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Le Caravage, de la Vendée à Paris

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

27.06.2019

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A l’heure du départ pour ‘on ne sait trop où’ du tableau retrouvé du Caravage, consolons-nous de la fuite de ce trésor avec quelques verres de rosé de la cuvée Caravage et régalons-nous de sa jolie histoire vigneronne.

Du rouge sang de la Judith décapitant Holopherne du peintre Le Caravage au rosé écarlate du vigneron vendéen Christian Chabirand, il n’y a qu’un claquement de langue. Le tableau oublié sous la poussière, dans un grenier toulousain, réapparait en juin 2014. Il entame alors une tournée d’expertises et de présentations, le cabinet chargé de l’authentification ne ménageant pas sa peine pour communiquer sur ce chef d’œuvre. On espère alors pouvoir bientôt l’admirer dans un grand musée à l’issue de la vente aux enchères pour laquelle il est estimé à 100-150 millions d’euros.

Un jour d’avril 2016, un coup de téléphone de Paris s’enquiert auprès du domaine Prieuré La Chaume, au sud de la Vendée, de sa cuvée de rosé Le Caravage et commande derechef 48 bouteilles, à livrer sous 48 h. Le vigneron, Christian Chabirand, quelque peu surpris par ce soudain intérêt pour son rosé en IGP Val de Loire-Vendée (10,50€) expédie toutefois la marchandise dans les temps et n’entend plus parler de ses bouteilles lorsqu’un mois plus tard, en écoutant la matinale d’Europe 1, il tombe sur l’interview d’Eric Turquin, un expert en tableaux commentant à l’antenne l’histoire du tableau retrouvé de Caravage. Le nom lui dit quelque chose et après vérification immédiate dans son carnet de commandes, il en a la confirmation : c’est bien ce monsieur qui lui a commandé les bouteilles de rosé. Pour en avoir le cœur net, le vigneron rappelle le numéro associé à la commande et tombe en effet au cabinet d’expertise parisien. Son coup de fil tombe à pic, il n’y a plus de « ce fameux Caravage qui a été si apprécié » (le vin bien sûr, pas le tableau) car les bouteilles ont accompagnées chaque présentation du chef d’œuvre aux media et aux personnalités. Une nouvelle commande est donc passée sur le champ. Peut-être qu’un de ces flacons accompagnera le tableau pour traverser les frontières puisqu’il vient d’être cédé de gré à gré à un acheteur étranger avant la vente qui devait avoir lieu à Toulouse vendredi prochain.

Rosé comme le manteau du Christ

Mais d’où vient ce nom de cuvée insolite ? Christian Chabirand, installé en Vendée depuis une vingtaine d’années, a créé son vignoble ex-nihilo au cœur du marais poitevin. Il y produit avec Estelle des vins bios (certifiés depuis 2009), principalement en rouge, à base de merlot et négrette, en blanc, à partir de chenin, chardonnay, pinot noir. Environ 50 000 bouteilles par an sont élaborées en moyenne sur 14 ha de vignoble à tout petits rendements (30 hl/ha) dont une cuvée de rosé de 3-4000 bouteilles depuis le millésime 2012, un assemblage de deux-tiers merlot, un tiers pinot noir. « Je venais d’assembler le premier millésime de ce rosé lorsqu’à l’occasion d’une visite au musée des Beaux-Arts de Rouen, je suis tombé littéralement en pâmoison devant une toile du Caravage, Le Christ à la colonne (voir ci-dessous, NDLR), et du rouge si intense du manteau jeté sur le sol. Le lien m’a semblé évident avec le rosé de saignée que je venais d’élaborer à la couleur profonde écarlate aux reflets cuivrés et j’ai tout naturellement baptisée la cuvée du nom du peintre ». Le vigneron était alors loin d’imaginer que sa cuvée tutoierait un tableau du maître italien quelque temps plus tard.