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[Lyon Tasting] Master Class Hermitage : « une légende en quatre millésimes »

Auteur

Pauline
Gonnet

Date

11.11.2018

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Présentée et animée par Sylvie Tonnaire, rédactrice en chef de Terre de Vins, la Master Class consacrée à la prestigieuse appellation de l’Hermitage a été non seulement l’occasion de déguster trois rouges et trois blancs issus des différents terroirs, mais aussi de bénéficier des explications des producteurs parmi les plus réputés (Jean-Louis Chave, Maxime Chapoutier et David Quillin de la Cave de Tain), ainsi que de l’expertise de Paolo Basso, meilleur sommelier du monde en 2013.

Quelques rappels liminaires sur cette appellation un peu particulière, tant du fait de son histoire que de sa géologie : appellation uniquement située sur le département de la Drôme et sur trois communes (Tournon, Tain l’Hermitage et Crozes-Hermitage), elle a pour particularité d’être essentiellement constituée de terrasses surplombant le Rhône, à un endroit où ce dernier change le cours de son flux : coulant partout du nord au sud, il se faufile ici d’est en ouest. La colline de l’Hermitage (ou de l’Ermitage, les deux orthographes étant admises), est en fait un bloc issu du massif central, détaché de l’actuelle Ardèche, et venu s’arrimer aux récifs drômois quelques milliers d’années en arrière.

Au-delà de cette curiosité géologique, la particularité de l’Hermitage réside dans sa grande diversité de sols et de terroirs, concentrée sur une petite appellation de 137 hectares. La colline au sommet de laquelle la chapelle veille sur le Rhône est un bloc granitique, complété de moraines glaciaires, de loess et de sable sur certaines parties.

La dégustation confirme le caractère exceptionnel des vins produits.

Un blanc et un rouge de la maison Chapoutier, de la Cave de Tain et du domaine Jean-Louis Chave, représentant la 16è génération de vigneron de sa famille, et faisant pour autant toujours preuve d’une grande humilité face à son terroir. Et de nous expliquer l’approche toute particulière qui préside à la confection des vins de l’Hermitage : ici, on ne raisonne pas avec son cépage, mais avec cette mosaïque géologique. « On fait du vin en Hermitage en fonction des terroirs et des usages loyaux et constants : il est d’usage de composer son Hermitage en assemblant certains terroirs, pour viser un bel équilibre ».
En témoignent non seulement ses propres vins, avec notamment le sublime rouge 2006 (millésime heureux, avec de belles conditions météo tout au long de l’année), mais aussi la cuvée « Gambert de Loche » en 2006 de la Cave de Tain, composée de raisins issus de la partie granitique de l’Hermitage , exposée au levant, et de raisins issus du Méal, situé plus à l’ouest sur des colluvions calcaires.

« L’Ermite » de Chapoutier en 2007 permet de prendre la mesure de l’importance d’un millésime (comme à l’accoutumée pour les appellations en mono-cépage, en l’occurrence la syrah), où la fraîcheur et la tension dominent, résultats d’une année où la floraison fut en avance mais où la pluie et des températures moins élevées prirent le relais pendant l’été, et qui se révèlent davantage à attendre que les deux 2006.

Les trois rouges reflètent tous magnifiquement la grandeur des terroirs, s’exprimant à travers la syrah : notes épicées, poivrées, balsamiques, cuirées, puis fruitées, reposant sur des structures superbes d’équilibre : concentration mais fraîcheur, minéralité et tension, donnent une élégance certaine aux vins.

Quant aux blancs, issus majoritairement de marsanne et un peu de roussanne, ce sont définitivement des vins de gastronomie, et de garde, et certainement pas des « vins d’apéritifs, ni des vins d’été. Ce sont des vins qui ont besoin de crème, de gras, de beurre, mais surtout, de temps », comme le résume Jean-Louis Chave. Les blancs de l’Hermitage sont riches d’une histoire faste et aristocratique : ils étaient déjà grandement appréciés par les tsars de Russie, avant d’être encensés par les Anglais.

La cuvée « Au cœur des siècles » de la Cave de Tain, ne trahit pas leur réputation, rappelant aussi avec son nom l’histoire des vignes dont la marsanne est issue : plantée juste après le phylloxéra, elles sont donc plus que centenaires… Dégustée en 2015, elle ne démentit pas les caractéristiques des hermitages blancs : puissance, fraîcheur, gras, beaux amers, arômes beurrés autant que floraux, et légèrement épicés.

Retour en arrière en 2006, avec Jean-Louis Chave puis avec « Le Méal » de Chapoutier en 2010. Le premier raconte son histoire aristocratique au fil de ses arômes floraux, biscuités, vanillés, de truffe blanche et de fruits secs, sur une structure riche mais d’une finesse et d’un équilibre superbes, quand le deuxième s’exprime avec plus d’opulence tant au nez qu’en bouche (s’expliquant entre autres par la particularité du terroir du Méal, terroir le plus méridional de l’appellation composé d’alluvions hérités de l’ère glaciaire et de galets et orienté sud) autour des fruits tropicaux (ananas rôti), des fruits secs (noisettes et amandes) et des épices douces.

Les blancs et les rouges sont donc toujours aussi exceptionnels les uns que les autres, constituant pour Jean-Louis Chave et les autres producteurs de l’appellation « une chance merveilleuse lorsque l’on est vigneron, de pouvoir vinifier aussi bien des blancs que des rouges issus de terroirs magnifiques, pour lesquels le travail sera très différent mais le plaisir de les déguster toujours aussi grand », ce que l’on confirme sans hésitation.