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Saint-Émilion : au Château Mangot, on a testé les dégustations en visio

Auteur

Audrey
Marret

Date

02.12.2020

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Sur la rive droite de Bordeaux, afin de palier au confinement, la famille Todeschini s’est lancée dans des dégustations en visioconférence. Terre de Vins a testé la première.

« Bonjour à tous à cette première édition de dégustation connectée avec vidéo. Tout le monde est arrivé ? » Il est 19 heures et derrière l’écran, Yann Todeschini ouvre la rencontre. Salons annulés, déplacements limités : en cette période de confinement, nombre de domaines ont opté pour des dégustations en visioconférence, comme le Château Mangot à Saint-Etienne de Lisse, dans l’appellation Saint-Emilion. Le principe est simple : clients, cavistes, particuliers ou professionnels du vin, chaque participant reçoit par courrier un petit coffret contenant des échantillons, avec une invitation à se connecter à une date précise pour une dégustation commentée en ligne.

Dans le Bordelais, le Château La Tour Blanche, premier grand cru classé de Sauternes, a envoyé début novembre deux cents coffrets de petites « vinottes » de 20 ml à ses acheteurs fidèles habituellement rencontrés lors des salons. Au Château Mangot, qu’il dirige avec son frère Karl (photo ci-dessous), Yann Todeschini se lance également pour la première fois. Ce vendredi soir, une vingtaine de participants sont connectés via le logiciel Zoom.

Communauté de dégustateurs

« Ah, je vois qu’il y a nos amis belges », commence le vigneron. Pour cette heure de dégustation sont prévus six échantillons du domaine, que chaque participant, dans son salon, son bureau ou sa salle-à-manger, ouvre consciencieusement en suivant les instructions. Devant les papiers peints, les bibliothèques ou sur les canapés, une petite communauté de dégustateurs se crée. « Commençons par le rosé, le M de Mangot 2019. J’espère qu’il n’est pas trop froid chez vous. » C’est un avantage du format des échantillons, fermés par bouchon à vis : leurs vingt millilitres et leur conditionnement sous azote en font un contenant idéal pour préserver les rosés sous milieu réducteur (c’est-à-dire protégés de l’oxygène). Les arômes juteux de poire fraîche et de fruits blancs de ce merlot à la bouche ample s’en portent à merveille.

« Le vin rouge est peut-être un peu fermé, poursuit Yann Todeschini. Vous pouvez ouvrir les vinottes à l’avance. » Et penser à prévoir chez soi autant de verres que d’échantillons : les rouges méritent largement d’être appréciés plus ouverts. « C’est le jeu de ces échantillons : on a besoin d’être sûrs de bien protéger les vins lorsqu’on les envoie à Singapour, par exemple. » L’embouteillage dans ces mignonnettes de 20 ml coûte d’ailleurs plus cher qu’une bouteille normale, précise le viticulteur. « L’avantage est de pouvoir goûter toute une gamme de façon concentrée et pédagogique. » Et de comparer ainsi le Château La Brande 2016, la propriété historique où réside la famille Todeschini en Castillon Côtes de Bordeaux, avec le Château Mangot 2016, le Saint-Émilion grand cru emblématique de la maison, profond, complexe et marqué par la tonicité des terroirs calcaires.

Succès de la formule

Entre chaque échantillon, des questions s’élèvent. Sur l’apport en bois des foudres, que Yann Todeschini préfère aux barriques pour apporter au Château Mangot une élégante colonne vertébrale. Sur l’influence des amphores, utilisées pour l’Autre Mangot, une cuvée sans soufre lancée en 2016 en guise de pied-de-nez « aux gens qui trouvent toujours trop de bois dans les bordeaux, sans jamais les goûter ». « Qui d’ailleurs préfère le Château Mangot classique à l’Autre Mangot ? », s’enquiert Yann Todeschini. « Rien à voir, ce sont deux vins différents », répond-on de l’autre côté de la France et en Belgique. La séance va crescendo avec la cuvée Todeschini 2014 et la cuvée Quintessence 2012 du Château Mangot. Deux cuvées plus identitaires, la première dominée par un cabernet franc racé (40%), la seconde marquée par la sérénité d’un merlot (100%) aux tanins délicatement ourlés.

« Nous recevons 6000 personnes par an au domaine en temps normal, confie Yann Todeschini. Lors du premier confinement, nous avions un peu baissé la tête. Alors nous avons eu cette idée de dégustation en visioconférence. » Le domaine, qui a envoyé 200 coffrets à des clients particuliers et professionnels ciblés, compte refaire quelque 70 coffrets mis en vente pour une deuxième session de dégustations en ligne. Le format des échantillons à l’avantage de passer facilement dans toutes les boîtes aux lettres. Yann Todeschini se réjouit du succès de la formule. « C’est beau de faire goûter six vins à des personnes à 1000 km de distance. »