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Le safran au cœur des vignes du Château Couhins

safran-Couhins

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

21.12.2022

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Le château Couhins, propriété de l’INRAE (Institut national de la recherche agronomique), expérimente avec succès la culture du crocus, destinée à produire du safran. 10 000 bulbes ont été plantés depuis août 2021, pour une première récolte en octobre 2022. Quels sont les objectifs de cet investissement ?

C’est Jérôme Miramon, le chef de culture du château, qui a eu l’idée de planter des crocus, une plante vivace. « J’en produis chez moi à titre personnel ». Mais quel intérêt d’en mettre entre les pieds de vignes ?  « Le crocus fleurit en automne, fin octobre. Après la récolte des fleurs, il sort ses feuilles qui vont retomber et couvrir le sol pendant tout l’hiver. Le crocus va concurrencer les mauvaises herbes à la bonne période ». Il va occuper utilement le terrain et éviter ainsi d'avoir à décavaillonner (enlever les mauvaises herbes).

« Cela nous économise deux passages de tracteur par an sur les surfaces plantées de crocus » précise Jérôme Miramon. Quand on sait que « le coût de l’heure d’un tracteur est estimé à 60 € » et que 10 hectares demandent une semaine pour décavaillonner, on fait vite le calcul. Cette couverture végétale bienvenue génère un gain de temps et évite des dépenses : mais ce n’est pas le seul avantage.

Un revenu complémentaire

Concernant les charges, il faut bien entendu acheter les bulbes. « Le prix d’un bulbe est de 16 centimes ». Couhins en a planté 10 000 sur 500 m2, pour lancer son expérimentation. Coût de l’achat : 1 600 €. À cela s’ajoutent les frais liés à la récolte. Le crocus, malgré sa petite taille (5 cm), possède de grandes fleurs aux pétales mauves ainsi que trois étamines jaunes et un pistil rouge qui se divise en trois stigmates. Le safran provient de ces stigmates rouges qu’il faut récolter. Pour ces 10 000 bulbes, « cela demande 15 heures de travail comprenant la récolte de la fleur et l’émondage (enlèvement du stigmate). Pour 1 hectare il faut donc compter 300 heures » calcule Jérôme.

Couhins souhaitant développer cette production, « nous allons vite basculer sur des emplois de saisonniers locaux » précise Jérôme Miramon. Le prix du safran français varie de 30 € à 45 € le gramme soit entre 30 000 € et 45 000 € le kilo. 45 grammes ont été récoltés sur les 500 m2 : le revenu est de 1350 € pour cette année. C’est peu ? Mais comme le précise Jérôme, « il s’agit de la première floraison. Or, les bulbes grossissent, se développent et produisent jusqu’à 12 ou 13 fleurs au bout de 4 années ». Le safran bio a tendance à être un petit peu plus cher : ça tombe bien, le château Couhins sera certifié en bio pour son millésime 2022. 

En outre, s’il faut acheter des bulbes pour lancer la production, le stock initial de bulbes se multiplie. « Il faut les déterrer tous les 4 ans pour trier l’agrégat de bulbes, les diviser, les calibrer et les replanter ». Plus besoin d’acheter.

Des débouchés assurés

Les débouchés du safran se font pour l’essentiel vers la cuisine. La médecine s’intéresse aussi à lui car ses propriétés sont reconnues : c’est un calmant et un antidouleur. Sa puissance de coloration est également intéressante : comme il colore 10 000 fois son volume en eau, il est utilisé pour colorer en laboratoire les cellules cancéreuses. Les fleurs mauves, qui étaient jetées jusqu’à présent, sont utilisées désormais pour entrer dans la composition de crèmes anti-âge. Couhins a le projet de développer, pour le moment, une vente essentiellement tournée vers la cuisine.

La recherche de diversification est une donnée montante dans les châteaux. Le safran représente une voie possible pour le château Couhins, mais ce ne sera pas la seule puisque 150 oliviers seront plantés, en avril 2023, dans les vignes ou en bordure. Une jolie dynamique.