Accueil Terroirs et Vignobles Le « ras-le-bol » des vignerons champenois face aux difficultés de main d’œuvre

Le « ras-le-bol » des vignerons champenois face aux difficultés de main d’œuvre

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

03.09.2018

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Nuage dans les vendanges 2018 idylliques en Champagne : le problème du recrutement et de l’hébergement des saisonniers. Le Syndicat Général des Vignerons en a fait un de ses chevaux de bataille pour la rentrée parlementaire cet automne.

Maxime Blin, vigneron à Trigny (Marne), n’en revient toujours pas : « Nous avons commencé les vendanges hier avec 34 cueilleurs, aujourd’hui il nous en manque déjà 5 ! C’est devenu vraiment un casse-tête de trouver des vendangeurs ; ça va – ça vient ; ça a mal au dos ; ça n’a plus envie ! On est obligé en pleines vendanges de chercher de nouvelles personnes, sans compter tout ce que cela nous demande en travail administratif ! »

D’où vient donc le désamour pour ce qui était pourtant autrefois un job étudiant prisé – dans toutes les familles du Nord-Est, au moins une personne avait fait une fois les vendanges en Champagne ! La « paperasse » est immédiatement évoquée. « On a 14 démarches administratives quand on emploie un salarié viticole, tempête Maxime Toubart, président du Syndicat Général des Vignerons (SGV), ce n’est pas possible, on a besoin d’air sur ces sujets-là. »

Autre mal invoqué : le gîte et le couvert des vendangeurs. Les normes sont devenues tellement complexes que les vignerons préfèrent abandonner. « Je nourris 12 vendangeurs à midi, c’est un vrai travail, mais je pense que cela fait partie de l’ambiance des vendanges, reprend Maxime Toubart. Mais pour 10 jours d’activité, on me demande des normes sanitaires incroyables, la séparation d’un circuit propre et un circuit sale, etc. Je ne suis pas un restaurant ! »

44 m2 pour loger 6 vendangeurs

En matière d’hébergement, la situation est encore plus ubuesque avec un dispositif de logement des saisonniers dépendant du code rural, plus sévère que le code normal du travail qui régit l’hôtellerie ! Jugez plutôt : « une pièce destinée au sommeil ne peut recevoir que 6 travailleurs. Sa superficie minimale doit être de 9 m2 pour le premier occupant et de 7 m2 pour les occupants supplémentaires. Pour loger 6 personnes, un minimum de 44 m2 est nécessaire. Pour loger 30 vendangeurs (effectif maximal moyen dans les exploitations), il faut disposer de 6 pièces totalisant une surface de plus de 220 m2 ! »

Mille et une normes (douches, lits superposés, etc.) complètent le cahier des charges et ont entraîné la fin de l’hébergement chez la plupart des vignerons. Les vendangeurs (120 à 150 000 en Champagne pendant 10 jours) s’entassent désormais dans des hôtels à bas coût, des caravanes, des tentes ou même, dorment dans leur voiture.

La solution de la prestation

Enfin, force est de constater que les mentalités changent et que, même sans emploi, de nombreux français n’ont pas envie de jobs comme les vendanges. Pourtant, des conventions ont été signées au début de l’été (pour la première fois dans l’Aube et l’Aisne, et depuis plusieurs années dans la Marne), pour permettre d’être payé des vendanges sans perdre le RSA. Pourtant, « sur 13 000 allocataires du RSA dans la Marne, seuls 400 ont profité de la mesure vendanges en 2017 », regrette Christian Bruyen, président du Conseil départemental de la Marne. Pour ces personnes très éloignées du monde du travail le transport, les repas (problèmes exacerbés lorsque les vendangeurs ne sont plus logés sur place) deviennent devrais obstacles.
Face à toutes ces difficultés, des sociétés sont apparues, qui proposent des solutions clé-en-main de prestation de vendanges. Ce n’est plus le vigneron mais ces entreprises qui prennent en charge l’opérationnel : le recrutement, l’hébergement, le déplacement vers les parcelles, et même le voyage aller-retour du vendangeur depuis son domicile… souvent dans un autre pays européen.

Ce faisant c’est toute une activité économique de village (café, boulanger), des échanges, une ambiance qui disparaissent. Voilà l’image d’Épinal des vendanges sérieusement écornée.
Toutes ces revendications – et bien d’autres concernant notamment la simplification administrative des contrats de travail saisonniers – font partie de la lobby-liste du Syndicat général des vignerons pour le volet agricole de la loi de finances 2019. Elle doit être discutée au parlement fin septembre. Une autre vendange en perspective ?