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Pol Roger inaugure son nouveau site de production

© Michaël Boudot

Auteur

Yves
Tesson

Date

22.04.2024

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C’est sans doute la construction la plus audacieuse de ces vingt dernières années en Champagne. La Maison Pol Roger a inauguré vendredi dernier son nouveau bâtiment de production qui jouxte l’Avenue de Champagne. Un projet pharaonique dessiné par Giovanni Pace et dont le coût est stratosphérique : une cinquantaine de millions d’euros !

Ce qu’il y avait de plus frappant lors de cette inauguration, c’était de voir que presque toute la Champagne était réunie. Y compris, et c’est le plus émouvant, tous les présidents et chefs de caves des maisons concurrentes. Loin de susciter la jalousie, ce nouveau bâtiment est en effet d’abord une fierté pour tous les membres de la profession, qui sont très attachés à cette famille éminemment sympathique dont ils se sentent tous plus ou moins membres.

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En quelques mots, Laurent d’Harcourt, le directeur général, a retracé l’épopée de cette entreprise fondée en 1849 par Pol Roger qui avait alors moins de 18 ans ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que tous les membres ont été de formidables bâtisseurs. À commencer par Pol qui, en 1872, rachète le terrain nu de Croix de Bussy pour y construire une grande maison et des celliers plus vastes que ceux qu’il possédait rue Eugène Mercier. Les travaux étaient déjà titanesques et dureront huit ans. Après son décès en 1899, Maurice et Georges Pol Roger, ses deux fils, viennent à peine de prendre sa succession lorsqu’un terrible accident survient dans la nuit du 22 au 23 février 1900. Une partie des celliers s’effondre, détruisant dans leur chute 600 tonneaux pleins, contenant la quasi-totalité de la vendange 1899, les galeries souterraines des caves s’affaissent du même coup ensevelissant un million et demi de bouteilles.  "Grâce à la solidarité des maisons sparnaciennes, Moët & Chandon et Mercier en particulier, la société Pol Roger tient bon. Maurice et Georges font alors l’acquisition d’une grande propriété qui contenait des caves entre l’avenue de Champagne et la rue de Bernon. En 1933, après plusieurs années de travaux, les Pol Roger ouvrent leur cellier sur l’avenue de Champagne. Plus tard encore en 1968, au 32 de la même avenue, sous l’impulsion de Christian de Billy et Jean Pol Roger, commence la construction d’un nouveau bâtiment de 4200 m2 destiné à accueillir les opérations de dégorgement d’habillage et d’expédition. »

© Michaël Boudot

Dès le début des années 2000, ce site pourtant très moderne pour l’époque n'est plus adapté. « Les actionnaires et les équipes de la maison rêvent de la construction d’un nouveau bâtiment de production à proximité immédiate de l’emplacement où les caves se sont effondrées en 1900. Mais comme le disait le président du directoire de l’époque, d’abord on refait la cuisine ! »  On préfère en effet commencer par une nouvelle cuverie créée entre 2000 et 2013, de grandes orgues qui comptent 188 cuves en inox thermorégulées d’une capacité de 19.900 hectolites. Ce n’est donc qu’en 2016 que la Maison s’attaque au nouveau bâtiment destiné au dégorgement, à l’habillage et au stockage des bouteilles dosées. 

© Michaël Boudot

Pour assurer une intégration harmonieuse, les équipes de CICAL et KS Groupe sont épaulées par le fameux architecte Giovanni Pace, dont on peut dire dans la région qu’il n’y a guère que la cathédrale de Reims dont il n’ait pas dessiné les plans. L’audace de ce projet est de reconstruire à l’endroit-même où les caves se sont effondrées en 1900. « Après deux années d’étude de sols très spécifiques et des recherches ayant par ailleurs permis d’exhumer plusieurs dizaines de flacons engloutis, lors de l’effondrement de février 1900, les travaux commencent début 2020 par 45.000 m 3 de terrassement. 298 pieux plus tard, dont les plus longs descendent à 35 m sous terre, pour porter ce bâtiment sur ce terrain pour le moins capricieux et fragile, 18.000 M2 de planchers sont déployés sur quatre niveaux et pour rester dans les chiffres vertigineux 3800 m2 de briques sont posées une à une.  Rien n’est laissé au hasard pour assurer une parfaite intégration dans le paysage urbain. D’autant plus qu’il faut respecter les exigences inhérentes aux maisons et caves de champagne sur la ligne du patrimoine de l’UNESCO, et au contrôle des architectes des bâtiments de France. Entre les premiers coups de pioche et le défilement des premières bouteilles sur les lignes d’habillage s’écouleront quatre années. Le chantier aura mobilisé 43 entreprises dites du bâtiment, 27 entreprises process et low technique, 7  prestataires de service intégrant bureaux de contrôle, géomètres, paysagistes etc. et de nombreux compagnons, jusqu’à 80 personnes simultanément parmi  les plus grands spécialistes dans leurs métiers respectifs. » Le bâtiment est évidemment éco-conçu. Il est doté d’une isolation très performante, le site est raccordé au réseau d’eau chaude de la ville et l’irrigation des jardins est assurée par un système de récupération des eaux de pluie. 

C’est une véritable arme de guerre dont s’est doté Pol Roger qui devrait lui procurer une réactivité accrue dans la préparation des commandes, d’améliorer les conditions de travail et de contribuer encore à renforcer la qualité déjà extraordinaire de ses vins. « Le choix a été d’automatiser certaines fonctions dans le but de limiter les tâches potentiellement traumatisantes pour les organismes, ainsi les équipes en production bénéficient d’une aide à la manipulation de toutes les caisses, de la mise à disposition de coucheurs, de redresseurs pour les grands flacons ou encore de gerbeurs autoportés en remplacement  des chariots élévateurs. A noter aussi, qu'outre l’ergonomie des postes, la maison a souhaité favoriser l’ouverture des espaces de travail, la lumière naturelle.  Ce nouveau site de production permet également d’augmenter la surface de stockage, notamment en ce qui concerne les vins habillés et les vins dégorgés. La capacité à ces stades de fabrication se voit doublée permettant une plus grande souplesse de travail ainsi qu’un gain qualitatif avec l’augmentation du temps de vieillissement après dégorgement. »

La Maison aurait pu comme beaucoup d’autres s’installer dans les périphéries de la ville et réduire ainsi considérablement le coût de la construction, mais elle disposait ici d’une importante réserve foncière à proximité immédiate des bureaux et des caves et elle souhaitait favoriser l’ancrage local. « Nous sommes très fiers d’être installés à Epernay, et il n ous importait d’acter cet attachement. Cet emplacement nous permet de ne réaliser aucun transport de marchandise, de personnel ou de matière première entre différents points géographiques. Pour résumer, ce nouveau site de production représente l’amalgame parfait entre pragmatisme, charge symbolique et vision à long terme, chère aux valeurs portées par la maison. » 

© Michaël Boudot