleinement autonome au sein du Groupe Lanson BCC.

Pour obtenir une belle crémosité dans le champagne, il existe plusieurs techniques. D’abord le choix des terroirs, certains étant réputés plus crémeux, onctueux, enveloppants que d’autres comme Ambonnay dans les noirs ou le bien nommé Cramant dans les blancs. Une deuxième option consiste à pratiquer une demi-mousse, que l’on appelait autrefois en Champagne « Crémant ». En mettant un peu moins de sucre au tirage, on obtient une effervescence plus légère, des bulles plus fines. Cette technique fit le succès de la cuvée des Moines de Besserat de Bellefon dans les années 1930 dont s’inspire aujourd’hui toute la gamme de la Maison. La présidente Nathalie Doucet explique : « Sur le marché asiatique, où l’effervescence du champagne est parfois perçue comme agressive, cela présente beaucoup d’intérêt ». On notera que cette appellation « Crémant » a été abandonnée par les Champenois dans les années 1980. « L’interprofession a accepté de céder le terme aux autres vins effervescents en échange de l’abandon de la mention « méthode champenoise » confie le chef de caves Cédric Thiébault.

Il existe enfin une troisième technique, celle du vieillissement qui affine elle aussi la bulle en réduisant au fil des années la pression tout en donnant, outre la texture, des arômes évoquant la crème pâtissière. Au XIXe siècle d’ailleurs, le terme « Crémant » désignait souvent les vieux champagnes plutôt que des demi-mousses. Ce vocable regroupait ainsi les cuvées les plus chères et les plus recherchées des maisons. Le lancement de La Réserve Collection de Besserat de Bellefon s’inscrit dans cette tradition en nous offrant toutes les nuances d’un long vieillissement à travers quatre millésimes très anciens : 1990, 1992, 1986 et 1985. Des champagnes dont l’effervescence est encore belle, juste un peu plus crémeuse que celle des millésimes plus récents. On expliquera ce maintien par l’étonnante qualité des capsules dotées de joints en liège employées à l’époque, et peut-être aussi par un dégorgement relativement tardif pour des vieux millésimes (mars 2019). Les assemblages réunissent essentiellement des grands crus avec une dominance de pinot noir et de chardonnay, et une petite proportion de meunier issue des premiers crus. Le blocage de la fermentation malolactique, une norme dont la maison ne s’est jamais écartée, leur a gardé beaucoup de fraîcheur prouvant une fois de plus tout l’intérêt de ce process sur les très longues gardes.

1990 est un millésime qui parle à tout le monde, une sorte de patriarche devant lequel tout amateur doit s’incliner. « Les gelées printanières laissaient augurer une récolte assez maigre. Cela s’est soldé au contraire par un rendement généreux à 11.900 kilos, une vendange précoce et des raisins très sains et très mûrs. » Le nez allie la pâte de coing et le pruneau, la bouche a gardé des notes salines et iodées (270€).

1992 lui est pourtant supérieur alors que le millésime n’est pas resté dans les annales. Il s’agit de la première année où, à la suite de la crise de surproduction engendrée par la Guerre du Golfe, l’interprofession a décidé d’en profiter pour améliorer la qualité en abaissant le rendement au pressurage. Le nez est miellé, laissant apparaître quelques notes de champignon, la bouche est vive, avec un côté granny-smith, une pointe de cannelle, et une fin gourmande sur la crème moka (198€).

1986 non plus n’est pas référencé parmi les très grands millésimes. Là-encore, le vieillissement a permis de combler le fossé. Alors qu’il n’a jamais connu d’élevage en fût, on a l’impression d’y déceler des notes boisées. Le goût de cédrat, cet agrume à la fois frais et doux, est très séducteur. Les fruits exotiques sont aussi à la fête, en particulier l’ananas cuit qui achève de créer cette trame délicieusement acidulée (234€).

1985 est le point culminant. On n’avait sans doute pas connu d’hiver aussi froid depuis celui qui provoqua les famines de la fin du règne de Louis XIV, au point d’endommager certains ceps. La vendange réduite (6800 kilos) a donné des raisins concentrés, riches. Cette cuvée intense, miellée, avec ses arômes de cèdre et de zeste confit, son amertume de pêche de vigne, en est le reflet parfait (234€).

Nathalie Doucet et Cédric Thiébault.

https://boutique.besserat.com