Lundi 4 Novembre 2024
(photos JMB)
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05.10.2018
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Rares sont les sorties de nouvelles cuvées chez Bruno Paillard. Dans quelques semaines, un champagne zéro dosage viendra compléter la gamme, signant par la même un retour aux sources.
Le monde actuel, pétillant, vibrant, tourbillonnant est ainsi fait qu’il a érigé en quelques décennies le renouvellement permanent comme gage de sa modernité. Une entreprise qui ne propose pas de nouveauté est ainsi souvent considérée comme dépassée. Pourtant, le temps long, celui de la réflexion, invite à imaginer sereinement l’avenir, à poser les futurs jalons qui feront la solidité d’une maison ou d’un domaine. La Champagne, que le monde entier regarde, n’est pas exempte de cette « nouveauïte » aiguë. Tantôt de nouvelles étiquettes, tantôt de nouvelles formes de bouteilles… Important, certes, mais pas fondamental. Le style d’une maison, surtout en Champagne, se crée lentement, évolue mais sans révolution. Les coups marketing existent, bien sûr. Mais la sortie d’une nouvelle cuvée qualitative n’est pour sa part, jamais une lubie. A ce titre, le nouveau Dosage Zéro (46€) de la maison Bruno Paillard qui sera lancé dans quelques semaines est un cas d’école. Tout commence il y a 35 ans lorsque Bruno Paillard décide de produire une cuvée brute nature. L’heure n’est alors pas du tout à la réduction du sucre ajouté dans les champagnes, encore moins à l’expression des vins sans fard, c’est-à-dire sans aucun ajout de liqueur. Bruno Paillard tente alors d’offrir une cuvée dépouillée de tout artifice mais doit rapidement se rendre à l’évidence. Les vins ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Un échec parfaitement assumé. Car produire un brut nature est un exercice de style ô combien risqué. Ces vins, encore actuellement, sont parfois très durs, d’une vivacité désagréable, sans aucune rondeur. Un comble pour le vin le plus charmeur du vignoble français !
Un zéro dosage complexe
Riche de cette première tentative ratée, c’est donc différemment que Bruno Paillard va décider, il y a quelques années, de retenter l’aventure d’un vin brut nature. Secondé par sa fille Alice, il va ainsi vouloir produire un champagne non dosé qui lui plaise, loin de ces produits dogmatiques creux et séchants qui abondent sur le marché. Pour y parvenir, la maison dispose désormais de moyens bien différents qu’au début des années 1980 quand l’aventure venait seulement de débuter. Tout d’abord, il y a les vins de réserve. Ces vins conservés années après années et qui permettent de façonner une cuvée. Chez les Paillard, il existe un système de solera créé il y a 32 ans et qui permet de disposer de vins à haute personnalité, patiemment assemblés et vieillis ensemble. Et puis il y a les fûts, dont le parc conséquent permet de vinifier ces vins de réserve et de leur donner un surcroît d’âme. Il y a également ces vins du millésime 2000 dont Bruno Paillard reconnaît bien volontiers qu’ils sont « de bons vins mais pas de grands vins à la hauteur des espérances de cette année mythique ». Non commercialisé, ce millésime est donc l’un des autres secrets de cette cuvée. Sa patine vient apporter également une touche de rondeur et de profondeur à la cuvée. Au final, cette nouvelle cuvée événement présente une robe dorée et surprend par la puissance de ses arômes de menthe, de noisette ainsi qu’une pointe saline qui laissent espérer une belle complexité en bouche. L’attente n’est pas déçue puisque dès l’attaque, la rondeur flatte le palais. L’acidité tend à s’exprimer davantage en milieu de bouche mais avec élégance. La matière est dense, évoque l’amande et le grillé. L’allonge est évidente sur la finale. Un champagne atypique, qui réussit le pari d’allier structure et délicatesse. Une réussite que ce vin de gastronomie qui prouve, à ceux qui en douteraient encore, toutes les vertus de l’échec.
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