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[Millésime Bio] Bouissel, l’écrin naturel de Fronton

Auteur

Laure
Goy

Date

29.01.2018

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Pour Nicolas et Isabelle Selle, vignerons à Fronton, un seul mot d’ordre : l’équilibre. Entre l’environnement naturel et l’intervention humaine, un accompagnement au plus près de la plante, la réintroduction de présence animale, mais aussi dans les projets d’aménagement d’un nouveau chai, tout leur travail va dans ce sens.

On profite de Millésime Bio, pour partir sur le terroir du château de Bouissel : 45 hectares de nature situés à l’ouest de l’appellation Fronton, entre Toulouse et Montauban, une résistance assumée à la pression urbaine, un peu comme les irréductibles gaulois. Entretenir une bulle où les vins se révèlent avec classe, tout en réfléchissant global, voici le vaste projet de ce couple vigneron.

Un terroir préhistorique, pour un travail contemporain

A l’occasion de leur venue annuelle à Millésime Bio, Isabelle et Nicolas Selle ont amené un morceau de leur terroir avec eux. Une façon de faire sentir à leurs visiteurs l’histoire de leur sol, en quelques secondes. Sur la nappe blanche du stand, quelques gros galets roulés, bien lisses sont posés devant les bouteilles : leurs « graves » dans lesquelles creusent les pieds de négrette en rouge (Fronton oblige !), ceux de colombard, viognier, petit manseng, riesling et gewurztraminer en blancs. « On aime montrer ces cailloux parmi lesquels, certains vieux outils datant de 400 000 ans ont été façonnés par nos ancêtres, on en a retrouvé beaucoup chez nous », explique Isabelle. Pierres de taille pour la chasse, la découpe ou la hache, certains spécimens dénichés à Bouissel sont aujourd’hui exposés au musée d’histoire naturelle de Montauban. Plus jeune est la vigne. Mais à cette échelle de temps, tout est relatif. « On sait que la vigne était déjà plantée au 12ème siècle à Bouissel, ce sont les premières traces écrites retrouvées. Mais on peut imaginer que cela est bien plus vieux », explique Isabelle.

Au château de Bouissel, à Campsas dans le Tarn-et-Garonne, les autres cépages rouges (malbecs, syrahs, cabernet sauvignon, jeunes gamay et autres négrette) sont plantés plus près de la cave. Une vraie mosaïque, restituée dans la gamme de leurs vins, les assemblages variant selon les millésimes. Avec un fil rouge quelle que soit la cuvée dégustée : le respect du fruit et la grande précision dans le travail des tanins et de l’extraction. Focus sur le Pinot Saint Georges 2014 (14,60 €), l’autre nom du cépage négrette, où rondeur, épices, réglisse, explosion de fruit, et longueur sapide, offrent une magnifique profondeur de champ.

Haies, pâtures, rivière, vignes, la logique de l’équilibre

Les vignes sont leur gagne-pain, « car nous sommes bien vignerons avant tout » sourit Isabelle, mais elles ne sont qu’une partie du tout. Sur les 45 hectares de Bouissel, moins d’une vingtaine d’hectare est consacré à la culture viticole. Nicolas, Pierre (son papa) et Isabelle les accompagnent le plus naturellement possible, en agriculture biologique et avec certains principes de biodynamie dans les différentes étapes d’élaboration (suivi du calendrier lunaire, observation des vents pour adapter les vinifications à la pression atmosphérique, etc.). Ils n’ont de cesse de questionner les choix passés de leurs aînés, notamment l’ultra-spécialisation viticole adoptée dans les années 1990, sans pour autant émettre de jugements hâtifs : « Mon père, très jeune, s’est passionné pour la vigne, et quand il a repris la ferme de mon grand-père qui était en polyculture et élevage, il a fait le choix de la monoculture. On se rend compte que ce système a atteint des limites, qu’il manque des branches à l’arbre », explique Nicolas.

Remettre des animaux en pâturage, replanter des haies, réhabiliter le tracé originel de la rivière qui passe chez eux, ce n’est qu’un début. « Pour des raisons rationnelles de passage d’engins, ou d’entretien, la rivière a été sortie de son lit et a été re-dessinée dans un tracé artificiel, bien droit. Mais cela est gênant pour son débit, un cours d’eau a besoin de méandres pour couler normalement, avoir un débit dynamique », explique Isabelle. Un détournement de la rivière également fatal pour bon nombre d’espèces de faune et flore spécifiques à ces zones humides, qui une fois assechées, empêchent leur développement et leur reproduction. Ils finissent par disparaître.

Le jeune couple décide de porter ce projet de réhabilitation du tracé de leur rivière auprès du département, ils obtiennent son soutien. « Bon nombres de zones humides aux abords des grandes villes sont en train de disparaître. Lorsque les cours d’eau ne sont pas remblayés ou déplacés pour construire des routes ou des bâtiments, ils sont de plus en plus pollués », explique la vigneronne convaincue de cette démarche éco-logique. « C’est bien joli de parler de la force du terroir, mais si on ne le prend pas en compte dans sa dimension globale, il n’y pas de sens. Chez nous, nous avons des espèces en voie de disparition, comme des tritons marbrés ou certaines salamandres », affirme Isabelle Selle.

Un projet de reconstruire la cave, les équipements et un gîte d’accueil pour les clients aurait du voir le jour en 2018. Il faudra l’attendre encore un, la petite récolte de 2017 détruite par le gel printanier et un passage de grêle obligeant à reconsidérer les investissements de l’année. A ce que nature décide…