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[Entretien] Champagne : vers des vendanges de haute précision

Auteur

Yves
Tesson

Date

20.07.2022

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La Champagne relativement épargnée par les grêles se prépare à une belle récolte. Quelques dangers guettent cependant : l’échaudage mais aussi la difficulté d’une vendange précoce où le suivi des maturités doit être précis. Alice Tétienne, cheffe du vignoble de la Maison Henriot, qui a réuni la semaine dernière ses vignerons partenaires au Pershing bar pour une réunion préparatoire, nous en dit plus.

Comment se profilent les futures vendanges ?

Aujourd’hui, tous les curseurs sont au vert. L’état sanitaire est parfait, il y a eu quelques petites zones historiques à oïdium où on commence à voir des choses, mais cela reste anecdotique et le mildiou est inexistant. Les conditions ont même permis de respecter facilement le cahier des charges de la viticulture bio, la totalité de nos 36 hectares étant en conversion, alors que l’année dernière nous n’en avions que 50 %.

Vous aviez essuyé de grosses pertes en 2021 sur la partie bio…

C’était davantage lié à un secteur géographique qu’à l’itinéraire technique, avec des pertes spectaculaires sur des parcelles bios mais également HVE/VDC. Cette année, qui ressemble à 2018, même si tout est passé en bio, nous avons beaucoup de raisin accroché, autour de 15.000 kilos. De quoi refaire le plein ! Nous avons prévu sur nos vignes de démarrer la cueillette le 24 août, mais nous ouvrirons nos cuveries dès le 20 à nos livreurs, notamment ceux de Montgueux. Leurs vignes grêlées ont vu leurs charges réduites et mûrissent de ce fait plus rapidement.

Avec la canicule, il reste des risques d’échaudage…

On a un feuillage dense, beau, qui permet de protéger les grappes, mais en me baladant ce weekend, j’ai observé qu’il commençait à faire la tête. Avec la chaleur d’hier et d’aujourd’hui, on peut s’attendre à une perte de 15 %. Il y aura peut-être d’autres épisodes même si après une canicule on a en général un orage, qui doit arriver mercredi, et derrière lequel on récupère des températures plus acceptables.

On dit que les vendanges d’août sont des vendanges de précision…

Les maturations sont souvent inégales sur les vendanges précoces. Nous remarquons déjà une forte hétérogénéité. Les dates de fleur ont été très différentes. Il y a eu des moments où la maturation galopait mais pas forcément partout. A l’inverse, les températures très chaudes, comme celles que nous vivons peuvent bloquer la maturation. Mais là-encore, ces blocages ne se produisent pas partout ce qui renforce l’hétérogénéité. L’exemple bien connu est le millésime 2003, l’une des plus longues vendanges historiques, qui avait commencé elle aussi en août, pour se finir à la mi-octobre. On peut s’attendre au même phénomène cette année. Il faut faire attention aux vendanges précoces que l’on a tendance à assimiler à des vendanges rapides, où il faudrait rentrer les raisins au plus vite. Elles provoquent une excitation et une précipitation, ce qui est une erreur. Au contraire, il faut prendre son temps, être vigilent, accepter de construire des itinéraires de cueillette plus complexes, commencer une parcelle mûre à Chouilly, s’arrêter sur ce secteur, continuer le lendemain à Aÿ et parfois suspendre la vendange plusieurs jours ce qui ne facilite pas la gestion des saisonniers.

Au niveau des choix culturaux, sur les années chaudes où les vins peuvent être lourds, ne pas trop rogner permet de gagner de l’acidité ?

Nous avons rogné le plus tard possible, mais en même temps il ne faut pas laisser les bruns retomber ce qui crée un microclimat favorable aux maladies. Effectivement, à l’approche de la vendange, plus on réduit le rognage, plus on conserve l’acidité. Mais les feuilles les plus importantes sont surtout celles de la zone fructifère. Sur cette partie, il est toujours bénéfique d’avoir côté levant, un peu de contact au soleil. Le plus tôt le raisin est exposé, le plus tôt il développe une résistance pelliculaire. Il y a deux ans, ceux qui avaient effeuillé de manière précoce avaient moins d’échaudage. Certains effeuillent aussi à la vendange, pour mieux repérer les raisins. Chez Henriot, on ne le fait jamais, parce que les vieilles feuilles vont continuer à participer à la mise en réserve jusqu’à leur chute en automne.

Cette année, vous avez prévu de participer à une recherche du Comité Champagne…

Nous avons l’habitude, pour gagner du temps, de déguster les baies dans les parcelles. Le CIVC va venir prélever des raisins sur nos vignes et les déguster en salle. La question est de savoir si, sur la parcelle, on est moins concentré du fait du fond sonore, ou si on n’est pas orienté dans notre jugement parce que l’on sait où on se trouve.

www.champagne-henriot.com

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