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Corbières, l’après-incendie : analyses, aides et solidarité s’organisent

©Cellier des Demoiselles

Auteur

Willy
Kiezer

Date

23.10.2025

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Deux mois après le méga-feu d’août qui a meurtri le nord des Corbières, l’heure est au concret. Cellule de crise, protocole d’analyses sur le « goût de fumée », fonds d’urgence de l’État, formations techniques… Les autorités et la filière ont déroulé un plan d’action. La solidarité s’exprime aussi avec une grande soirée caritative menée par le chef triplement étoilé Gilles Goujon le 25 novembre au château de Boutenac.

Le méga feu du siècle…

Le 5 août, un incendie d’une ampleur inédite s’est déclaré à Ribaute (Aude), traversant en quelques heures quinze communes. Au-delà du drame humain, le vignoble a payé un lourd tribut : sur l’aire d’appellation Corbières (56 000 ha), environ 20 000 ha ont été touchés par les différents feux de l’été (échaudage, enfumage), dont près de 1 000 ha de parcelles en AOC directement impactées (brûlées ou fortement enfumées). Des domaines et des caves coopératives emblématiques ont été frappés de plein fouet. La sidération passée, les outils de la reconstruction se mettent en place.

Ce que les autorités ont mis en œuvre

Dès la mi-août, la Chambre d’agriculture de l’Aude a activé une cellule de crise, ouvert des permanences en mairie (Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse et Durban) et un numéro d’urgence a été créé pour répondre à la quinzaine d’appels par jour au pic de la crise. Un numéro pour accueillir, orienter et accompagner les sinistrés dans leurs premières démarches (assurances, dépôts de plainte, recensement des dégâts).

Face au risque de « smoke taint », ou « goût de fumée », un protocole d'analyse a été coordonné avec l’État et trois laboratoires (dont Dubernet et l’ICV), cofinancé par le Conseil départemental. Plus de 500 dépistages (sur 500 parcelles) ont été réalisés, afin d’aider chaque viticulteur et vigneron à décider de vendanger, ou non, et ainsi éviter des vinifications vouées à l’échec. « L’utilité a été considérable, car la décision devait se prendre parcelle par parcelle, selon l’intensité et la cinétique du feu », souligne Frédéric Launay, chef de pôle à la Chambre d’agriculture de l'Aude.

Le bâtiment de la cave du Cellier des Demoiselles en flammes cet été. ©Cellier de Demoiselles

Côté finances, la visite ministérielle a débouché sur un fonds d’urgence de 8 M€ : 1 M€ fléché vers la MSA (Mutualité sociale agricole), 7 M€ pour les exploitations sinistrées par le méga feu. Première vague (pertes de récolte) close mi-octobre ; deux nouveaux appels à projets arrivent en novembre, l’un pour les pertes de fonds, l’autre, selon reliquats, pour les destructions de volumes en vinification. Le cadrage a prévu une aide d’État de 3 500 €/ha (assurance déduite), avec un plafond combiné aide + assurance à 5 000 €/ha pour éviter toute surcompensation.

Dernier volet, l’accompagnement technique de l’après-feu : fin novembre/début décembre, des formations de terrain préciseront comment qualifier les dégâts, adapter la taille et gérer la productivité sur les deux prochaines saisons végétatives, ainsi que le redémarrage au printemps sur des ceps stressés par le feu. Les déclarations de récolte en décembre donneront, elles, une photographie affinée de l’impact réel.

Solidarité en actes

À côté du soutien public, la solidarité privée s’est mobilisée dès les premières semaines (soirées solidaires au château Lastours, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, opérations inter-appellations menées par les voisins du Minervois, actions des Lions Clubs…). Sur le terrain, l’association Tiers-Lieu Paysan a organisé des maraudes, du débroussaillage, de l’acheminement de fourrage, et lance « Refleurir les Corbières » pour ensemencer les zones brûlées.

Point d’orgue annoncé, le 25 novembre, le célèbre chef audois Gilles Goujon (L’Auberge du Vieux Puits) réunira quatre autres chefs du département pour un grand repas caritatif au château de Boutenac, siège des vignerons de Corbières. 300 convives, des accords 100 % Corbières, et un objectif : récolter 90 000 €. Tous les intervenants œuvrent bénévolement ; l’intégralité des fonds sera reversée aux sinistrés. Les réservations ont été prises d’assaut, une liste d’attente s’est même constituée.

Et maintenant ?

Entre urgence et temps long, l’équation reste délicate pour les exploitations les plus touchées et pour certaines caves coopératives. La profession (Chambre, fédérations, syndicats) travaille à des réponses « cas par cas », tandis qu’un travail stratégique s’ouvre sur la prévention (pastoralisme, aménagements, gestion des interfaces forêt-vigne). « C’est sur deux ans que se jouera la vraie relance agronomique », rappelle Frédéric Launay.

Blessé, le vignoble des Corbières reste debout. À l’appui d’outils techniques inédits, d’aides ciblées et d’une chaîne de solidarité impressionnante, la reconstruction s’esquisse déjà. Dans les collines noircies, l’espoir reprend sa place : celui de voir revenir des ceps, des récoltes, et des vins qui racontent à nouveau l’âme d’un territoire.