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Vanessa Massé, pionnière des vins naturels

Auteur

Julia
Bouchet

Date

22.07.2025

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A 34 ans, Vanessa Massé affiche déjà près de deux décennies dans la gastronomie. Forte de cette expérience, elle partage avec nous ses connaissances épicuriennes sur les vins naturels.

Sommelière dès 17 ans, et animée par sa passion, elle a parcouru le monde, travaillant en Belgique, à Dubaï, à Copenhague, à Singapour, en Australie et à Monaco. En 2018, elle ouvre son restaurant Pur & V à Nice, avec une vision : sublimer la cuisine nordique et les vins naturels. « La carte est techniquement élaborée avec des vins naturels, des producteurs majoritairement français à 80 %, des vignerons que je suis depuis leurs débuts ou mes débuts. » Un an et demi plus tard, Vanessa décroche une étoile Michelin. Après des débuts salués notamment par le prix de la meilleure ouverture de l’année, la pandémie de 2020 force Pur & V à fermer temporairement.

En 2021, elle fait un retour triomphal et devient la première femme consacrée Meilleur Sommelier du Guide Michelin. En mars de la même année, elle agrandit Pur & V avec une équipe complète et ouvre un bistrot annexe pour une gastronomie accessible. Après des années marquées par des réussites et des défis relevés, Vanessa Massé s’apprête à écrire une nouvelle page de sa vie avec la fermeture de Pur & V. Elle souhaite désormais se consacrer pleinement à ses enfants et retourner vivre au Portugal, son pays d’origine. En attendant, nous lui avons posé les questions que tout le monde se pose sur les vins naturels, sujet qui lui tient particulièrement à cœur.

©Clotilde DERYCKE

Est-ce que les vins naturels sont des vins de garde ?

Oui, les vins naturels peuvent être des vins de garde, mais leur potentiel dépend de plusieurs facteurs. Le profil du vin est essentiel : l’acidité, le taux d’alcool et les tanins influencent sa capacité à vieillir. Le sol joue un rôle clé. Certains types de sols, comme les sols volcaniques, apportent une minéralité qui entretient les vins et leur donne de la tension. L’année, chaude ou froide, affecte aussi la structure du vin et son potentiel de conservation, tout comme le type de vinification : une macération courte produit des vins frais à consommer rapidement, tandis qu’une macération longue, avec des tanins plus présents, nécessite un temps d’affinage en bouteille pour s’épanouir. Cependant, les vins naturels, dépourvus de conservateurs, exigent des conditions de conservation stables, sans variations brutales de température. La réflexion sur la garde est similaire à celle des vins classiques mais avec une  vigilance accrue.

Est-ce qu'on peut boire un vin naturel avec toutes les cuisines ?

Bien sûr car il est assez polyvalent. Sa façon de se révéler dépend de son origine, de son type. Les vins oranges, par exemple, s’accordent à merveille avec des plats épicés, ce qui en fait un excellent choix pour des cuisines comme celles de l’Inde ou du Mexique. Personnellement, je trouve qu'ils s'harmonisent particulièrement bien avec la cuisine nordique souvent plus acide et fraîche, une qualité qui se retrouve dans les vins eux-mêmes, créant ainsi une belle cohérence. Le vrai défi avec les vins naturels, c’est de les associer à des plats un peu gras, comme ceux qui sont frits. Même un vin classique aura du mal à s’imposer face à la friture. En effet, le vin est censé apporter de la fraîcheur et de l’équilibre, mais avec des plats trop gras, il perd souvent de son éclat. Dans mon restaurant, la chef conçoit les plats pour que le vin soit mis en avant, en veillant à ce qu'il complète vraiment les saveurs.

Trois cuvées indispensables à avoir dans sa cave ? 

Je pense qu'il est toujours bon d'avoir dans sa cave quelque chose de chez Patrick Bouju. La cuvée Mol présente un profil simple, mais avec un excellent rapport qualité-prix autour de 18 €. On est sur un grand vin d'Auvergne. Les jus sont bons, précis et accessibles, très agréables pour ceux qui cherchent à s'amuser. Un champagne que j'adore est celui de la maison Vouette & Sorbée, au sud de la Champagne : Fidèle (60 €), composé à partir de pinots noirs de la Côte des Bar. Tout est fait en manuel, sans aucun moyen mécanique, et travaillé avec soin. Les sols sont propres, les terroirs magnifiques, et les jus sont frais. Il a cette particularité d’avoir une touche légèrement oxydative qui lui donne du relief et de la précision. Et puis, je pense qu'il est sympa d'avoir aussi un vin orange, de chez Jean-Marc Dreyer. Sa cuvée Origin gewurztraminer est intéressante, particulièrement si l'on veut éviter le sucre sur les desserts. Il est installé près de Strasbourg et produit des vins naturels, avec des macérations exceptionnelles, et propose un excellent rapport qualité-prix.