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La viticulture régénérative à la Nages

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

27.10.2023

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La famille Gassier, Michel, quatrième génération de vignerons, et sa femme Tina, rejoints par leur benjamine Isabel, s’emploie à mettre en œuvre une agriculture régénérative dans le domaine de 70 hectares au nord des Costières de Nîmes.

Le château de Nages en Costières de Nîmes est désormais conduit en tandem par deux générations de Gassier. La pétillante Isabel, la benjamine de la famille, est revenue il y a deux ans avec dans ses malles des tas d’idées et la volonté sans faille de vouloir mettre en place au domaine une agriculture régénérative. Elle convainc son père, ingénieur agronome qui a lui aussi vécu plusieurs années aux Etats-Unis comme conseiller viticole avant de revenir en terre gardoise. Il s’agit d’adopter un « mélange d’agroécologie, d’agroforesterie et de bio avec une approche globale », comme la définit la jeune femme. Après des études vitiœno à Changins en Suisse, elle était parti travailler pendant cinq ans comme responsable de vignobles bio à Sonoma et Nappa Valley. « Les points clés sont basés sur la conservation des sols par la séquestration du carbone, la préservation de la qualité de l’eau dans les parcelles, la biodiversité végétale et animale, la restauration des écosystèmes, toute une démarche RSE sans oublier le volet social et sociétal »

Isabel a fait ses armes avec le regretté Philippe Cambie, le brillant œnologue de la vallée du Rhône, et Philip Coturri, véritable légende et pionnier de la viticulture bio outre-Atlantique. « J’aime la terre et j’aime  faire pousser des choses. Là-bas, j’ai appris à travailler avec les insectes - l’université des Davis à un pôle R&D à la pointe en la matière. L’idée est de miser sur l’apport de prédateurs qui deviennent des auxiliaires de culture afin de ne pas utiliser d’insecticides : on met des coccinelles pour manger les cochenilles farineuses, des petites guêpes parasitoïdes qui pondent dans les œufs de pyrales, des champignons pour tuer des fourmis... on joue sur la concurrence ».

Du carbone dans les vignes
Isabel est pressée de rentrer au domaine familial, certifié bio depuis déjà une douzaine d’années, et au cœur d’une zone Natura 2000. Elle commence, en collaboration avec son père, par généraliser les couverts végétaux en les plantant des le mois d’août et non en fin de vendanges, pour maximiser la minéralisation des sols après les premières pluies avant de les coucher au printemps. Elle s’attelle à replanter des vignes avec des porte-greffes vigoureux et résistants à la sécheresse même si ils sont à moindre rendements. « Il faut repenser en amont les plantations et ne pas bricoler, insiste Isabel. Augmenter le taux de carbone dans les sols est primordial - on fait depuis cet été notre propre compost à partir de tailles, de fruits broyés, de marc pressé ». La jeune vigneronne veut s’employer à morceler le vignoble en parcelles plus petites et les intercaler avec des bandes boisées ou fleuries, à installer des nichoirs à mésanges et à chauve-souris, planter des haies avec des essences indigènes méditerranéennes, expérimenter des agrumes dans le vignoble... « Nous voulons également combiner le pâturage aux couverts végétaux, semer des engrais verts, crucifères-graminées-légumineuses, plutôt sur galets, qui vont permettre d’accueillir des moutons avec un avancement rapide et à périmètre réduit pour qu’ils ne trient pas et qu’ils tondent tout ». Des prairies leur seront également réservés pour les abriter ainsi que des chevaux.

Vers un « greener world »
Pour certifier cette nouvelle conduite, les Gassier ont opté pour le label Greener World, « parce qu’il aide à suivre les pratiques en vigne et à trouver des leviers d’amélioration avec un audit annuel. Il nous aide aussi à ne pas être que viticulteur mais à rester agriculteur puisque nous avons également une activité d’arboriculteur (abricots, pêchés, poires) » souligne Isabel. « Le champs de cette agriculture régénérative est tellement vaste qu’il est intéressant d’avoir un cadre, précise Michel Gassier qui aime rappeler qu’il est bon de se  poser des questions à l’approche d’un passage de témoin générationnel. Ce sont des engagements concrets qui impliquent des changements de pratiques et une obligation de résultats en restant pragmatique et pas seulement une obligation de moyens avec un système à points. Nous devons aussi expliquer la démarche aux équipes pour qu’ils partagent nos engagements, et même à nos voisins, éleveurs et arboristes, dont nous récupérons les déchets organiques ». Pour partager leur conviction, les Gassier ont créé un sentier éducatif entre vignes, bois et verger et envisagent par ailleurs un conservatoire de cépages locaux avec quelques résistants à étudier. De quoi avoir raisins et projets sur la planche.


Retrouver l'article sur le Château de Nages dans le magazine d'octobre 2023, à consulter sur le kiosque.