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Hélène Huttard, figure de proue des jeunes vignerons indépendants d’Alsace

Auteur

Isabelle
Bachelard

Date

08.03.2021

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A l’âge de 24 ans, Hélène Huttard a repris avec son frère la direction du domaine familial Jean Huttard. En 2020 elle a été choisie pour prendre la tête des jeunes vignerons d’Alsace.

La journée internationale des droits des femmes sera-t-elle un jour comme les autres pour Hélène Huttard ? Sans doute, car elle devra comme à son habitude mener de front ses deux activités, la direction du domaine familial de Zellenberg (Haut-Rhin) et celle des jeunes vignerons d’Alsace qui l’ont choisie comme responsable – l’équivalent de présidente. Son domaine, il fête ses 160 ans cette année, avec un nouveau caveau et une bouteille originale. Les jeunes vignerons, c’est le regroupement au sein du Synvira, Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace, des jeunes de moins de 40 ans, indépendants, impliqués dans une démarche durable et dans la mise en avant des vins de lieu, marqués par l’emprise de leur terroir.

Une rénovation totale du domaine

Ils n’avaient pas douze ans que les enfants Huttard avaient fait un pacte : c’est ensemble qu’Hélène et son frère Antoine reprendraient un jour le domaine. Ils ont eu de la chance, leurs parents leur ont laissé les coudées franches. D’abord, en les encourageant à faire un maximum d’études, ensuite en leur confiant les rênes alors qu’ils n’avaient que 24 et 26 ans. Antoine a fait l’école d’œnologie de Changins et Hélène a étudié le marketing et la communication. Lui est terrien, elle aime parler, ils se complètent.
Dès 2018, ils ont lancé la conversion en agriculture biologique, ce qui fait qu’en cette année 2021 ils pourront afficher leur premier millésime certifié, en même temps qu’ils inaugurent le nouvel espace de réception à l’issue de neuf mois de travaux, réalisés avec des entreprises et des matériaux 100% alsaciens.

Nouveauté : le vin à la tireuse

Les Huttard ont une vision environnementale à tout prix. Conscients que 60% de leur bilan carbone et de leurs déchets sont perdus, ils ont réfléchi et se sont souvenu que leurs ainés réutilisaient les bouteilles jusqu’à trois fois. Résultat, un nouveau concept de distribution écologue, durable et favorisant une consommation locale : les vins à la tireuse. Le vin est mis en fût Ecofass de 10, 20 ou 30 litres puis tiré dans une bouteille consignée faite à 80% de verre recyclé, bouché par une capsule mécanique (comme la limonade) produite en Alsace. Deux cuvées à découvrir, # l’effrontée blanc, issu de vieilles vignes de chardonnay en blanc sec, # l’effrontée rouge nature, un pinot noir sans soufre ajouté. Ces cuvées sont des vins faciles à boire, faits pour le partage sans façon. Tous les vendredi soir, une offre à emporter est proposée au domaine en collaboration avec un restaurateur ou un traiteur : un plat et une bouteille, 25 € pour une personne, 40 € pour deux.

Un groupe dirigé par une femme

Les jeunes vignerons indépendants d’Alsace réunissent actuellement une cinquantaine de personnes, dont une quinzaine de femmes. Hélène Huttard explique que son arrivée à la tête « s’est faite naturellement ». Mathieu Deiss et Denis Ebinger avaient lancé le groupe et Hélène avait été le bras droit de ce dernier. Elle poursuit : « On a fait le tour des talents de chacun. Avec mes études en marketing et communication, je pouvais apporter du visuel et aider au commercial. J’avais travaillé à Paris sur une appli vin, chez Twil, c’était une bonne préparation ».

Les femmes et le vin ?

« Le monde du vin est un monde à part, ce sont des familles, des histoires, la complexité de la viticulture, c’est beaucoup plus dur que la communication » reconnait Hélène Huttard. « Il faut accepter un monde patriarcal et cruel et donc avoir des idées fortes en face et les défendre. Au début j’ai eu quelques revers, mais maintenant les gens ont compris, je n’ai plus trop de soucis ». Pour elle tout est accessible en réfléchissant : « Si j’ai un peu moins de force physique, à moi d’être inventive pour contourner le problème ». Elle reconnait qu’hélas les femmes ont encore souvent leurs propres freins, elles ne se sentent pas légitimes « alors qu’il n’y a rien d’extraordinaire à conduire un tracteur ».