Accueil Margaux : Château Ferrière, le choix de la biodynamie

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

11.07.2019

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Après avoir converti Château Haut-Bages Libéral (5ème grand cru classé de Pauillac) et La Gurgue (Margaux), Claire Villars-Lurton fait passer avec de solides convictions Château Ferrière (3ème grand cru classé de Margaux) en biodynamie.

Convertir un vignoble à la biodynamie n’est jamais un choix anodin. « Il faut accepter de perdre de l’argent » par rapport au modèle classique et changer de modèle économique, souligne Claire Villars-Lurton. Ce que l’on économise en produits phytosanitaires se convertit en charges supplémentaires de personnel et d’équipement. Sans compter la difficulté à recruter des personnels formés ; à tel point que, avec d’autres crus classés, Claire Villars-Lurton a dû nouer un partenariat avec la Maison Familiale Rurale de Saint Yzans de Médoc. Celle-ci a ouvert « l’école de la vigne » afin de créer un CQP (Certificat de Qualification Professionnelle) destiné aux demandeurs d’emplois : une formation en alternance sur 18 mois, très adaptée aux besoins des châteaux viticoles et qui devrait accompagner la main d’œuvre dont le château Ferrière a davantage besoin depuis son passage en biodynamie.

En biodynamie, « il faut passer dans les rangs plus souvent : on a doublé les temps de passage, pour le désherbage, mais également pour la pulvérisation des produits de contact ». Ces derniers, positionnés sur la vigne, disparaissent et deviennent inopérants dès que la pluie les lessive. Il faut donc repasser si l’on veut conserver une efficacité du produit et protéger la vigne. « On fait davantage de prophylaxie », souligne la propriétaire. Même si les deux derniers millésimes ont mis à rude épreuve les châteaux du bordelais (gel en 2017, pression du mildiou en 2018), Claire ne faiblit pas dans la poursuite de ses objectifs.

Une éthique à toute épreuve

La conversion en bio a débuté en 2012 afin d’obtenir la certification. Celle-ci a été obtenue en 2015 et il a fallu trois années de plus pour gérer le passage en biodynamie. En 2018, Ferrière a été certifié Biodyvin et Demeter.
« Je cherche du sens à notre action », annonce-t-elle. Une idée rebattue, diront certains, car beaucoup revendiquent cette quête du sens. Sauf que la sincérité du propos de Claire et l’actualité accréditent fortement son discours. Quel sens en vérité ? Les raisons profondes de ce passage en biodynamie s’ancrent dans l’urgence qu’il y a à préserver la planète qui nous porte et à se nourrir sainement. « Cela fait dix années que j’essaie de lutter contre l’utilisation du plastique, j’ai un potager et j’essaie de lutter contre toutes ces facilités qui polluent la terre ». Finalement, une certaine « cohérence entre ma manière de vivre et ce que je fais sur les propriétés. Le château est le prolongement de ce que je suis », poursuit-elle. Lorsqu’on évoque l’état de la terre sur ses propriétés, Claire s’enthousiasme. Les vers de terre sont revenus (marqueurs de bonne santé), la terre est plus souple, meuble, plus vivante. « On a remis de la vie ». Il s’agissait de « retrouver des valeurs et du sens à notre travail » et construire une relation plus intelligente et « respectueuse à la terre ». Ce passage en biodynamie est à l’évidence un acte de conviction et de sincérité.

De ses études – Maîtrise d’histoire de l’art, DEA de physique appliqué à l’archéologie, complétées par des études en œnologie – Claire Villars-Lurton estime qu’elles la prédisposaient plutôt à « réfléchir sur la culture intensive » et l’ont naturellement amenée à se diriger vers ce passage en biodynamie, au lieu de la conforter dans les certitudes d’une science « un peu réductrice » selon elle, au service d’une agriculture où la chimie serait reine. Sans compter que ce questionnement environnemental était « une préoccupation familiale depuis longtemps »… Ainsi, dès 2007 Haut-Bages Libéral est converti, suivi par La Gurgue en 2016, et aujourd’hui Ferrière.

Des exemples à suivre

Quels ont été les maîtres à penser de Claire ? Le déclencheur aura été sa rencontre, en bourgogne, en 1993 et 1994 avec cette gardienne du terroir qu’était Anne Claude Leflaive, pionnière de la biodynamie et décédée trop tôt en 2015 à l’âge de 59 ans. Mais également Nicolas Joly, celui-là même qui jure de la nécessité de lutter contre les trois drames de la viticulture : les désherbants, les engrais et les maladies.
Et puis, Pierre Masson, fondateur de l’entreprise biodynamie services et lui aussi décédé trop tôt en juillet 2018. D’autres encore, mais plus près du terroir bordelais, ont influencé Claire Villars-Lurton dans sa démarche : on mentionnera Alain Moueix du château Fonroque mais aussi la Chambre d’Agriculture de la Gironde qui « accompagne bien ceux qui veulent passer en bio ou en biodynamie ».

Claire fait partie du mouvement MABD, Mouvement de l’Agriculture en Bio-Dynamique et organise au château Ferrière, 3 à 4 fois par an des regroupements de viticulteurs en biodynamie. C’est l’occasion d’échanger mais aussi de « confectionner des bouses de corne et de la silice de corne, qu’ensuite, ils enterrent pendant 6 lunes dont un équinoxe » et que beaucoup reviennent récupérer plus tard afin de faire les pulvérisations dont ils ont besoin. Mais on l’aura compris, la biodynamie, ce n’est pas que cela. C’est retisser un lien avec une terre qui est parfois en bien mauvais état malgré les apparences. Et lorsqu’on demande à Claire si elle se reconnait dans le film « On a vingt ans pour changer le monde », ses propos la définissent inévitablement comme une citoyenne de la Terre. Et la viticultrice de veiller à ce que Château Ferrière, sis sur un terroir prestigieux dont elle se sent responsable, contribue au respect de cette Terre, afin de garantir une transmission exempte de tout reproche par les générations futures.

www.ferriere.com