Jeudi 3 Octobre 2024
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01.10.2022
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En cette rentrée littéraire, voilà un livre qui ne passe pas inaperçu. Un livre qui dénonce avec intelligence les difficultés encore subies par la gent féminine dans les différents métiers viticoles et œnologiques. Rencontre avec son auteure, Alessandra Fottorino (sommelière, caviste, formatrice, fondatrice de bars à vins) et sa dessinatrice Céline Pernot-Burlet.
Autant couper court immédiatement à tout préjugé : In Vino Femina (Ed. Hachette) n’est pas un livre clivant, bien au contraire. Féministe, il l’est, en ce sens qu’il dénonce des situations totalement inacceptables dans le monde du vin à l’encontre des femmes avec pour objectif de parvenir simplement à ce que femmes et hommes puissent évoluer de la même manière dans ce milieu professionnel. Avec beaucoup d’humour dans les textes et des dessins percutants, ce livre parvient à sensibiliser sans stigmatisation, une vraie réussite et un ouvrage très utile. Et une mine d’informations aussi avec des portraits de femmes du vin, célèbres ou non, et une très jolie sélection de cuvées coups de cœur.
Comment est né ce projet « In Vino Femina » ?
AF : « depuis longtemps, des choses bouillaient en moi quant à des expériences personnelles et professionnelles négatives autour du vin mais j’étais dans l’incapacité de l’exprimer, avec l’idée que je n’avais pas le droit de le faire. Plusieurs affaires m’ont particulièrement heurtées, comme celle de Marc Sibard ou de la caricature dans un grand magazine. Ce livre est donc arrivé comme un exutoire à un moment où j’ai eu quelques problèmes de santé. Et dès le départ, je l’ai imaginé en dessins, notamment pour les saynètes au ton sarcastique (les « lampées sexistes » dans le livre) qui reviennent comme un leitmotiv et présentent des situations que j’ai vécues. Le trait de Céline a été comme une évidence, notamment pour ces dernières en les rendant vivantes. Elle a immédiatement accepté une collaboration et nous nous sommes lancées dans l’aventure ».
CPB : « dès le départ, notre idée commune a été de réaliser un ouvrage qui soit accueilli comme un livre sans excès. Nous aspirons à ce qu’il contribue à libérer la parole mais sans aucune radicalité. Et puis le propos m’a touché car, tout en n’étant pas du tout du monde du vin, on vit les situations décrites dans les « lampées sexistes » dans d’autres milieux professionnels ».
Comment abordez-vous donc le féminisme ?
AF : « si notre binôme a bien fonctionné, c’est parce que Céline et moi avons la même vision du féminisme. Pour nous, il s’agit d’un combat où se retrouvent des hommes et des femmes pour une égalité. Point ! Et je pense que l’humour est d’ailleurs la meilleure manière de permettre aux lecteurs d’accéder au message que l’on souhaite faire passer. Je travaille depuis 13 ans dans le monde du vin où il y a une vraie féminisation. Les choses se sont améliorées sur cette période même s’il reste un long chemin. Je souhaitais passer des messages à mes pairs, aux apprentis garçons qui arrivent dans ce milieu pour faire évoluer les choses. Même si fort heureusement, n’oublions pas que de nombreux hommes sont à nos côtés. Nombre d’entre eux sont tout autant choqués aujourd’hui par des étiquettes extrêmement violentes, sexualisant à outrance le corps de la femme et usant de jeux de mots plus que douteux ».
CPB : « Nous voulions également que notre livre soit lu par des hommes, c’était fondamental. Il ne s’agit pas d’un livre écrit par des femmes uniquement pour des femmes ».
Pour accompagner vos messages, les dessins et leurs couleurs ont une grande force symbolique dans l’ouvrage.
CPB : « en découvrant les « lampées sexistes » d’Alessandra, je les ai trouvées écrites avec beaucoup de finesse, super vivantes, je pouvais l’imaginer parler dans ces situations. Je voulais donc quelque chose de très fin qui lui ressemble. Je voulais avoir un style de dessin très simple et graphique, avec du noir et du rouge, pour mettre les personnes au centre du propos. Au fil des pages, la symbolique du rouge apparaît, accompagnant des sentiments d’amour mais aussi de violence. Le vert s’inscrit alors comme une respiration nécessaire ».
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