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Crozes-Hermitage : deux visions de présidents

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

05.01.2017

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L’appellation Crozes-Hermitage vu par ses deux présidents, Yann Chave du domaine éponyme et Jacques Grange, responsable du producteur-négociant Delas. Entretien croisé.

De quelle image bénéficie, selon vous, l’appellation Crozes-Hermitage ?
Yann Chave :
Nous commençons à avoir une belle notoriété grâce à la syrah, très en vogue, et en tant que première appellation à volume après Châteauneuf-du-Pape, nous avons beaucoup de visibilité. Nous allons franchir sans doute les 100 000 hl d’ici 10 ans. Mais nous sommes surtout connus pour nos rouges, et même quasi exclusivement à l’export. Nous nous affranchissons de plus en plus de l’appellation Hermitage et nous sommes arrivés à nous faire une place sur la carte des restaurants avec en moyenne 2 ou 3 références. La difficulté que nous rencontrons est de ne pas avoir assez d’ambassadeurs de belle renommée pour promouvoir l’AOC, contrairement à Châteauneuf. La plupart des amateurs ne peuvent citer que 7-8 producteurs dont la cave coopérative qui est un beau dénominateur commun, surtout avec ses cuvées parcellaires.
Jacques Grange : L’appellation enregistre de plus en plus de caves particulières, près de 90 aujourd’hui contre une dizaine il y a 10-12 ans, même si la coopérative réalise encore 40% des volumes. Nous voyons arriver de nouveaux acheteurs chaque année, souvent des vignerons qui sortent de la coop ou en reconversion après avoir cultivé pêches et abricots. Cela prouve un certain dynamisme ! Outre notre visibilité volume, nous pouvons afficher désormais une reconnaissance nationale et internationale avec une qualité assez homogène et un élevage bois maîtrisé pour ceux qui en font, sans les excès des années 90-début 21ème. On ne peut empêcher l’amalgame avec Hermitage (presque tous les acteurs d’Hermitage sont aussi en Crozes et jouent là-dessus) et on reste encore parfois dans la confusion, même si Crozes en a profité.

Votre avis sur les blancs et en particulier le millésime 2015 ?
Y.C.:
Nous progressons en blanc (actuellement 8%) avec des cépages plutôt à la mode, la roussanne qui se replante de plus en plus, et la marsanne qui est un joli cépage même s’il est difficile à conduire : amer s’il est vendangé trop tôt, lourd si c’est trop tard. 2015 a été un millésime exceptionnel, plutôt caniculaire mais il n’est pas alcooleux comme le 2003 et il est resté équilibré, rafraichissant sans trop d’amertume.
J.G.: L’appellation progresse régulièrement en blanc depuis une dizaine d’années, notamment grâce aux efforts techniques et à une meilleure maîtrise car pendant longtemps, les vignerons ne s’occupaient de leurs blancs que tardivement après avoir rentré tous leurs rouges. Chez Delas, nous sommes en rupture au moins deux ou trois mois par an et nous envisageons d’en replanter. On peut toujours en mettre jusqu’à 15% dans les rouges même si la pratique est moins fréquente. En tout cas, l’appellation pourrait facilement atteindre 10% de l’encépagement. 2015 a enregistré une belle homogénéité d’ensemble ; il faut juste attendre le printemps pour les vins qui ont été élevés en bois.

Et 2012 se déguste bien aujourd’hui sur les rouges ?
Y.C. :
Après un printemps très humide, l’été a bien rattrapé le millésime et la récolte a été plutôt normale. 2012 est assez facile à boire, comme 2014, avec une belle texture assez puissante. Il est un peu fermé aujourd’hui, mais il sera parfait dans 2-3 ans, surtout en grand format.
J.G.: Il ne faudra pas l’attendre 10 ans, il commence à être mûr mais il était soyeux déjà au départ. Les rendements avaient été généreux et on le paye maintenant par un léger manque de structure. Les bouteilles encore disponibles sont de belles bouteilles.