Accueil Dom Pérignon au nom du père, du fils et du 2008

Dom Pérignon au nom du père, du fils et du 2008

Ci-dessus : Richard Geoffroy et Vincent Chaperon (photo © Pascal Montary)

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

04.07.2018

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La roue tourne, la création demeure. Le 1er janvier 2019, Vincent Chaperon deviendra le nouveau chef de cave de Dom Pérignon, prenant la suite du légendaire Richard Geoffroy qui a incarné la célèbre griffe de champagne pendant 28 ans. La passation se fait autour du millésime 2008.

Dans le petit royaume du champagne, c’est un peu comme si l’on venait de couronner un nouveau roi. Vincent Chaperon s’apprête à être nommé chef de caves de Dom Pérignon, à la suite de Richard Geoffroy, et avant lui Dominique Foulon et René Philipponnat.

Selon le communiqué de presse, « une triple responsabilité lui sera confiée : prendre en charge le legs matériel des millésimes existants, incarner la vision de Dom Pérignon et son patrimoine immatériel transmis par Richard Geoffroy, enfin projeter dans le futur cet engagement au millésime qui constitue la raison d’être du champagne Dom Pérignon. »

Le passage de témoin a eu lieu le 13 juin 2018 à Hautvillers, berceau de la marque et du champagne. En voici les faits, les enjeux et les symboles.

Dans les faits, Vincent Chaperon est arrivé chez Dom Pérignon auprès de Richard Geoffroy en 2005. Il a participé avec lui à treize vendanges, déclaré avec lui quatre millésimes. Dans l’ordre de leur sortie : 2005, 2006, 2009 et enfin 2008, dont l’étiquette est signée du nom des deux hommes. Rien d’un nouveau venu ni d’un chamboulement donc, et le communiqué de presse joue le fil de la continuité, évoquant «la stabilité, la fluidité, la sérénité du projet Dom Pérignon ». Les enjeux, en effet, sont de taille.
Enjeux financiers tout d’abord pour la marque de prestige la plus rentable de toute la Champagne (plusieurs millions de cols – chiffre top-secret – valorisés 150 € le flacon). Enjeux d’incarnation ensuite, car les chefs de caves jouent, dans les grandes maisons, le rôle de parrain et de gardien du style aussi bien que celui de figure de proue d’image.


Photo : Christophe Meimoon

Succéder au charismatique Richard Geoffroy n’est pas chose aisée. « Richard Geoffroy a élargi, enrichi, affiné, partagé l’univers des expériences de Dom Pérignon : rencontres avec la cuisine japonaise, déconstruction des menus traditionnels, dialogues purs, sinon bruts, avec des monoproduits du monde entier, collaborations avec des sommités de la cuisine mondiale (Alain Ducasse, Ferran Adrià, Jean-François Piège) et des artistes tels que David Lynch, Jeff Koons ou Lang Lang. […] De ses interprétations sont nées également les Plénitudes (Vintage, P2, P3) et leur vocation respective à exprimer les différents paliers du champagne au fil de sa maturation, » énumère le communiqué.

Le jeune (42 ans) Vincent Chaperon à l’impeccable pedigree agro-œnologue, « apporte au projet Dom Pérignon sa sensibilité viticole et son engagement au progrès, éclaire le communiqué. Il a ouvert ces dernières années des chantiers de recherche tout aussi audacieux sur Dom Pérignon ». Et de le résumer par « la fougue des nouvelles pistes ».

Devant le tombeau de Dom Pérignon

La dernière grille de lecture du 13 juin 2018 est de nature plus symbolique, voire même mystique. Est-ce un hasard si les 150 invités triés sur le volet (10 pour la France, 2 pour chacun des autres marchés export) ont été accueillis et conduits en procession jusqu’au caveau Thomas, une grotte secrète creusée en 1673 sous la supervision de Dom Pérignon ? Est-ce un hasard s’ils ont dégusté le 2008 en plein cœur d’une vigne du coteau d’Hautvillers, là même où le célèbre cellérier a développé ses techniques d’assemblages de crus ? Est-ce un hasard enfin si la passation solennelle s’est faite dans l’église d’Hautvillers, devant la tombe de Dom Pierre Pérignon, dans une ambiance toute monacale ?
« Vivat rex in eternam* » lançait l’archevêque au roi couronné à Reims ! Autre temps, autres mœurs. Richard Geoffroy a pour sa part confié en anglais à son fils spirituel : « The most important is the continuity, the legacy, a vision of harmony. We have the singular work of creation**». Ce que le communiqué ne conclut pas autrement : « Les générations de Chefs de Cave sont les dépositaires et les garants de la vision de Dom Pérignon : une ambition créatrice, celle d’une quête sans cesse réinterprétée, la quête d’une harmonie.

Ce passage de témoin se fait avec la sortie du 2008 qui « a mobilisé dans une complémentarité complice le meilleur de leurs deux approches : la compréhension globale et sophistiquée de Richard, l’intuition audacieuse de Vincent ».

Année grise et voilée, 2008 s’est révélé à partir de septembre, avec une maturité douce, des vendanges longues, un état sanitaire parfait qui a permis d’attendre l’optimum de chaque raisin. Une année non solaire, à l’équilibre « haut perché ». Longtemps introverti, Dom Pérignon s’exprime aujourd’hui assez musculeux, vif, concentré – « athlétique et vibrant » le décrit Richard Geoffroy. Il est à la jonction d’agrumes exotiques et de fleurs blanches, d’épices, de cèdre, de pointes fumées. La bouche est encore jeune et tonique, même si l’aromatique est déjà complexe. Un vin au potentiel de garde immense, qui commencera à être commercialisé à la rentrée (prix conseillé : 150 €).

* Vive le roi pour l’éternité.
** Le plus important est la continuité, l’héritage, une vision de l’harmonie. Nous avons cette mission singulière de création.