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Œnotourisme : les châteaux bordelais face au défi de l’après Covid-19

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

13.07.2020

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Le château Giscours, grand cru classé de Margaux, accueillait il y a quelques jours Michel Durrieu, Directeur Général du Comité Régional du Tourisme de la Région Nouvelle Aquitaine, afin que celui-ci présente son nouveau livre qu’il a co-écrit avec Gustavo Santos : « L’Après, tourisme et humanité ». Une réflexion méthodique sur le tourisme de l’après pandémie.

En la présence de Sylvain Boivert, le Directeur du Conseil des Grands Crus Classés en 1855, Médoc & Sauternes et accueilli par Marc Verpaalen, le Directeur du service réceptif au château Giscours, une trentaine de propriétaires et de représentants des châteaux, tous concernés par l’oenotourisme, ont écouté avec beaucoup d’intérêt Michel Durrieu ; les questions qu’ils ont posées ont montré les préoccupations liées aux conséquences de la pandémie et aux pistes pour faire rebondir le tourisme dans les châteaux – un sujet par ailleurs abordé dans le cadre de la conférence du Club des Trophées de l’Œnotourisme, organisé la semaine dernière par Terre de Vins.

Moins de touristes

La fermeture des frontières et la suppression des liaisons aériennes ont fortement impacté le tourisme mondial et la clientèle étrangère qui représente une grande part des visiteurs des châteaux est moins présente. Michel Durrieu rappelle que le tourisme est, en Nouvelle Aquitaine, la première activité, devant l’agriculture et l’aéronautique. Cette activité va se trouver « dégradée » puisque qu’on estime « que 15% des entreprises liées au tourisme vont fermer en septembre 2020 ». Et pour cause : « on va probablement recevoir, cet été, en Nouvelle Aquitaine, 1 million de touristes étrangers alors que d’habitude on est proche des 3 millions ». Les touristes français qui ne vont pas partir à l’étranger et qui vont donc rester en France « ne vont pas compenser car ils dépensent deux fois moins qu’un touriste étranger ».

Tout un pan de l’économie des châteaux s’en trouve affecté. « Quels sont les pièges dans lesquels on peut tomber ? » questionne Michel Durrieu, « Il y a une urgence : on fait fondre la trésorerie ? » Sûrement pas. « Il faut relancer la machine. Dois-je changer de méthode ? »

Des nouvelles valeurs dans les comportements des touristes ?

Mais ce changement de méthode repose sur une analyse que Michel Durrieu développe. « La mécanique était de créer une offre et de faire venir les touristes. Cette mécanique est remise en question : quelle est désormais la demande ? Moins de monde, davantage bio, plus de nature… plus cher donc ». Face à cette nouvelle définition du marché, l’auteur pose une question : « Est-ce que la société est prête à accepter à ce que 30 à 40% ne puisse plus voyager ?  » Et si elle l’acceptait, ce serait en intégrant la valeur du développement durable grâce à la découverte du circuit court notamment, qu’il s’agisse de l’approvisionnement ou du voyage. Mais que reste-t-il de cette nouvelle conscience une fois le déconfinement amorcé ?

Convaincre d’abord les français

Le Directeur Général du Comité Tourisme en Nouvelle Aquitaine décrit plutôt un touriste français qui va cette année devoir rester en France, sur la côte, et qu’il va falloir convaincre de venir dans le vignoble pour visiter les châteaux, en famille.
« On communiquera très tard, probablement quand les gens seront déjà là, en Nouvelle Aquitaine ». Il faudra « communiquer sur le digital afin de pouvoir faire machine arrière en cas de reconfinement et adapter l’offre ». Michel Durrieu insiste sur la nécessité de « trouver des activités atypiques, de comment passer plus de temps sur place, et d’adapter le discours sur le vin ». Avec quelques précautions, il bouscule son auditoire en proposant une piste parmi d’autres : « les enfants s’ennuient pendant les visites où on leur parle de vinification ». Et d’inviter les responsables de l’œnotourisme à réfléchir afin que « les enfants fassent quelque chose pendant que les parents feront la dégustation ». Deux auditrices réagissent : « il faut accorder un peu d’attention aux enfants », dit l’une d’elle. « En faire une offre particulière », renchérit l’autre. Michel Durrieu parle alors de « chasses aux trésors et des 400 parcours qui existent en Nouvelle Aquitaine ». Une source d’inspiration utile, d’autant plus qu’elles sont « un vecteur de public ». Pour preuve, le succès du guide du routard de la chasse aux trésors. « Dans ce confinement, les parents viendront avec les enfants », confirme-t-il . « Certains enfants vont aller probablement avec les grands-parents qui sont aisés : les coffres des voitures pourront davantage se charger que d’habitude ».

Quelle communication ?

Michel Durrieu prévient : « la relance économique n’est pas à l’abri d’un reconfinement. Les Néerlandais, les Belges, les Suisses sont en train de revenir. Les Allemands et les Italiens sont plus prudents. Les Japonais sont très craintifs par rapport à la situation sanitaire, et les 1nglais on ne les aura pas avant le 15 octobre. Il faut donc communiquer sur certains marchés ».
Et communiquer sur certains aspects aussi. Les touristes vont venir en voiture (86% cette année au lieu de 76%), et il faut leur indiquer comment venir, si l’on peut recharger en électricité les batteries…
Une manière d’adapter l’offre est « d’écouter ce que disent les gens » en s’appuyant « sur les commentaires que les visiteurs laissent sur les réseaux sociaux ». Mais il faut « communiquer sur des supports sur lesquels la marche arrière est possible car on n’est pas à l’abri d’un reconfinement », répète Michel Durrieu. Et d’ajouter que malheureusement « il va falloir aller chercher les tourismes sur des marchés qu’on considérait acquis (allemand notamment). On va jouer l’année 2021 maintenant. On doit arriver à rester bien positionné dans les moteurs de recherche : un travail qui doit être fait alors qu’on est en période de survie ».
Enfin, « le tourisme d’affaire ne va pas reprendre facilement ». Et si l’on doit communiquer, « il faut rassurer, montrer que l’on respecte les gestes barrières et quand on verra des groupes revenir ce sera le redémarrage économique ».

Bordeaux Métropole à l’action

Le discours de Michel Durieu est complété par les interventions de Olivier Occelli, Directeur Général et Julie Benisty Oviedo chargée de communication, tous deux à l’office de tourisme et des congrès de Bordeaux Métropole.
Olivier Ocelli a présenté la certification ISO 20121 « Système de management responsable » ou, autrement dit, « destination internationale responsable » pour la ville de Bordeaux., comme 8 autres villes françaises. Une certification intéressante, bâtie sur 7 engagements parmi lesquels on notera :

– Renforcer la mobilité durable
– Lutter contre le gaspillage
– Faire du tourisme un moteur de l’inclusion
– Valoriser et protéger l’économie et le patrimoine de la destination
– Orienter les flux financiers du tourisme vers l’innovation durable
– Impliquer les touristes, les professionnels et les organisateurs d’événements dans la dynamique durable.

S’il est difficile pour les châteaux d’appréhender cette certification, ils bénéficient des retombées car c’est tout un territoire adjacent qui y est associé.
Puis Juile Benisty a présenté un éco label co-construit avec le CIVB, l’Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole, et l’UMIH (Union des métiers de l’Industrie Hôtelière). « Pensons local, Vivons Bordeaux ».
Postulat : « nos producteurs et artisans locaux sont des pépites touristiques et culturelles ».
Avec des objectifs ambitieux qui amplifient l’énergie de la vague citoyenne actuelle, l’idée est de construire « un label écosolidaire réunissant consommateurs et professionnels autour de mêmes valeurs » et comme objectifs :
– Soutenir la relance de l’économie locale bordelaise
– Donner du sens à sa consommation : « moins, mais mieux », en privilégiant les circuits courts, en soutien à des artisans ou professionnels qui sont « nos voisins »
– Inciter à privilégier une consommation locale en matière de tourisme, restaurants, petits commerces et marques alimentaires locales, et bien sûr vins de Bordeaux
– En s’appuyant la « marque » Bordeaux

4 univers d’acteurs sont visés :
– Les Producteurs : Food et Vins de Bordeaux – (CIVB)
– Les restaurants (UMIH) et les cavistes – (CIVB)
– Les acteurs du Tourisme et activités (OTCBM)
– Les acteurs du monde culture

Une plateforme présentant le label, sa charte d’engagement (possibilité d’adhérer au label et recevoir le Kit de Communication web et physique) existe : www.bordeauxlocal.fr
Une idée destinée à « positionner Bordeaux et la Gironde comme destination «#Bordeauxlocal ».

Une matinée riche à la Ferme Suzanne du château Giscours, pour un diagnostic lucide et sans concession. Mais chacun est reparti avec un espoir consolidé et quelques-unes des pistes pour rebondir parmi toutes celles qu’on trouve dans les 10 chapitres du livre de Michel Durrieu et Gustavo Santo « L’Après, Tourisme et Humanité ».