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Cheval des Andes, laboratoire à ciel ouvert

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

12.11.2025

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Projet né il y a plus de vingt-cinq ans au pied de la cordillère, Cheval des Andes arrive à l’âge de la maturité. Bien plus qu’un « petit frère » argentin de Château Cheval Blanc, ce domaine s’invente comme un laboratoire à ciel ouvert pour tracer la voie d’une viticulture plus innovante et vertueuse dans la région de Mendoza. Vous le retrouverez les 13 et 14 décembre prochains à l'occasion de Bordeaux Tasting.

Lever les yeux, balayer l’horizon, et la contempler, à perte de vue : la cordillère des Andes, chaîne montagneuse qui fend l’Amérique du Sud sur 9 000 kilomètres le long de sa côte occidentale. Discerner par temps clair le volcan du Tupungato et laisser son imaginaire s’envoler vers les sommets de l’Aconcagua. C’est ce paysage spectaculaire, inspirant, que contemplent chaque jour les femmes et les hommes qui écrivent l’histoire de Cheval des Andes.

Nous sommes à Mendoza, à un millier de kilomètres de Buenos Aires, dans le cœur historique de la viticulture argentine. C’est ici que, dès le milieu du XIXe siècle, s’est installée la première faculté d’agronomie du pays et que le Français Michel-Aimé Pouget a importé des cépages européens – notamment le malbec qui va y trouver une terre d’accueil proverbiale. Rien n’est dû au hasard : dans cette région aride (250 millimètres de précipitations annuelles en moyenne, pour 320 jours d’ensoleillement), l’agriculture est une pratique ancestrale, rendue possible par la force de l’ingénierie humaine – en l’occurrence un système d’irrigation mis en place par le peuple indigène des Huarpes et dont le système de répartition de l’eau descendue des Andes par mini-écluses, ou « compuertas », a rendu possible l’émergence de cette vaste oasis fertile.

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Près de 150 000 hectares de vignes s’étendent aujourd’hui à Mendoza, concentrant les deux tiers de la production du pays. Et logiquement, on y trouve de tout : des vins produits à gros volumes, des vins techniques, des vins d’auteurs, des vins confidentiels… Et un projet ambitieux de grand cru des Andes, mené par une équipe franco-argentine pleine de ressources et de talent. 

Une lignée de talents

En 1998, Bernard Arnault et Albert Frère, nouvellement copropriétaires du château Cheval Blanc, maintiennent leur confiance en Pierre Lurton, qui tient les rênes du pur-sang saint-émilionnais depuis huit ans. À cette époque, l’Argentine a le vent en poupe : des Français ont déjà exporté leur savoir-faire avec succès sur cette nouvelle terre promise. Pierre Lurton est donc « missionné » pour échafauder un projet à Mendoza, susceptible de bénéficier du rayonnement de Cheval Blanc. Pour mener à bien ce dessein, il s’appuie sur l’expertise de l’œnologue argentin Roberto de la Mota, qui s’est illustré au sein de la marque Chandon (implantée en argentine depuis les années 1950) et a créé deux ans plus tôt la bodega Terrazas de Los Andes pour Moët-Hennessy. De fait, Cheval des Andes est d’abord conçu comme un projet collaboratif entre les équipes de Cheval Blanc et celles de Terrazas. 

Pierre Lurton et Roberto de la Mota identifient assez vite les deux sites qui vont servir de fondation au vignoble de Cheval des Andes : Las Compuertas, terroir historique situé à 1 070 mètres d’altitude, riche de vieux malbecs de 1929 sur sols de calcaire, de sable et d’argile ; et Altamira, terroir plus frais situé à 1 150 mètres, aux sols alluviaux plus riches en sable. Le premier millésime produit est 1999, mais le premier commercialisé est 2001. C’est le début d’un long chemin qui va voir le parcellaire se structurer au fil du temps, pour se stabiliser autour de 46 hectares (32 à Las Compuertas, 14 à Altamira).

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Roberto de la Mota et Pierre Lurton. ©DR
Pierre Polbos, Pierre-Olivier Clouet et Gérald Gabillet. ©DR

À la suite de Roberto de la Mota, d’autres talents vont apporter leur pierre à l’édifice de Cheval des Andes : Nicolas Audebert de 2006 à 2014 (il dirige aujourd’hui les châteaux Canon et Rauzan-Ségla), Lorenzo Pasquini de 2015 à 2018 (il est actuellement à la direction du château d’Yquem), Gérald Gabillet de 2018 à 2025 (après s’être notamment illustré au château Angelus) et enfin, depuis cet été, Pierre Polbos, formé à Cheval Blanc et à Quinault l’Enclos, qui reprend les rênes à 29 ans seulement. 

Un nouveau chai pour les vendanges 2026

En vingt-cinq ans, la définition de Cheval des Andes a considérablement évolué. D’une marque mutualisée – y compris sur le plan commercial et technique –, avec Terrazas de Los Andes, il a évolué vers un authentique « vin de cru » en concordance avec la philosophie de son illustre grand frère bordelais : d’abord dès 2011 grâce à une plus grande implication de Pierre-Olivier Clouet (alors directeur technique et désormais directeur général de Cheval Blanc), puis à partir de 2015 lorsque Lorenzo Pasquini a commencé à étoffer l’équipe intégrée à Cheval des Andes, et enfin depuis 2018 avec l’accélération de la transition viticole pilotée par Gérald Gabillet.

Réflexion accrue sur l’irrigation pour instituer un apport en eau millimétré ; gestion scrupuleuse des réserves en eau face aux incertitudes du changement climatique ; restructuration, réflexion sur le matériel végétal et augmentation de la part de cabernet sauvignon, à parité avec le malbec ; travail de fond sur la taille de la vigne ; développement de l’agroécologie, plantation d’arbres autour de la vigne et dans les rangs, arrêt des labours au profit des couverts végétaux et de la vie organique des sols ; développement de la polyculture avec introduction de l’élevage de moutons, d’un potager, d’une oliveraie ; protection de la biodiversité avec des nichoirs à oiseaux et à chauve-souris…

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Inventer une viticulture vertueuse pour les décennies à venir

Les premiers à en bénéficier sont les vins, qui ne cessent de gagner au fil des ans en définition, en élégance, en personnalité, en conformité avec la notion de « grand cru des Andes » qui guide les choix de l’équipe. Plus largement, c’est toute la viticulture de ce coin de la planète qui a à y gagner : comme à Cheval Blanc, on assiste à l’émergence d’une ferme globale dont l’ambition est d’inventer une viticulture vertueuse pour les décennies à venir.

C’est le défi de Pierre Polbos que de poursuivre le cap en s’appuyant sur tout ce qui a été bâti avant lui, sur une équipe jeune et talentueuse (dont la cheffe de culture Rosario Toso et le maître de chai Rodrigo de la Mota, fils de Roberto) et enfin – ce qui n’est pas le moindre des détails –, sur un chai flambant neuf qui sera inauguré pour les vendanges 2026. Un double bâtiment conçu par l’architecte Daniel Roméo au profil inédit pour la région, répondant aux critères techniques des plus prestigieux domaines européens, aux exigences de précision qui accompagnent l’essor d’un grand vin international, et enfin aux impératifs environnementaux de demain. Avec ce nouveau chai, Cheval des Andes entend plus que jamais montrer la voie. Le galop est lancé.

TERRE DE VINS AIME

Cheval des Andes 2022
La montée en précision de Cheval des Andes depuis quelques millésimes franchit un nouveau palier. 65 % cabernet sauvignon, 30 % malbec, 5 % petit verdot. Nez concentré et ajusté, légèrement graphite, cendré, cèdre, résine et bâton de réglisse, algue marine. Une bouche construite, finement brossée : la matière précise et séveuse se pare de tanins sculptés, l’ensemble est tenu par une belle arête acide qui étire le vin, lui confère de l’allonge, de la persistance. Finale sur le menthol et une ponctuation délicieusement sanguine.
96/100 – Environ 100 €

Cet article est issu du magazine « Terre de Vins » n°111, « Le vin sans frontières », paru en septembre 2025.


bordeaux tasting 2025




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