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[GRANDE DÉGUSTATION LISTRAC-MÉDOC] Listrac en rouge et blanc

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

24.04.2018

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Ce jeudi 26 avril, une vingtaine de propriétés de l’appellation médocaine se déplacent ensemble à Bordeaux, dans le cadre de La Grande Poste (18-21h). Parmi elles, sept produisent sur leur terroir, à côté de leurs cuvées rouges en AOC Listrac-Médoc, des blancs en AOC Bordeaux. A découvrir en deux couleurs.

Encore peu répandus dans le Médoc à l’heure actuelle, les vins blancs ont pourtant fait la réputation de Listrac à la fin du XIXe siècle, à une époque où ils étaient presque plus connus que les rouges. Sept propriétés listracaises présentes ce jeudi soir à « La Grande Poste », à l’invitation de « Terre de Vins », perpétuent cette tradition : Château Fourcas Dupré, Château Fourcas Hosten, Château Liouner, Château Clarke, Château Fonréaud, Château Lestage, Château Saransot-Dupré.

Château Fourcas Dupré
Le Grand Vin blanc du Château Fourcas Dupré 2016

« A force de boire les très bons blancs de mes voisins Clarke, Fonréaud et Saransot Dupré, ça m’a moi aussi donné envie de faire du blanc, raconte Patrice Pagès. Avec mon œnologue Eric Boissenot, on a donc décidé de se lancer dans ce projet. On a dégusté des blancs produits dans le Médoc, pour voir quels étaient les styles et quel vin on voulait élaborer. Puis on a délimité deux parcelles, qui représentent 1,21 ha sur des sols argilo-calcaires, et on y a planté sur pour 1/3 du sémillon et 2/3 du sauvignon blanc. » Le premier millésime blanc voit le jour en 2013. « Notre blanc est un grand vin blanc, du sur-mesure. On vendange à une maturité bien précise, déterminée à l’œil, à la coloration des baies, bien dorées avec de petites taches brunes sur une face et jaunes mais pas vertes sur la face non-exposée au soleil, avec d’un côté des perceptions de fruits exotiques, de l’autre les agrumes. Ensuite on procède à des vinifications à basses températures et à un élevage en barriques neuves durant 8 mois, avec remise en suspension des lies fines, pour donner de la rondeur, du corps et de la matière en milieu de bouche. Cela structure le vin, donne une intensité aromatique et un équilibre que l’on veut parfaits. »
Le propriétaire vient faire déguster ce jeudi son Grand Vin blanc du Château Fourcas Dupré 2016, « au nez soutenu, avec une belle vivacité et une fraîcheur, des parfums d’agrumes, citronnés. La bouche offre une jolie palette aromatique sur les fruits et épices . C’est un vin fin et élégant, avec de la matière et de la longueur (17€).
En rouge
En dégustation ce jeudi, Château Fourcas Dupré 2015(17€) et Château Fourcas Dupré 2010 (20€). « Ce sont deux grands millésimes, très réussis à Listrac et représentatifs de l’appellation. Ce sont deux millésimes avec de la générosité, beaucoup de profondeur, une trame soutenue, du fond, une assise tannique bien présente, qui vieilliront très bien. Pour donner une image, 2015 c’est plutôt une bille dans la bouche, tout en rondeur, avec ses tanins très enrobés, savoureux, et 2010 un cube, plus classique avec une perception plus carrée, structurée. »

Château Fourcas Hosten
Le Blanc de Fourcas Hosten 2016

« Le blanc est un projet des propriétaires Laurent et Renaud Momméja, qui ont acheté la propriété en 2006, explique Sophie Solnicki-Thierry, directrice commerciale et marketing. Les parties calcaires sur le plateau de Listrac sont un magnifique terroir pour produire du blanc, elles donnent une très belle acidité. Du sauvignon blanc et gris ont été plantés en 2012, puis du sémillon en 2013. Le blanc représente aujourd’hui 2,20 ha (sur les 47 ha de la propriété) cultivés en viticulture biologique. Le premier millésime blanc est le 2014. »
En dégustation ce jeudi, Le Blanc de Fourcas Hosten 2016 (25€) : « on n’est pas les seuls et loin d’être les premiers à faire du blanc, nos voisins en font depuis longtemps et du excellent. Mais ce qui est très intéressant, c’est que tous ces vins ont leur identité propre. Quand les gens goûtent notre blanc, ils sont déconcertés. Il est très atypique par rapport aux codes habituels des bordeaux blancs. Le sauvignon gris enrobe la droiture du sauvignon blanc, et on le travaille un peu à la bourguignonne. On procède à un élevage de six mois dans de grands contenants en bois neuf (300 et 500 L) pour un boisé très modéré, avec de fréquents bâtonnages sur lies fines. On cherche à faire des vins frais, élégants, complexes, sur les fruits blancs délicats, la pêche, la poire, avec des notes florales sur la fleur d’acacia. »
Du côté des rouges, à découvrir ce jeudi, Château Fourcas Hosten 2015 (environ 20€), « millésime naturellement excellent, mais aussi un vin plus abouti car il est le résultat de cinq ans d’expérience de l’équipe technique arrivée en 2010, avec des travaux entrepris au vignoble (dont une conversion bio commencée sur les rouges en 2014). Le résultat final, c’est un fruit plus précis et pur, dans son expression la plus gourmande. Ce 2015 a un tanin au grain fin et soyeux. C’est le millésime plaisir à apprécier même jeune, notamment lors de cette dégustation de la semaine prochaine. Egalement en dégustation, Château Fourcas Hosten 2010, « un millésime exceptionnel et marquant, conjonction entre le changement d’équipe technique et le nouveau cuvier de vinification. Un assemblage qu’on aime bien, avec une légère dominante de cabernet sauvignon à 55 %, et 45 % de merlot. Un vin très racé, à la très belle trame tannique, avec beaucoup d’élégance et de potentiel de garde. » A ne pas rater enfin, Château Fourcas Hosten 1970, « un vin avec encore beaucoup d’énergie, de tenue et d’arômes de fruits. Encore un très beau millésime après toutes ces années. »

Château Liouner
L’Aile de Liouner blanc 2016

« Le blanc n’était pas du tout valorisé à Liouner, on a décidé d’en produire à partir du millésime 2010 sous le nom de « l’Aile de Liouner », expose le propriétaire de château Liouner, Pascal Bosq. 60 ares sont consacrés au sauvignon blanc, planté sur des terroirs argilo-calcaires et des terres noires graveleuses très filtrantes. » Et le maître de chai Sam Gavan de continuer à brosser le portrait de ce blanc : « je n’aime pas trop le sauvignon à la base. Le but est de produire un vin complexe, assez riche, passé en barriques avec élevage sur lies, boisé, loin des notes typiques de sauvignon blanc, un peu vertes et acides. C’est un vin de dîner avec des arômes de fruits tels que l’ananas, goyave… Il reste en bouche longtemps, il est gourmand, c’est un vin atypique et surprenant pour un 100 % sauvignon » (12€).
A déguster en rouge, Château Liouner 2015, « un assez bon millésime, car Listrac, Margaux et Moulis n’ont pas été touchés par la pluie comme l’ont été Pauillac et Saint-Estèphe. C’est un vin équilibré et harmonieux, sans trop d’alcool ni d’acidité, aux tanins veloutés, au joli boisage, sur des notes de pâtisserie et brioche, sur le fruit frais avec un peu de puissance derrière. Ca n’est pas un monstre, un vin très costaud, mais ça reste un vin de garde, avec de la structure » détaille Sam Gavan. A découvrir également, Château Liouner 2000, « grand millésime avec un bon fruit, une bonne structure. Il semble encore assez jeune pour un vin de 18 ans d’âge, il est encore serré, avec un fruit assez riche et peu de notes d’évolution. » Enfin, Château Liouner 1991, «  une année de gel comme le 2017. Je m’attendais à un manque de maturité qui est souvent du au gel, et pourtant il a encore le fruit, c’est un vin très bien fait, une très belle surprise. »

Château Clarke
Le Merle blanc 2016

Ce n’est pas récemment que « Le Merle blanc » a pris son envol ! « Des archives qu’on a retrouvées il y a peu montrent que le blanc existait au moins dès 1892. Dans tout le Grand Médoc, où n’étaient quasiment fait que des vins rouges à l’époque, un blanc c’était exceptionnel » raconte Boris Bréau, directeur général de la Compagnie Vinicole Baron Edmond de Rothschild. Discontinué au moment de la Seconde Guerre Mondiale, le blanc a été redéveloppé sur 3,5 ha sur les 145 que compte château Clarke par le Baron Edmond de Rothschild dans les années 1990. « Nous avons sur le blanc une ambition de développement, on a modifié nos plans d’arrachage pour étendre un peu cette production. On a une forte demande sur ce produit, il y a une recrudescence d’intérêt sur les bordeaux blancs, avec des consommateurs qui recherchent plutôt des vins haut de gamme. » Assemblage 70 % sauvignon blanc, 10 % sauvignon gris, 10 % muscadelle, et 10 % sémillon, « Le Merle Blanc »2016 se veut « un vin différenciant, marquant en terme de style, un vin justement équilibré entre la présence du boisé amené par la barrique et une minéralité justement dosée, tout en gardant une belle tension, sur le fil » (environ 25€).
Du côté des rouges, à découvrir, Château Clarke 2015, « un millésime charnière entre les binômes winemaker et consultant, de Michel Rolland et  Yann Buchwalter à Fabrice Darmaillacq et Eric Boissenot. C’est un vin avec un équilibre facile à appréhender jeune, avec une certaine modernité, sur la finesse et le fruit » (environ 30€).
A découvrir également, Château Clarke 2003, « au nez avec des notes de fruits mûrs de confiture de cassis, de prune et de cerise griotte, associées à des notes torréfiées et épicées, et un boisé fin et discret. La bouche est encore riche, charnue, et équilibrée, la structure tannique dense et soyeuse, les tannins fondus avec une texture veloutée. »

Château Fonréaud et château Lestage (famille Chanfreau)
Le Cygne de château Fonréaud 2016

Existant déjà il y a deux siècles, « Le Cygne » a été arrêté dans les années 50, puis relancé par Jean Chanfreau à la fin des années 1980, avec un premier millésime en 1992. « Aujourd’hui, nous avons 3,8 ha (60% sauvignon, 25% sémillon, 15% muscadelle de blanc) sur un terroir de graves et calcaire. On a toujours opté pour un produit de qualité au maximum, en s’inspirant des méthodes du Domaine de Chevalier, avec notamment trois tries dans les vignes. Les vins sont gras, n’accrochent pas, sont très longs et vieillissent très bien. Ils restent fruités pendant aisément cinq à dix ans. 2015 et 2016 sont délicieux maintenant, ils expriment le maximum de leurs saveurs fruitées. » En dégustation ce jeudi soir, « Le Cygne » 2016 (18€), « un vin un peu plus vif que 2015, tout en restant avec des parfums de fleurs blanches, une très grande longueur en bouche, un profil nerveux, qui va sur des fruits de mer, des viandes blanches ou des plats en sauce. »
La Mouette de Château Lestage
« La Mouette existait aussi dans le temps, on a replanté du blanc à Lestage en 2014, sur une seule parcelle calcaire. Ce sera la troisième vendange en 2018. La Mouette a un profil différent du Cygne, plus nerveux, avec un encépagement différent (60% de sauvignon blanc, 10 % de sauvignon gris, 30 % de sémillon).
En dégustation ce jeudi, « La Mouette » 2017 « plus complexe que le millésime 2016, un vin mature, avec une palette aromatique très large. Il est plus typé sauvignon, plus acacia, plus vif, avec une bouche assez tendue, du gras mais moins que dans « Le Cygne », plus sur la fraîcheur » (18€).
En rouge
En dégustation ce jeudi, Château Fonréaud 2015, 2005 et 1995 et Château Lestage 2015, 2000 et 1996.
« 2015 est une année qui se trouve dans les magasins actuellement, un millésime attendu, bien réussi chez nous, sur Fonréaud comme Lestage. »
Avec Fonréaud 2005, dix ans d’écart permettent de voir l’évolution. Il en est de même avec Fonréaud 1995, millésime de la renaissance, où il n’a pas plu pendant les vendanges après trois années un peu compliquées. Tout est bien balancé. »
Le Château Lestage 2000 « offre un bel équilibre. Ca n’est pas un millésime très bodybuildé, il est élégant, équilibré, sans aller dans une puissance trop importante.
Lestage 1996, c’est comme 2005 et 2006. 1995 et 1996 sont très proches en qualité, mais 1995 est un peu plus rond, 1996 un peu plus droit et nerveux. »

Château Saransot-Dupré
Le blanc de Saransot-Dupré 2016

Première propriété de Listrac à remporter la coupe des Crus Bourgeois en 2017 (pour son rouge 2014), le château Saransot-Dupré n’a jamais cessé la production de blanc depuis la fin du XIXe siècle. « Le blanc à Listrac doit un peu son existence au propriétaire du château Clarke à la fin du XIXe siècle, un négociant Hollandais installé à Bordeaux. Il avait une demande pour du blanc, il l’a créé et appelé « Le Merle blanc », expression locale ancienne qui signifiait « une espèce de rareté », raconte le propriétaire du château Saransot-Dupré, Yves Raymond. D’autres l’ont suivi, et à la fin du XIXe siècle, Listrac était au moins aussi réputé pour les blancs que pour les rouges. A Saransot Dupré, on a commencé à en faire à ce moment-là aussi. Aujourd’hui, le blanc occupe 2 ha sur nos 17 ha, pour moitié sémillon, moitié sauvignon et avec un peu de muscadelle. » En dégustation ce jeudi, « Le blanc de Saransot-Dupré » 2016, un vin avec beaucoup de gras, de la douceur, une amplitude en bouche du fait de la quantité importante des sémillons, des notes fleuries. J’emploie très peu de barrique neuves (15%), car ce qui est pour moi plaisant dans le blanc, ce n’est pas le goût de bois neuf mais les arômes du vin lui-même (13 €).
En rouge
En dégustation ce jeudi, Château Saransot-Dupré 2015 (environ 16€) « un millésime qui semble un peu moins puissant que 2014, mais est très fin, élégant, un peu avec le même profil que Château Saransot-Dupré 2005, que je ferai également déguster. Ces deux millésimes ont une bonne concentration en bouche mais sans qu’elle soit exceptionnelle, ils ont tous les deux une très belle maturité de tanins et une force qu’on ne soupçonne pas. Ils me font penser au 1966, un vin très plaisant assez rapidement à tel point qu’on a pensé qu’il allait mûrir trop vite, mais finalement il était superbe, et a été excellent jusqu’en 2000. Ce sont des vins qui tiendront le coup. »