[Champagne Tasting] Dom Pérignon passe le témoin

Samedi dernier, la Masterclass du Champagne Dom Pérignon a clôturé, avec grâce, la huitième édition de Champagne Tasting, qui se tenait à la Mutualité de Paris (Vème arrondissement). Jean-Baptiste Terlay, directeur de projet opérationnel, a partagé l’histoire et le savoir-faire de la mythique Maison au travers d’une expérience inédite, la dégustation de trois « vintages rosés » : 2003, 2008, 2009, de Plénitude 2 1996 et d’un vin clair rouge…

Champagne Tasting offre des instants rares et la Masterclass Dom Pérignon a tenu cette promesse plutôt deux fois qu’une. Non seulement ceux qui y ont assisté ont eu le privilège de goûter quatre millésimes de la Maison : 2009, 2008 et 2003 en rosé ainsi que 1996 P2 en blanc, mais également un vin rouge clair, le pinot noir 2024, qui servira à l’assemblage du vintage rosé de la même année. Avec ce vin rouge en préambule, l’assistance s’est immergée dans l’histoire foisonnante que chaque flacon vintage de Dom Pérignon recèle, à la fois instantané d’une campagne viticole et témoin d’une histoire séculaire : « Chaque vintage de Dom Pérignon se situe à la croisée de deux univers. C’est à la fois une expression de la nature tout à fait tangible et, en même temps, ce vin emporte avec lui tout l’univers historique que constitue l’héritage de Dom Pérignon », promet Jean-Baptiste Terlay.

Dom Pérignon : un nom qui oblige

Savez-vous que Dom Pérignon était l’exact contemporain de Louis XIV, né et mort les mêmes années : en 1638 et 1715 ? Voilà pour les repères chronologiques. Pour la viticulture, ces dates revêtent une importance toute particulière, nous sommes exactement à l'époque du petit âge glaciaire, à un moment où cultiver la vigne sur cette limite septentrionale relevait de l’exploit. Son legs aux vins de Champagne est d'abord et avant tout l’assemblage, qui consiste à mélanger différents terroirs, non plus de manière aléatoire, mais en fonction de ce que leur expression singulière peut apporter afin d’améliorer l’ensemble. La méthode s’est perpétuée. La Maison Dom Pérignon, grâce à un large panel de crus, perfectionne ainsi ses vins : « Nous considérons l’assemblage comme la clé de notre qualité. Nous puisons donc dans un répertoire de 900 hectares, en premiers et en grands crus, qui n’a pas d’équivalent au sein du vignoble champenois ».

Dom Pérignon fut aussi précurseur dans son approche de la vinification en commençant à faire des vins blancs à partir de cépages noirs. Et si pendant longtemps on loua la pureté des vins blancs champenois, la couleur rosée étant alors associée à des vins ratés, tachés, le retour en grâce du rosé ne semble pas avoir trahi l'exigence qualitative du cellérier d’Hautvillers : « Le champagne rosé renaît dans les années 1960, le premier millésime de la Maison est ainsi 1959. Aujourd’hui, même si la frontière climatique se déplace vers le Nord, faire des vins rouges en Champagne demeure un challenge. Nous tenons d'autant plus à le relever que le champagne rosé d’assemblage est aujourd'hui indispensable à la gastronomie ».

L’épreuve du réchauffement climatique illustrée par les millésimes 2009 et 2003

Goûter un vin clair, qui plus est rouge, revient à pénétrer les coulisses de l’assemblage du champagne rosé. Tous les printemps, les chefs de caves des grandes maisons, avec un collège de dégustateurs, évaluent les vins clairs, dont la fermentation est terminée, afin de procéder aux assemblages, c’est dire si l’opération est cruciale. Dans le cadre de la Masterclass, accéder à ce vin rouge de champagne permet de comprendre ce qu’est un bon pinot noir vinifié spécifiquement pour le champagne rosé. Ses qualités ne sont pas exactement celles d’un coteau champenois. « L’avantage du pinot noir est son humilité, explique Jean-Baptiste Terlay. Très peu variétal, il laisse s’exprimer le terroir que nous recherchons au détriment des expressions fruitées. C’est pourquoi nous n’effectuons pas de remontage, ni d’extraction ». On obtient donc un vin rouge très légèrement teinté qui s’exprime sur la minéralité et la fraîcheur. Signe que les temps changent, la proportion de vin rouge pour faire du champagne rosé, même teinté de nuances vermeil comme les vintages de Dom Pérignon, tend à baisser. Les baies vendangées étant de plus en plus mûres, de 20 % de vin rouge, aujourd’hui les assemblages rosés de Dom Pérignon sont passés à environ 10 %.

Avec le vintage 2009, qui fut une année chaude, Jean-Baptiste Terlay introduit la dimension tactile du rosé : « le rosé laisse sur les papilles une impression plus forte que le blanc. Autrefois, avec le tastevin, il n’était pas question du bouquet du vin mais essentiellement de sa texture. Alors chez Dom Pérignon nous sommes fidèles à cette dimension originelle qui connecte le corps et l’esprit au travers de la sensation tactile ». Il en ressort un vin onctueux, aux flaveurs puissantes de fruits rouges.

Le millésime 2003 et ses conditions climatiques exceptionnelles, illustre quant à lui la démonstration sur l'assemblage. « Tout le monde se souvient de la canicule de 2003. Nous nous sommes collectivement rendus compte de ce qui se passait au niveau climatique » rappelle Jean-Baptiste Terlay. La campagne viticole fut marquée par de gros contrastes : avec un gel début avril, qui priva la vendange d’une partie des raisins, puis les fortes chaleurs de l’été. Ces deux phénomènes ont contribué à concentrer les arômes. Pour compenser le manque d’acidité, l’assemblage a été élaboré autour de la minéralité : « comme l’acidité, la minéralité fait saliver. Et si on l'adosse à de beaux amers, elle confère de la fraîcheur et de la tension au vin ». Ainsi, l’écueil qui guettait 2003 d’obtenir un champagne séduisant sur la jeunesse, mais qui finirait par manquer de relief, a été évité. « Chez nous, le vintage 2003 est archi présent, autoritaire, c’est le terme de « gravitas » qui le qualifie ».

De l’église à la cathédrale

Pour millésimer, l’évidence des années chaudes est remise en question par le manque d’acidité. Pour les campagnes viticoles réputées plus froides, le défi reste de taille, comme nous le prouve 2008, millésime beaucoup plus classique pour la Champagne, marqué par la fraîcheur et sauvé par le « miracle champenois », une fenêtre ensoleillée pour rentrer une vendange saine et des raisins mûrs. « 2008 est une grande année pour le champagne rosé. Les vins clairs étaient marqués par une belle verticalité que nous avons habillée avec du vin rouge. Autour du squelette nous avons ajouté le muscle. » Finalement c’est un vin abouti sur une sensation poudrée sur les papilles qui conserve un bel avenir devant lui à l’instar de 1996 P2 qui fut le clou de la Masterclass.

P2 pour « Plénitude 2 ». Alors que les vintages de Dom Pérignon sortent au bout de 10 ans de maturation, ces éditions restent au moins 5 ans de plus en cave. Toutefois, Jean-Baptiste Terlay récuse le terme de vieillissement : « les champagnes Dom Pérignon se construisent au fil du temps, la structure du vin s’épaissit. Le vintage c’est une harmonie d’église tandis que le P2 nous fait entrer dans une dimension de cathédrale ». Avec 1996, une année plutôt austère, où le vent a concentré la matière, on a l’impression de croquer dans un citron confit, grâce aux arômes, aux amers et surtout à la texture riche qui enrobe la tension…

Une dimension tactile du vin qui s’allie avec une temporalité décuplée, c’est le vertige qui a conclu Champagne Tasting samedi dernier. Quant à Jean-Baptiste Terlay, il inscrit quotidiennement son travail dans l’histoire de la Champagne avec la démarche de la Maison Dom Pérignon : « Nous nous inspirons des vins qu’ont fait nos prédécesseurs et nous travaillons pour nos successeurs. Avec « Plénitude 2 », qui repousse à 15 ans le temps sur lattes, nous savons d’ores et déjà quels sont les vins que nous sortirons en 2039 ». Dans les caves de la Maison Dom Pérignon les vintages sont autant de témoins qu'on se passe d'une génération à une autre...

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