Lundi 11 Novembre 2024
©JM Brouard
Auteur
Date
03.10.2023
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Au sein de l'univers des vins produits par Gérard Bertrand, le Clos d'Ora exprime tout le potentiel du Languedoc à produire de grands vins identitaires et d'émotion.
Le Languedoc, dans toute son immensité protéiforme, est une terre de contrastes où les possibles s'égrènent au fil de paysages superbes cachant des lieux véritablement hors du temps. C’est le cas ici où, nichés dans la garrigue, 5,5 hectares se lovent sur les hauteurs de l’appellation Minervois La Livinière à 220 mètres d’altitude. Au loin, les Pyrénées, la Méditerranée et la Montagne Noire dans un tableau où l’homme est bien peu de choses. Dans ces espaces puissants, Gérard Bertrand va identifier cette parcelle en s’y promenant en 1997. Un lieu à part où quelques ceps anciens lui donnèrent un indice précieux sur les temps passés. Là, il replantera dès 2000 des syrahs, totalement en leur royaume sur cette appellation, et qui constituent toujours la colonne vertébrale de cette cuvée. Des mourvèdre seront aussi réintroduits aux côtés de carignan presque centenaires et de vieux grenaches. Ce Clos d’Ora, c’est Gérard Bertrand qui va le baptiser ex nihilo. « Ora, c’est la prière en latin mais aussi le temps en grec, la projection dans le futur » explique celui qui a souhaité tout simplement créer ici « un grand vin du Sud de la France ». Le sol, par sa complexité, rend cette volonté possible. Situés au niveau d’une faille géologique, des calcaires lacustres (où s’épanouissent les syrahs) discutent avec des grès, des argiles et des marnes. De l’altitude, du soleil, une approche méticuleuse portée par la biodynamie et son attention globale au vivant.
Des vins de noble facture
On pourrait vite condamner le Languedoc et ses terres subissant évidemment en première ligne les effets d’un réchauffement climatique sans cesse plus prégnant. Pourtant, avec une vision lucide sur l’avenir et l’intelligence du geste, de grandes cuvées naissent des entrailles de ces terroirs méridionaux. Le Clos d’Ora, dont le premier millésime date de 2012, est assurément l’une d’elles. Une récente dégustation organisée à Paris nous a permis de déguster quatre millésimes différents, de 2017 à 2020. Chacun de ces vins s’est montré admirable dans sa capacité à exprimer une identité singulière dans une certaine cohérence de style. Des vins denses, profonds et complexes au nez imposant leur texture dentelée en bouche comme pour mieux surprendre le dégustateur. 2017, né dans la chaleur d’un millésime solaire, impose son énergie compacte oscillant entre fruits noirs, bois précieux et notes tubéreuses et de garrigue. 2018 pour sa part s’avère démonstratif mais dans un autre registre, celui d’une gourmandise assumée. La rondeur de sa chair le rend terriblement désirable et étonnamment accessible et prêt. Quant aux deux derniers opus, ils sont simplement impressionnants. 2019 est doté d’une force tranquille, imposant sans mal son équilibre souverain et réjouissant d’une tension finement acide admirable. De la concentration mesurée en somme et un potentiel de garde fort long. À l’image du 2020 qui, lui aussi, devrait contenter les amateurs les plus exigeants. Matière très élégante aux tanins soyeux et finement poudrés, fruits noirs infusés, évocation fugace de notes cacaotées et d’oranges confites. Une grande réussite qui saura défier le temps.
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