Vendredi 11 Octobre 2024
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05.11.2012
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Pour protester contre le projet de libéralisation des droits de plantation des vignes échafaudé par la Commission Européenne, le syndicat des Jeunes Agriculteurs a mis en ligne une pétition présentant David, un viticulteur, en tenue d’Adam dans ses vignes. Le message : ce projet pourrait mettre à nu tous les jeunes vignerons…
La feuille de vigne comme cache-sexe, on connaissait l’astuce depuis longtemps. Le syndicat des Jeunes Agriculteurs a repris l’image à son compte pour illustrer une campagne en ligne agrémentée d’une pétition. Le message : « Sauvez David, Votez pour le maintien des droits de plantation ». Le modèle : David, un viticulteur trentenaire du Vaucluse, posant en tenue d’Adam dans ses vignes. L’enjeu : protester contre le projet de libéralisation des droits de plantation des vignes, échafaudé par la Commission Européenne.
« Sauvez David »
Reprenons les faits : en 2007, dans le cadre d’une réforme de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole, la Commission Européenne mettait en place une directive prévoyant de dérèglementer, à partir de fin 2015 (avec possibilité de report jusqu’à fin 2018), le procédure de plantation de nouvelles vignes pour une exploitation viticole. Autrement dit, cette libéralisation des droits de plantation permettrait de planter des vignes un peu n’importe où, dans n’importe quelle condition, sans se conformer à des notions de terroirs, d’encépagements ou de rendements autorisés, etc.
Inutile de préciser ce que cette réforme peut avoir de choquant pour bon nombre d’acteurs du monde viticole – en particulier chez les grands pays producteurs – et notamment auprès des vignerons indépendants qui voient cette perspective non seulement comme une menace de standardisation des vins, mais aussi comme une menace sur leur avenir, tout court. Comme le déclare David, le vigneron nudiste, sur le texte qui accompagne la pétition : « Notre Europe de 2020 sera une vision cauchemardesque d’une production de vin trop importante, appartenant à de riches opérateurs. Il n’est pas trop tard pour réagir. Nous vous invitons à entendre l’appel de tous les jeunes vignerons, des pays producteurs de vin et du Parlement européen qui vous implorent de changer de cap. Notre avenir en dépend. » A ce jour, la pétition réunit près de 1900 signataires.
Menace
Pour Frédéric Schermesser, défenseur de la pétition et président des Jeunes Viticulteurs du Haut-Rhin, « si ce projet de libéralisation des droits de plantation va au bout, il y aura un avant et un après. N’importe qui pourra investir dans la vigne, planter en plaine, sur des terres qui ne sont pas idéales pour faire du vin. Les enjeux économiques étant gigantesques, les plus grands négociants et de grosses entreprises extérieures vont pouvoir s’y engager massivement. Cela aura pour effet de faire baisser le prix du foncier, le prix du raisin, et au final cela menacera les terroirs difficiles et nuira à la qualité et la diversité des vins ».
« Tout est parti d’un constat absurde de la Commission Européenne, poursuit-il. Constatant que l’Europe du nord importait beaucoup de vins du Nouveau Monde, dont des pays ayant libéralisé les droits de plantation, la Commission s’est dit qu’il fallait que l’Europe s’aligne pour pouvoir lutter. Mais on a vu les conséquences dramatiques que cela a eu en Australie, avec d’énormes problèmes de surproduction. D’un côté la Commission subventionne des arrachages de vignes dans certaines régions, de l’autre il veut libéraliser les droits de plantation… La logique est absurde et le raccourci, dangereux ».
Le nu, un choix non anodin
Face au début de fronde, la Commission a montré une volonté d’assouplir ses projets, notamment en proposant de conserver les droits de plantation sur les AOC et IGP. Mais pour Frédéric Schermesser, le problème reste le même : « les AOC et IGP ne sont pas extensibles à l’infini et mis à part des exceptions comme Cognac, la surface plantée est déjà considérable et ne peut pas se décupler. Le problème vient des plantations en vin de table, où rien ne sera contrôlé. C’est pour cela que nous souhaitons peser sur le débat, en interpelant le Parlement Européen notamment. Il y a beaucoup de travail pour sensibiliser les députés européens, qui sont très sollicités par ailleurs et pour qui la question des droits de plantation peut paraître complexe ».
Et pour sensibiliser, rien ne vaut un bon « buzz » avec un vigneron tout nu ? « Ce choix n’est pas anodin, cela a permis de faire parler de nous, y compris à la télévision, concède Frédéric Schermesser. Cette pétition permet de remettre le débat sur la table pour les prochaines échéances à Bruxelles, et les prochaines réunions du Groupe à Haut Niveau chargé de plancher sur la question. Nous avons deux ou trois mois pour faire basculer cette décision. Jusqu’ici la Commission s’est montrée inflexible, mais si cette mesure passe, je crains des réactions très violentes ». Et parions que ces réactions n’auront rien à voir avec de pacifiques séances d’exhibitionnisme…
M.D.
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