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Primeurs 2011 : faites vos jeux

Auteur

La
rédaction

Date

12.06.2012

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Alors que la plupart des Grands Crus bordelais ont annoncé leurs prix, sans baisse spectaculaire, les primeurs 2011 s’annoncent de plus en plus problématiques pour une place bordelaise qui ne sait pas comment vendre ce millésime « difficile ».

C’est la tempête dans un verre de vin qui a ému le microcosme bordelais pendant Vinexpo Asia Pacific. Alors que 800 personnes étaient réunies dans un grand hôtel hongkongais pour un dîner de gala de la Commanderie de Bordeaux, la nouvelle tombait, abrupte, sur les écrans des smartphones de tous les professionnels présents : les Domaines Barons de Rothschild annonçaient les prix en primeurs de ses vins Carruades de Lafite (second vin du Château Lafite-Rothschild) et Château Duhart-Milon pour le millésime 2011. Shocking ! Une annonce faite de manière peu orthodoxe, en tout cas du point de vue des usages bordelais…

Effet de prestige contre effet millésime

La nouvelle a effectivement été plutôt mal reçue parmi les professionnels qui étaient présents – négociants, courtiers, importateurs… « Ce n’est pas tellement le prix annoncé pour ces deux vins qui pose problème, précise Jean-Christophe Mau, acheteur grand cru chez Mondovino.com. C’est plutôt la façon dont il a été annoncé : en plein dîner de gala, le soir, comme pour prendre les gens de court, en tout cas sûrement pour faire un coup médiatique. Cela a été perçu comme méprisant ». Certains courtiers se sont même sentis « trahis » de ne pas avoir été prévenus de vive voix par la propriété… Lafite-Rothschild, qui a atteint des niveaux de prix stratosphériques lors des deux derniers millésimes, à la faveur notamment de l’engouement du marché chinois, a-t-il fait montre d’un excès d’arrogance sur ce coup ? La manœuvre a, en tout cas, été perçue comme une volonté de faire « cavalier seul » de la part d’un domaine qui « veut scier la branche sur laquelle le vin de Bordeaux est assis », comme l’a confié un des convives présents à Hong Kong le soir de l’annonce.

Avec un prix réservé aux négociants annoncé de 108 € pour Carruades de Lafite et 57 € pour Duhart-Milon (sources Liv-Ex), la baisse de prix par rapport au millésime 2010 est assez minime, ce qui va à l’encontre des prédictions pour un 2011 moins qualitatif… « Pour des vins comme Carruades et Duhart-Milon, l’effet millésime joue assez peu comparé à d’autres vins de Bordeaux, explique Jean-Christophe Mau. C’est la marque et la rareté qui déterminent le prix, d’où cette relative stabilité. » L’effet millésime joue davantage pour le grand vin, Château Lafite-Rothschild, qui a pour sa part affiché une baisse significative par rapport à 2010 (environ 450 €)

Un scénario incertain

Malgré tout, les prix restent élevés, et cela n’est pas sans poser de problème dans le contexte de ce millésime difficile. « Alors que la plupart des grands châteaux ont annoncé leurs prix, il apparaît que le millésime 2011 n’est vendu que 16% moins cher que le 2010, et 9% moins cher que le 2009, souligne Jean-Christophe Mau. On se situe dans des prix 44% plus élevés qu’en 2008, et surtout, 10% plus élevés que le 2005, que l’on avait pourtant annoncé comme le millésime du siècle ! » Et cela, sans compter les quelques domaines qui ont réussi à vendre le 2011 plus cher que le 2009… Malgré la réception peu enthousiaste et des notes en demi-teinte, les grands châteaux n’ont donc pas voulu faire exploser la jolie bulle qui a gonflé depuis deux ans. Tout juste s’est-elle (un peu) dégonflée… Bien sûr, certains ont joué le jeu et donné l’exemple, comme Pontet-Canet qui s’affiche dans des prix très raisonnables au regard de sa qualité (-34%). Mais c’est l’exception qui confirme la règle.

« Cela va être très compliqué, car pour l’instant, personne ne veut acheter ce 2011, déplore Jean-Christophe Mau. Il aurait fallu revenir à des prix plus proches du 2008, par exemple… Après, il est difficile de prédire le scénario à venir. La destinée du 2011 sera aussi conditionnée par la qualité du millésime 2012, il n’est pas rare de revoir la réputation de certains millésimes à la hausse au bout de quelques années. Attendons de voir ce que Parker dira quand il reviendra le goûter. Ce millésime sera peut-être plus commerçant quand il sera mis en bouteille, qui sait ? C’est en tout cas sur des années comme celle-là que les négociants doivent jouer leur rôle et tenir leur place. » On n’a décidément pas fini de parler de ce millésime 2011…

M.D.