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[Roussillon] Jonquères d’Oriola au château de Corneilla : vieille famille, grande modernité

William Jonquères d’Oriola ©DR

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

19.01.2023

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William Jonquères d’Oriola représente la 27e génération d’une famille emblématique de la région. Un enracinement viticole exceptionnel depuis des siècles qui, loin d’être pesant, fait sa fierté et l’incite à inscrire pleinement son domaine dans la modernité. Bienvenue dans le Roussillon qui avance

Jonqueres d'Oriola
Jonqueres d'Oriola

Dire que William Jonquères d’Oriola est bavard, c’est comme dire qu’on aime le rugby à Perpignan. C’est une évidence ! Très affable, l’homme suscite naturellement chez son interlocuteur une écoute attentive. Car chez lui, les idées fusent et s’articulent avec clarté. Curieux, William n’hésite jamais à explorer des univers parfois très différents de ceux qui ont façonné sa famille. Ce patronyme, il est encore dans toutes les mémoires de ceux qui aiment l’équitation et l’escrime. Et notamment grâce à Pierre, le grand-oncle, qui fut notamment double champion olympique et assurément l’un des plus grands cavaliers français de tous les temps. Pourtant, ni escrime ni chevaux pour William qui leur préféra le rugby dès ses 7 ans, sport qu’il va pratiquer pendant 17 ans comme pilier gauche et talonneur. L’homme sait ce qu’il veut et fonce, tête baissé comme en mêlée, toujours prêt à relever de nouveaux défis.

Avant de revenir travailler sur le domaine avec son père et d’en reprendre l’exploitation, il va se lancer 20 mois durant dans un tour du monde qui va « lui enlever ses œillères d’européen ». De la Nouvelle-Zélande à la Basse Californie mexicaine en passant par la Birmanie, ses expériences viticoles lui seront précieuses. À son retour en 2010, il va donc accompagner la marche vers la modernité d’une propriété familiale « dont les vignes étaient parfaitement tenues mais qui demeurait traditionnel » précise-t-il. Après une transition optimale avec un père complémentaire et prompt à la transmission, le voilà qui fait feu de tout bois, analysant toutes ses parcelles, creusant des fosses pédologiques pour les comprendre, réfléchissant sur la gamme et le style des vins. Avec rapidement une évidence. Le Roussillon peut produire de très grands vins, notamment blancs, mais il les veut « intenses et frais ».

Un expérimentateur né

Si William possède également des vignes à Collioure et au Mas Llaró, le château familial de Corneilla se situe, lui, à la pointe des Aspres. Pourtant, William estime que la typicité des vins de cette région des contreforts du Canigou ne s’exprime pas suffisamment. Il se met donc rapidement en tête d’augmenter les surfaces en acquérant une quarantaine d’hectares au cœur des Aspres, entre 150 et 200 mètres d’altitude.

Son envie ? Réaliser de grands vins blancs ayant du corps mais sans lourdeur et des rouges sanguins et digestes. 2 cépages sont pour lui clé. Le vermentino « permet d’apporter énormément de peps au grenache blanc et gris ainsi qu’au maccabeu qui sont peu acides. La densité des vins vient de la fermentation malolactique et non du bâtonnage ». Et le résultat est impressionnant comme sur la cuvée Cavalcade blanc (14 €), sphérique en milieu de bouche tout en conservant une texture aérienne.

Côté rouge, le mourvèdre est son dada. On le retrouve notamment dans la cuvée Icone (39 €). Une sélection stricte parmi les meilleurs fûts issus des meilleures cuves de mourvèdre, syrah et Grenache des Aspres. Un vin dense, au fruit expressif et complexe dont la texture est d’une grande souplesse. Tous les rouges connaissent une fermentation malolactique sous marc. « Une prise de risque évidente qui nous impose un état sanitaire parfait » explique-t-il. Les élevages se font pour leur part en fûts de 500 litres pour ne pas marquer les vins. Tous ont en commun une grande droiture et des expressions franches de leur terroir.

Et si le domaine n’est pas certifié en bio, il en applique déjà de nombreux principes. William est d’ailleurs déjà labellisé bio pour ses 6 000 oliviers avec lesquels il produit de l’huile. Ce n’est donc qu’une question de temps. Il applique déjà la confusion sexuelle dans les vignes, apporte du fumier organique, pulvérise du quartz, utilise des huiles essentielles pour revigorer les ceps. Il met en œuvre tout une culture régénérative avec notamment des semis de légumineuses l’hiver que des moutons viennent tondre ensuite, un épamprage manuel… Il n’arrête jamais de tester mais n’en oublie jamais de le faire en s’amusant. C’est ainsi qu’il a fait voyager quelques-uns de ses vins 100 jours sur un bateau pour voir l’incidence, qu’il a ensuite comparer des vins restés en caves et d’autres vieillis en altitude à 1 800 m avec pour effet de conserver une incroyable fraîcheur.

Sa dernière envie pour la récolte 2023 : réaliser un comparatif sur le même vin entre une vinification classique et une sans sulfite. « Ainsi, je pourrai véritablement constater l’impact de cette méthode ». Un touche-à-tout donc, bien décidé à faire bouger les lignes et à faire rayonner des vins du Roussillon encore trop méconnus.