Connaissez-vous le grapy, cépage inconnu du Minervois ?

Depuis 2004, en association avec l’appellation Minervois, le Syndicat du Cru La Livinière veille sur le Conservatoire des cépages en Minervois : un précieux réservoir de cépages qui peuvent se révéler pleins d’atouts pour s’adapter aux changements climatiques, avec notamment un cépage inconnu : le grapy.

Dans le grand vignoble du Minervois, La Livinière a été le premier cru reconnu en Languedoc, en 1999, puis, en AOP La Livinière en 2024. En Minervois, 21 cépages sont autorisés, pour les vins blancs et rouges. En Livinière, exclusivement rouge, la syrah et le mourvèdre forment la base, avec les autres cépages principaux (grenache et lledoner pelut), et sont complétés par les cépages languedociens : carignan, cinsault, terret, piquepoul et rivairenc. Tous sont plantés au Conservatoire des cépages en Minervois.

Un conservatoire né des vignerons et développé sur le temps long

Ce conservatoire est né d’une initiative vigneronne, dans les années 1990, pour faire l’inventaire des cépages dans les vignes « réputées centenaires », explique Guy Sabarthès, président de l’AOP La Livinière. « C’est à la fois une réserve de matériel génétique, une observation pour la prospective, en repérant des cépages anciens », qui peuvent présenter des qualités d’adaptation à la situation climatique comme aux attentes des consommateurs, en recherche notamment de vin plus « faciles » à boire, avec un plus faible degré d’alcool et une plus grande accessibilité. 

La démarche a été conduite dans une collaboration entre les vignerons et les services de la Chambre d’agriculture de l’Aude, avec une première prospection en juillet 2000, qui avait alors repéré 35 variétés différentes identifiées et 7 indéterminées à identifier. Pour créer ce conservatoire, la commune de Félines-Minervois a proposé deux parcelles : une « vitrine » au pied du moulin de Félines–Minervois, une autre à vocation de « conservatoire génétique » dans une zone isolée et jamais plantée auparavant. La deuxième étape, menée avec des partenaires techniques supplémentaires (l’ex-ENTAV aujourd’hui IFV, l’INRAE et l’ex-ONIVINS aujourd’hui FranceAgriMer), a permis de réaliser les tests, les greffages ainsi que la préparation des sols. La plantation a lieu le 21 mai 2004, soit 5 ans après les premières réflexions. 

Ce conservatoire planté sur une parcelle communale, accompagnée par deux ODG et entretenu par les vignerons de la cave coopérative Alliance, est un partenariat dans la durée. Car le temps se compte en années pour expérimenter et évaluer le potentiel en vinification. C’est actuellement le cas pour le rivairenc, le piquepoul noir et le bobal, qui présentent une bonne résistance à la sécheresse. L’objectif est de les intégrer dans le cahier des charges de l’appellation. Dans le même esprit, le viognier et le grenache gris ont rejoint les cépages blancs de l’AOP Minervois en 2020.

Grapy, le cépage inconnu

Parmi les 42 cépages du conservatoire, il reste un inconnu. Sauvé in extremis – il n’en existait qu’une seule souche, dans une vigne promise à l’arrachage, cette variété non décrite jusqu’à ce jour est baptisée Grapy : elle avait été trouvée sur la parcelle d’un certain M. Granel, située non loin d’un pylône. Il possède un feuillage particulièrement caractéristique : vert brillant, aux feuilles glabres à 5 lobes très dentelées et des grappes assez denses. Les vignerons ont suivi et étudié ce cépage inconnu, en plantant des parcelles d’essais de 100 souches dès 2014 et en réalisant, dès 2018, des micro-vinifications pour découvrir son profil gustatif, qui s’avère intéressant pour être utilisé dans des assemblages.

Ces qualités pour la culture comme pour la vinification, conduisent, en 2021, à un protocole pour autoriser sa multiplication et sa plantation, hors du seul cadre expérimental. Aujourd’hui, Grapy l’inconnu du Minervois, est dans sa phase d’inscription officielle comme variété autorisée à la plantation, qui devrait aboutir en fin d’année ou début d’année prochaine, indique le président de l’AOP La Livinière. Viendra ensuite une multiplication des greffons, pour envisager une plantation d’ici 7 ans. « C’est un travail de presque trente ans, à long terme, à contre-courant de l’urgence du court terme actuel. Cela nécessite une volonté politique et une volonté de pérennité » souligne Guy Sabarthès.

Pour les curieux amateurs, l’« Œnorando » du Cru La Livinière passe par le Conservatoire de cépage en Minervois, offrant un beau point de vue sur le village et la diversité des sols de l’appellation.