Accueil Le Groupe des Jeunes Vignerons s’interroge sur l’avenir du champagne

Le Groupe des Jeunes Vignerons s’interroge sur l’avenir du champagne

Le Groupe des Jeunes Vignerons aimerait que la grande fête oenotouristique « La champagne fête le champagne » espérée depuis 2015 se concrétise. Ils planchent aussi sur la création d’une boutique de vignerons dans la prestigieuse avenue de Champagne (Epernay).

Auteur

Thierry
Perardelle

Date

09.03.2016

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Le champagne, roi des vins ? Qu’en est-il réellement ? Ces questions posées par le Groupe des Jeunes Vignerons abordent notamment la sensible question des champagnes bradés à moins de 10 euros. Des spécialistes livrent un utile éclairage.

« Il faut mettre fin à des pratiques destructrices de valeurs ». Le président du Groupe des Jeunes Vignerons de la Champagne, Jean-Marc Charpentier, pose encore le doigt sur un sujet épineux à l’impact négatif sur l’image du producteur : la vente discount de champagnes, à moins de 10 euros la bouteille. Les offres fleurissent surtout en décembre pour ces bulles qu’il faut liquider pour diverses raisons (dont la baisse de qualité évidement). Le sujet n’est pas nouveau mais les vignerons se refusent de minimiser une réalité sous prétexte qu’elle existe depuis longtemps et perdurera certainement.

« Prix bas marginaux et ponctuels »

Joëlle Boisson, œnologue et correspondante champagne pour “Terre de Vins”, rappelle que « ces champagnes bradés sont davantage des produits d’offres que de demandes. Ils génèrent en général une défiance du consommateur dans son référentiel valeur. Certains vont tester, d’autres qui achetaient plutôt des crémants vont essayer. Mais ces prix très (trop) bas restent marginaux et ponctuels ». En effet : les derniers chiffres 2015 du Comité Champagne (CIVC) démontrent que le circuit discount (13 % de la grande distribution française, 3, 2 % des ventes de Champagne) poursuit en 2014 son érosion (-2, 2 % en valeur en 2014 vs. 2013).

« Vous êtes condamnés à élever la qualité »

L’image du champagne et l’axe de communication étant intimement liés, l’expert et consultant Claude Mauguit livre des messages clairs. Ainsi : « Il faut inonder les marchés nouveaux et émergents, pas les anciens en baissant les prix et en banalisant le produit ». Ou bien « Vous êtes condamnés à élever la qualité, seule condition pour l’acceptation d’un prix élevé ».
Et comment réagir face à la concurrence des autres vins effervescents (France, Italie, Espagne…) qui gagnent en qualité et durcissent leur cahier des charges ? Pour Claude Mauguit, « il faut rester positionné comme l’effervescent de référence, tirer le produit vers le haut sur le plan de l’image du vignoble et du vigneron ».

Grégoire Van den Ostende, directeur pour le CIVC du Bureau Champagne « Pays-Bas, Belgique, Luxembourg » apporte un éclairage intéressant : « 600 exportateurs champenois sont présents sur le marché du Benelux. Selon un sondage Ipsos de 2015, 93% des consommateurs belges connaissent le champagne et sa provenance ; 71% lui reconnaissent un caractère unique et différent des autres effervescents. En Belgique les champagnes vendus à moins de 10 euros ou moins de 14 euros ont également perdu du volume ».

« Expliquer nos produits et notre travail »

« Fêtes, célébrations, amour, art, cinéma, chansons, littérature, victoires… le champagne est plus qu’un vin ! » rappelle Jean-Marc Charpentier, « mais on doit chercher à davantage valoriser et expliquer nos produits et notre travail ». Avec, ajoute Joëlle Boisson, l’importance « d’expliquer combien le processus d’élaboration du champagne est complexe. Et surtout avoir du soin et de la rigueur dans chaque détail ».

Jean-Marc Charpentier en appelle donc à l’énergie, la volonté et l’enthousiasme : « Notre filière doit se réinventer, prendre des risques et surtout aller plus loin dans la qualité. Nous devons être aussi une force de propositions et poursuivre notre rôle dans l’alerte sur la qualité, les droits de plantations, la valorisation de l’environnement (viticulture durable et raisonnée étant un axe majeur) et l’équilibre interprofessionnel ».

Le champagne démocratique

Devant les jeunes vignerons, l’historienne Claudine Wolikow a réveillé les souvenirs du champagne (tranquille puis à bulles) abreuvant Louis XIV (contemporain de Dom Pérignon), Louis XV, les tsars et Cours d’Europe. L’épopée des bulles depuis longtemps associée à la fête, l’effervescence mais aussi à ce qui est rare et cher. A la fin du XIXe siècle, le champagne devient la boisson des toasts et banquets républicains. Les exportations baissent, l’attention se porte naturellement sur le marché national. Le champagne « démocratique » devient également « familial » et pour tous, avec le précurseur Eugène Mercier. Souvenons-nous de sa devise commerciale : « Grande marque mais juste prix ». Juste prix, jamais bradé…