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Cuvée Nicolas-François : la verticale de Billecart-Salmon

Auteur

Yves
Tesson

Date

28.09.2020

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La Maison Billecart-Salmon proposait pour la première fois une verticale de sa cuvée spéciale « Nicolas-François » à l’hôtel de Crillon à Paris. L’occasion de présenter un nouvel outil pour cartographier les stades d’évolution de ses différents millésimes.

Les vins voyagent dans le temps, et ils n’évoluent pas tous à la même vitesse. Ils s’ouvrent et parfois se referment pour se rouvrir à nouveau… Pour le consommateur, il n’est pas toujours aisé de les situer et de savoir quand les boire. Spontanément, le réflexe consiste à déguster la bouteille la plus ancienne, alors qu’une plus jeune peut très bien être plus évoluée. C’est aussi une question de goût : qu’est-ce qu’on apprécie dans cette cuvée ? La fraîcheur ? L’épanouissement ? Les épices ? La maturité ? La complexité ? Autant de stades par lesquels les vins passent au fil des années en cave et que la Maison Billecart-Salmon a choisi de « cartographier » régulièrement pour tous ses millésimes, afin de mieux aider sa clientèle à déguster au bon moment ses champagnes.

C’est avec cet outil à la fois simple et parlant que Billecart-Salmon a choisi de présenter la toute première verticale de sa cuvée Nicolas-François. À tout seigneur, tout honneur : celle-ci se tenait dans les salons du Crillon, place de la Concorde. La cuvée Nicolas-François se compose généralement d’environ 60% de pinot noir et de 40% de chardonnay venus des grands crus et premiers crus. Elle incorpore aussi une part de vins vinifiés en fûts. Néanmoins, la règle chez Billecart-Salmon est de ne pas fixer ces proportions qui peuvent varier selon les années.

De 2007 à 1989 : Nicolas-François ou la DeLorean de Billecart-Salmon

2007 illustre à merveille la catégorie « fraîcheur ». Cette année-là, les vendanges se sont tenues à la fin du mois d’août, avec une maturité assez avancée. Le chef de cave a donc décidé d’utiliser 50% de vins n’ayant pas réalisé leur fermentation malolactique : le résultat est là, malgré la maturité, on a réussi à conserver tout le croquant et l’énergie.

Pour le millésime 2006, la maturation des raisins avait été en partie bloquée par la sécheresse, avant d’être relancée par des pluies survenues fin août. Les acidités sont un peu plus basses que la moyenne. En revanche la maturité technologique a atteint lors des vendanges, fin septembre, 10,5 degrés. 2006 ressemble d’ailleurs beaucoup à 2007, mais avec davantage de gourmandise, à la fois au nez et par les sensations tactiles qui se manifestent en bouche. Pour ne pas exagérer cette richesse, la Maison a choisi de modérer la quantité de vins en fûts (seulement 5% contre 15% en 2007). Nous sommes ici au stade de « l’épanouissement ».

On opère un bond de dix ans en arrière : 1996. Cette fois-ci, on a une assez forte acidité à la vendange qui a empêché de recourir aux vins en fûts, car à l’époque on bloquait systématiquement les fermentations malolactiques pour ce type de vinification. On est ici au stade « épices ». En bouche, on reconnaîtra le paprika, la cardamone et une petite sensation poivrée sur la finale. Pour autant, on a aussi une trame minérale et une certaine fraîcheur qui laisse à cette cuvée encore de belles années pour pouvoir continuer à s’exprimer.

On l’a dit, la cartographie des vins ne respecte pas toujours la chronologie des années. Aussi, pour ce quatrième stade, « la maturité », la machine à voyager dans le temps revient en 1998. Quel nez surprenant ! Noisettes grillées, praliné, quelques notes minérales comme la fumée et un peu de fruit sous-jacent… En bouche, on a quelque chose d’assez ample, construit autour de saveurs maltées, de fleurs séchées, de mandarine confite, un côté un peu salin aussi…

Enfin, arrive la cuvée 1989. Elle s’inscrit comme 2020, dans une magnifique trilogie qui a tenu en haleine le monde du vin (1988, 1989, 1990). L’année se caractérise par des gelées printanières puis une floraison longue avec de la coulure qui ont réduit la charge de raisin. La vague de chaleur en août a entraîné une vendange précoce pour l’époque à la mi-septembre. Le dosage à 10 grammes est celui d’un autre temps, tout comme la vinification dans des cuves en brauthite qui donne une patine au vin, avec peut-être plus de rondeur que ce qu’apporte habituellement l’inox. Le nez évoque les agrumes confits, les champignons, les sous-bois. En bouche, on trouve de la puissance, de la fermeté, des arômes de cèdre, des notes grillées… On est bien au stade de la « complexité » mais avec encore de la fraîcheur et un côté acidulé, l’heureux effet des fermentations à basse température déjà pratiquées à l’époque ?