Vendredi 13 Décembre 2024
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06.07.2021
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Les réactions de l’interprofession champenoise suite à l’interdiction vendredi d’user du terme « Shampanskoe » pour le champagne en Russie ne se sont pas pas fait attendre. Ses représentants dans un communiqué de presse dénoncent une atteinte scandaleuse au patrimoine commun des Champenois. Terre de vins revient sur cet événement survenu sans que personne ne s’y attende, et dont les motifs ne sont pas encore connus.
La nouvelle a pris tout le monde de court, et pour l’heure personne ne connaît les motifs de la règlementation approuvée vendredi dernier par Vladimir Poutine. Elle se résume ainsi : les Champenois ne pourront plus vendre leurs vins en Russie avec la mention « Shampagnskoe », traduction du terme « champagne ». Ils étaient jusqu’ici sur le territoire russe les seuls à y être autorisés avec les producteurs de vins effervescents du pays. On imagine cependant sans peine que pour cette nation qui figure parmi le top 10 mondial des producteurs de mousseux (298 millions de bouteilles en 2010), il s’agit d’abord de favoriser sa propre filière viticole dont l’importance ces dernières années s’est accrue par l’intégration de la Crimée.
Si le terme champagne en caractères latins pourra toujours figurer, la transparence vis-à-vis du consommateur est largement compromise : « Un client russe mis face à une bouteille de champagne avec le terme champagne écrit en caractère latin (et non en cyrillique) ne va pas forcément comprendre ce qui est écrit. Il va se reporter à la contre étiquette russe qui va lui dire ‘vin mousseux’ (cette mention étant désormais obligatoire) » explique Charles Goemaere, directeur général du Comité interprofessionnel du vin de Champagne. Pour l’heure, toutes les expéditions vers la Russie sont bloquées, les bouteilles n’ayant pas été mises en conformité. L’épreuve est rude pour la Champagne déjà durement touchée par la crise du Covid (-17% de chiffre d’affaires l’année dernière). « Nous expédions à peu près deux millions de bouteilles par an sur le marché russe. Ce qui peut paraître relativement modeste. Le pays apparaît au quinzième rang de nos expéditions, mais c’est un marché très important en termes d’image, parce que les vins y sont bien valorisés, c’est donc un marché auquel nous tenons beaucoup. »
Pour Jean-Marie Barillère, président de l’Union des Maisons de Champagne, « il s’agit d’une décision unilatérale inacceptable, nous parlons avec Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons, de vol de propriété intellectuelle. Nous demandons à l’Europe et au ministre des affaires étrangères de se saisir de ce dossier… » Le communiqué de presse envoyé hier matin regrette quant à lui une loi qui remet en cause « plus de vingt ans de discussions bilatérales entre la France et la Russie sur la protection des appellations d’origine. »
Cette nouvelle règlementation suffira-t-elle à avoir raison de la passion historique qui lie les élites russes au champagne ? Le pays a rappelons-le été l’un des tout premiers à apprécier ce vin dès le XVIIIe siècle. Catherine II était amatrice du champagne Chanoine, quant à Alexandre II à la fin du XIXe siècle, il affichait sa préférence pour la marque Roederer. La révolution russe de 1917 qui s’est accompagnée d’une fermeture du marché pendant plus de 70 ans, avait constitué une catastrophe économique pour les Champenois aussi brutale que la Prohibition mise en place trois ans plus tard aux Etats-Unis. Elle a largement contribué à l’essor des nouveaux vins mousseux russes, encouragés notamment par Staline, mais dont les premières maisons datent cependant de la deuxième moitié du XIXe siècle.
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