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Vin et rugby : l’UBB sort les sécateurs

Ci-dessus : Brock James et Jefferson Poirot en pleines vendanges (photo C. Couly)

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

02.10.2018

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Avec de grosses cuisses et de larges sourires, les joueurs de l’Union Bègles Bordeaux sont venus vendanger dans les Côtes de Bourg.

Il y a du beau monde dans les rangs de vigne du coté de Bayon-sur-Gironde dans les Cotes-de-Bourg. Quelques jours après leur victoire à domicile contre La Rochelle, les Brock James, les Baptiste Serin, les Jefferson Poirot et tout le reste de l’équipe sont venus vendanger une parcelle de merlot. « J’aime bien le monde du vin même si j’ai besoin d’apprendre, notamment sur les vins rouges car ma préférence allait vers les blancs, j’ai une cave avec beaucoup de Bordeaux et un peu de Bourgogne », explique l’international Jefferson Poirot avec sa hotte sur les épaules.

Le première ligne a quelques points sur l’arcade, ce sont des choses qui arrivent, et qui arrivent souvent très vite. Originaire de Bergerac, il trouve très sympathique de se retrouver au Château Eyquem, ce magnifique vignoble qui domine l’estuaire, en attendant de se faire moucher l’autre œil à Grenoble. Et la responsable œnotourisme ne cache pas son plaisir de voir débarquer tous ces colosses aux couleurs de l’UBB. « On aime recevoir du monde à la propriété, on a refait la salle de dégustation, c’est une très belle façon de promouvoir les Côtes de Bourg et il faut reconnaître que mon père Xavier Carreau est un fan de rugby et supporter inconditionnel de l’UBB », souligne Charlotte Carreau.

Parmi la parcelle qui fait partie de la vingtaine d’hectares que compte le Château d’Eyquem, des génies de l’ovale jouent du sécateur, à commencer par Brock James. « C’est la première fois que je fais les vendanges, je n’avais jamais fait ça en France ni en Australie, c’est un univers qui semble passionnant », confie l’ouvreur qui doit éviter de temps à autre quelques grappes envoyées par les « gros ». Dans une ambiance bon enfant, les joueurs ont ensuite été conviés à voir une réception de vendange avant de passer à la pratique, c’est-à-dire la dégustation.

Voilà huit ans que les Côtes de Bourg sont en partenariat avec l’UBB – les joueurs et le staff – avec notamment une journée vendanges chaque année dans un château différent. « On est aussi partenaire d’après-match, avec dans les carrés VIP la dégustation des vins de l’appellation, c’est une image que l’on aime, il y a tant de valeurs communes, le collectif, le partage, les parallèles sont importants », explique Didier Gontier, le directeur du syndicat viticole des Côtes de Bourg.

Brin de folie

Il est certain qu’Aucun autre sport que le rugby n’a autant de connexions avec le vin. L’histoire et la géographie de ces deux univers en témoignent. Une alchimie quasi-évidente, une histoire de terres promises, de virilité, de fierté, de beauté du geste et de clochers. Le vin comme le rugby assument l’amour des petites patries. Ce n’est pas les Springboks, les Néo Z, les Australiens ou les Argentins qui diront le contraire. Et les Anglais, et les Celtes, ils ne font pas de vin ! C’est vrai mais faute de climat adéquat, ils consomment et combien. Il est autre chose à chercher pour avoir des explications, c’est dans l’excès, ce brin de folie qui fait faire des merveilles à des vignerons fous furieux, se mettant en danger pour donner le meilleur, agrippés aux schistes de Collioure, les visages burinés par le mistral qui remonte le Rhône, qui fait faire des prouesses à ces rugbymen donnant leur corps à leur club, pas mécontents de s’envoyer quelques marrons. Un sport de voyou dit-on. Les vignerons ne sont-ils pas considérés de la même manière par les hygiénistes cacochymes à la conscience obèse montrant du doigt les dealers de plaisir ? Dans le vin comme dans le rugby, on exagère toujours un peu. Les métaphores vont bon train. De là, en faisant tourner le vin dans le verre, à entendre le bruit des crampons qui claquent sur le bitume du vestiaire, de là à approcher son nez et sentir l’odeur du camphre, c’est le grand écart.

Mais plus concrètement, des joueurs ont choisi une autre terre, promise à la viticulture. Citons Pelous, dont la mâchoire dépassait des mauls, a choisi de signer des vins de négoce bordelais ! Le poète Chabal, ce sera Bergerac, normal ! Autre colosse, Imanol Harinordoquy, privé d’un titre de champion du monde par l’arbitre Joubert, s’est associé avec Lionel Osmin pour ouvrir un bar à vins à Biarritz, Les Contrebandiers. L’arrière capricant et génial Jean-Baptiste Lafond est associé à la maison de négoce Audy, le pilier Poux qui a joué trois coupes du monde dans le XV de France a monté sa société de négoce, le troisième ligne d’Agen Matthieu Cosse fait désormais des merveilles à Cahors, sans citer Gérard Bertrand, le joueur du Stade Français parti à la conquête des vins du Sud, sans parler de Jacky Lorenzetti, Président du Racing et heureux propriétaire des Châteaux Pédesclaux et Lilian-Ladouys…. Liste non exhaustive à laquelle s’ajoutent tous ces « vignerons en hiver » qui s’écorchent les genoux et les oreilles le dimanche et qui prouvent qu’aucun autre sport que le rugby n’a autant de connexions avec le vin. De facto, les Côtes de Bourg font encore mouche. « Comme les joueurs, on aime aller au combat, se confronter à de grandes équipes et on aime créer, en cela, les Côtes de Bourg joueraient à l’ouverture », sourit Didier Gontier.