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Champagne Roger Coulon, les nouveaux esprits de Vrigny

Auteur

Laurie
Andrès

Date

13.01.2021

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À tout juste 25 et 27 ans, Louise et Edgar suivent les pas des générations qui les ont précédés, en se confrontant aux défis qui les attendent. Au nom de l’amour pour leur terroir, ils s’inscrivent dans cette lignée de jeunes vignerons qui se réinventent, osent, et affichent haut et fort leurs convictions pour une Champagne plus verte.

En cette matinée de janvier, les températures ne sont pas encore négatives mais le froid se fait ressentir. Les vignes dorment paisiblement. À Vrigny, terroir de meunier, là ou se trouvent principalement les parcelles du domaine Coulon qui compte 11 hectares, certains ont décidé de bousculer le climat paisible de la Champagne en hiver. Les fauteurs de trouble sont des moutons. Organisés en troupeaux, ils font ce que l’Homme a bien souvent délégué aux machines : entretenir le sol.
Ils broutent, mangent, ratissent les couverts végétaux. Producteurs de matière organique, ils abondent les sols de leurs excréments, ce qui n’est pas pour déplaire à la vigne. Sur les 109 parcelles du domaine Coulon, les ovins passent dans les parcelles les plus accessibles ; ils nettoient l’herbe dans le rang, et aussi sous le rang. Cette idée d’introduire des moutons n’est pas nouvelle, maisons comme vignerons s’essayant petit à petit à l’éco-pâturage. L’arrivée des moutons d’Ouessant dans les vieilles vignes de Bollinger avait d’ailleurs créé un micro séisme – un événement dans une région viticole qui compte 3,4% de surfaces exploitées en viticulture biologique (chiffres ACB 2019) et qui est souvent montré du doigt pour son retard en matière de développement durable. Dans l’une des seules appellations viticoles françaises (avec le Beaujolais) où la machine à vendanger a été proscrite, tous les moyens sont bons pour enrayer la mécanisation des sols et observer peut-être un alignement des planètes.

Cette tonte 100% écologique dont la logistique est assurée par OVICEP, spécialiste de l’éco-pâturage en Champagne, va t-elle faire des petits ? Ce qui est sûr c’est que dans la région du vin à bulles, il est de plus en plus difficile des les compter. Effet de mode ou réelle prise de conscience, pour Louise et Edgar, c’est surtout une façon de s’inscrire dans un modèle vertueux. « Nous nous sommes rendus compte de la beauté de la nature, quand vous vous baladez en forêt, vous vous dites que ce qui vous entoure n’a besoin de rien pour s’épanouir. Nous nous inspirons de ce modèle vertueux pour recréer une symbiose dans nos vignes. Ce que nous cherchons surtout, c’est d’avoir des vignes heureuses et autosuffisantes. »

Outre les moutons, il y aussi des arbres, surtout fruitiers, en place sur des parcelles test. « Nous n’avons rien inventé, notre père, Eric Coulon, s’est toujours inscrit dans ce modèle durable, en ça, on peut dire que c’est un pionnier sur ce terroir », affirme Louise. Et pour cause, le Champagne Roger Coulon et la préservation de la nature, c’est une histoire d’amour qui dure. Labour, confusion sexuelle, enherbement, autant de pratiques qui sont aujourd’hui dans la bouche de tous les acteurs champenois, au nom de la stricte adaptation pour certains, fruit d’une réflexion de plusieurs années pour d’autres. Pour les Coulon, c’est une philosophie qui se cultive en famille. En 2019, une première partie du vignoble a été certifié en viticulture biologique, l’autre devrait suivre en 2022 sous l’impulsion des enfants.

Les esprits de Vrigny

Dans ce duo de touche à tout, frère et sœur se renvoient la balle habilement. Diplômée du Master CIVS de Dijon, passée par Bandol, Louise est revenue sur l’exploitation en 2019. Cheveux noir ébène, regard fixe et déterminé, Edgar, le technicien du vin, diplômé d’un BTS viti-œno à Avize, passé par des domaines en Bourgogne, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, reprend petit à petit les rênes de la cuverie. Formaté à la méthode Philippe Pacalet (vigneron en Bourgogne), il prend soin à ne pas troubler les fermentations naturelles du vin. « Je ne bloque jamais les fermentations malolactiques. Il faut laisser le vin s’exprimer. »
Et pour que le vin nous parle au mieux de son terroir d’origine, toutes les levures sont indigènes. Au chai, où les fûts neufs et moins neufs tentent de prendre place, Edgar prend petit à petit ses marques sous l’œil bienveillant de Louise qui tente de composer avec son frère, le futur du terroir de la petite Montagne de Reims.

Si les cuvées de la gamme sont nées de l’esprit du père, les futurs espoirs s’essaient à de nouvelles expérimentations, parfois malencontreuses, mais bien plus souvent heureuses sans succomber à la juxtaposition des œufs en argile, béton ou amphores organisée souvent de façon muséale, pour leurs élevages. Parce qu’après tout « il faut laisser l’effet se faire pour que l’effet se fasse. »
À l’heure du déjeuner, en ce début janvier, la famille Couloj profir d’un feu de cheminée. Ils pourraient facilement se laisser porter par le crépitement de cette bûche qui ressemble volontiers à un petit cochon de lait, mais bon, tout ne va pas se faire tout seul.

À déguster (pour commencer) :

L’Esprit de Vrigny – Brut nature (zéro dosage)
1/3 pinot noir, meunier et chardonnay + 1% de mystère issus de villages premier cru
Élevé en fûts pendant 10 mois sur lies entières. Cuvée généreuse, en bouche, notes confiturées, légèrement boisées et épicées. Vin de terroir, accessible aux palais non avertis. Pour un apéritif de gastronomes !