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Champagne Jacquart : une visite en ligne de l’hôtel de Brimont

Auteur

Yves
Tesson

Date

12.12.2020

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Le champagne Jacquart ouvre les portes de son hôtel particulier Boulevard Lundy à Reims, à travers une visite en ligne qui nous plonge dans la grande histoire des négociants rémois et les liens qui ont toujours uni le monde des bulles et celui des arts.

Qui ne s’est pas arrêté Boulevard Lundy devant cette demeure léchée de style Louis XV défendue par de hautes grilles en fer forgé, en rêvant de pénétrer à l’intérieur pour en percer les mystères ? L’hôtel de Brimont, propriété de la maison Jacquart depuis 2009, rénové avec le concours de l’architecte Laurent Lacombe, nous fait un beau cadeau en plein confinement, en ouvrant pour la toute première fois ses portes via la proposition d’une visite en ligne.

Ce bijou d’architecture est un miraculé : il figure sans doute parmi le cercle restreint des 60 immeubles ayant totalement échappé aux bombardements de la Première Guerre. Il a été occupé par les Allemands pendant la Seconde Guerre puis par les aides de camp d’Eisenhower. Revendu en 1948, il a connu une succession de propriétaires, pas toujours précautionneux (le groupement professionnel des industries du verre, le ministère de l’éducation nationale qui en fit un internat), et des pillages entre 2004 et 2009 où l’hôtel a été laissé à l’abandon sans gardiennage… Le rachat par la Maison Jacquart l’a sauvé des projets hasardeux des promoteurs immobiliers.

Une histoire foisonnante

Mais revenons d’abord sur ses origines. Au XIXe siècle, la famille Ruinart de Brimont occupe à Reims l’hôtel de Joyeuse, construit en 1720, place de l’Hôtel-de-ville. Accueillant les bureaux de la maison de champagne dont les caves se situent sur la butte Saint Nicaise, cette bâtisse est rachetée par la ville et détruite en 1889 pour achever de percer la rue Thiers qui reliera la gare à la mairie. C’est ce qui explique qu’en 1896, le Vicomte André Ruinart de Brimont (fils de Julie Hennessy !) commande à l’architecte Amand Jules Bègue une nouvelle demeure qui devra être édifiée à l’emplacement des anciennes usines textiles ‘Pierrard-Parpaite’. Au XIXe siècle, Reims était en effet la capitale de la laine peignée, mais cette industrie était sur le déclin, heureusement relayée par le champagne… Amand Jules Bègue se fait aider de l’architecte Charles Blondel, prix de Rome à qui l’on doit la villa Gallice à Épernay, d’apparence très proche.

À en croire Hippolyte Bazin, dans un ouvrage consacré à la ville paru en 1900, la bâtisse marque une rupture dans le style des demeures de la bourgeoisie rémoise, jusqu’ici plutôt discrète et soucieuse de ne pas étaler sa fortune : « jadis les riches rémois cachaient la magnificence de leurs demeures derrière des murs sans apparence, au fond de leurs vastes jardins ». Peut-être faut-il justement y voir la transition entre l’aristocratie de la laine et celle du champagne, qui, commercialisant un produit de luxe, se devait d’afficher sa réussite. L’auteur se garde d’ailleurs de juger : « qui pourrait s’en plaindre ? Le plaisir des yeux en est accru et l’on doit être reconnaissant à ceux qui, sans y songer peut-être, nous procurent la joie d’admirer leur opulence et leur bon goût ». Il est vrai aussi qu’on n’atteint pas le degré de m’as-tu-vu de l’Avenue de Champagne à Épernay : la façade reste assez sobre pour l’époque, l’objectif étant de mettre d’abord en lumière les ornements de la grande grille. C’est d’ailleurs à l’endroit où celle-ci est la plus basse, sur la partie centrale, que les ornements de l’hôtel sont les plus riches, avec ce grand œil de bœuf qui domine le corps principal soutenu par un large cintre.

À la place des parkings, il faut imaginer tout autour autrefois les jardins dessinés par Edouard Redont, un paysagiste célèbre dans le monde entier, qui a créé le parc Bibesco en Roumanie, et le Parc Pommery à Reims… S’ajoutait tout le confort bourgeois du XIXe siècle grâce notamment aux deux portails qui permettaient aux calèches d’arriver et de repartir sans encombre en déposant les visiteurs sous la marquise qui surplombe la porte d’entrée.

Une décoration intérieure qui reflète la nouvelle identité du Champagne Jacquart

L’intérieur a conservé l’essentiel de ses décors en stuc. On admirera les cheminées en marbre portant les armoiries de la famille Ruinart, un magnifique vitrail qui éclaire l’escalier, une ancienne jardinière dans le vestibule que la maison Jacquart a su exploiter avec brio en y installant un mur végétal composé d’une mosaïque de plantes, hommage à l’assemblage de terroirs et de talents de ce grand champagne. Le salon et la salle à manger ont été égayés par un mobilier moderne dû notamment au designer Friz Hansen (les chaises “drop” de quatre couleurs, “blanc comme la craie, gris clair comme la Marne calcaire, vert chardonnay et vert vigne”).

Au sous-sol, on découvre la cuisine et sa hotte monumentale recouverte de faïence qui abrite un rôtissoire en fonte. L’ancien « calorifère », merveille technologique de la fin du XIXe siècle, lui, a disparu. Ses conduits, activés par des chaînettes munies d’étiquettes portant le nom des différentes pièces, envoyaient l’air chaud à travers des grilles en bronze dans tout le bâtiment. Mais le plus précieux reste la magnifique œnothèque où dorment les vieux millésimes de la Maison Jacquart, une nouvelle histoire qui commence…

Lien de la visite : https://my.matterport.com/show/?m=tpx6uMZCkW5